JUGEMENT DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE
Daté :
le 14 février 1997
Dossier :
A-56-96 / A-57-96
Décision du juge-arbitre :
CUB 30987 / 30988
CORAM :
LE JUGE MARCEAU
LE JUGE HUGESSEN
LE JUGE DESJARDINS
ENTRE :
A-56-96 (CUB 30987)
MICHEL FAUCHER,
partie demanderesse,
- et -
COMMISSION DE L'EMPLOI ET DE
L'IMMIGRATION DU CANADA,
- et -
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
partie défenderesse.
ENTRE :
DENIS POIRIER,
partie demanderesse,
- et -
COMMISSION DE L'EMPLOI ET DE
L'IMMIGRATION DU CANADA,
- et -
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
partie défenderesse.
Audience tenue à Québec, le vendredi 14 février 1997.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l'audience à Québec, Québec,
le vendredi 14 février 1997)
LE JUGE MARCEAU:
Deux demandes de révision judiciaire sont ici mises en cause. Elles s'attaquent à deux décisions d'un juge-arbitre agissant en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage relativement à deux cas similaires présentés en même temps devant lui pour être considérés sur la même preuve. Les deux demandes ont été de nouveau réunies devant nous et présentées en même temps. Il s'agit, en effet, de deux ouvriers de la construction, spécialisés dans l'installation et la réparation de toitures, qui, exerçant leur profession ensemble, se trouvaient dans des conditions identiques en regard de la Loi, et dont les demandes de prestations furent refusées, en même temps, au motif qu'ils n'avaient pas prouvé leur disponibilité.
Nous en sommes venus à la conclusion que les deux demandes devaient être accueillies. À notre avis, le juge-arbitre se devait d'intervenir pour contester ces conclusions de non-disponibilité que la Commission avait retenues et que le Conseil arbitral avait entérinées.
Nous sommes, bien sûr, pleinement conscients que la disponibilité d'un prestataire est une question de fait dont la solution normalement repose sur une appréciation de la preuve, domaine privilégié du Conseil arbitral. Mais nous croyons qu'ici les membres du Conseil et, après eux, le juge-arbitre ont apprécié les faits à la lumière d'une notion de disponibilité qui n'est pas conforme à celle définie par la Loi telle qu'interprétée par la jurisprudence. En l'absence de définition précise dans la Loi, il a été maintes fois affirmé par cette Cour que la disponibilité devait se vérifier par l'analyse de trois éléments, soit le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu'un emploi convenable serait offert, l'expression de ce désir par des efforts pour se trouver cet emploi convenable, et le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail, et que les trois éléments devaient être considérés pour arriver à la conclusion. Or, il appert, à la lecture des motifs de décision du Conseil arbitral comme du juge-arbitre, que seul le troisième élément a vraiment joué, éclipsant les deux autres, ce qui a conduit à une conclusion qui paraît sans correspondance véritable avec la situation dégagée de l'ensemble des circonstances.
Personne, ni les membres du Conseil ni le juge-arbitre, n'a mis en doute la crédibilité des prestataires quand ils expriment leur constant désir de se trouver de l'emploi, personne, non plus, n'a contesté leur dires au sujet des recherches qu'ils avaient faites et qui couvraient toutes celles qui avaient quelque chance de succès. Ce qui leur est reproché, c'est qu'en formant tout récemment leur propre petite entreprise de couvreurs, et en cherchant à développer cette petite entreprise, ils auraient limité leur possibilités d'emploi. Et de quelle façon? Parce qu'ils cherchaient des contrats pour leur entreprise en même temps qu'ils se cherchaient de l'emploi pour eux-mêmes, disent les membres du Conseil; parce qu'ils limitaient leurs chances de réemploi chez des concurrents qui auraient mal apprécié leur initiative, en même temps qu'ils se limitaient au domaine de réparation de toiture, dit le juge-arbitre.
Nous ne croyons pas que la conclusion d'indisponibilité puisse se dégager d'une base aussi restreinte, surtout si l'on songe que l'indisponibilité a été déclarée a peine un mois après le début de la période de chômage, en plein mois de février alors que le chômage de la plupart des couvreurs ne peut qu'être inévitable.
Nous sommes d'avis que les deux demandes de révision doivent être accueillies; les décisions attaquées annulées et les deux affaires retournées au juge-arbitre pour qu'il en dispose en tenant pour acquis que, dans les deux cas, le Conseil arbitral ne pouvait, en présence des faits tels qu'il les a constatés, confirmer la détermination d'indisponibilité de la Commission.
"Louis Marceau"
j.c.a.
2011-01-16