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  • CUB 7309

    TRADUCTION

    EN VERTU DE la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT À une demande de prestations par
    JUDITH A. LeRICHE

    - et -

    RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
    la prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral rendue
    à Cornerbrook (Terre-Neuve), le 19 décembre 1980.

    DÉCISION

    LE JUGE SUPPLÉANT DUBINSKY:

    Cet appel d'une décision unanime du Conseil arbitral a été déposé devant moi le ler avril 1982 à Cornerbrook (Terre-Neuve). L'appelante était son propre défendeur, tandis que la Commission de l'emploi et de l'immigration, ci-après la Commission, était représentée par M. Michael Butler, LL.B., du ministère de la Justice (Ottawa).

    Mad. Judith A. LeRiche, ci-après nommée l'appelante, a été conseillère en matière d'impôt pour les Twin Town Tax Consulting Agencies de Port aux Basques (Terre-Neuve), du 18 février 1980 au 2 mai 1980. Elle a du quitter son emploi parce que, comme elle l'a déclaré dans sa demande d'assurance-chômage datée du 5 mai 1980 (pièce 2), il y avait pénurie de travail et qu'elle a été mise à pied. Sa demande de prestations a été considérée comme applicable à compter du 4 mai 1980.

    Le 17 novembre 1980, l'appelante a reçu un avis d'exclusion dont voici un extrait:

    "Compte tenu des renseignements présentés à l'appui de votre demande de prestations, vous n'êtes pas admissible en vertu de l'article 40(1) de la Loi sur l'assurance-chômage. Cet article prévoit que le prestataire sera exclu bénéfice des prestations si, sans motif valable, il a refusé ou s'est abstenu de postuler un emploi convenable, après avoir appris que cet emploi était vacant ou sur le point de le devenir.
    En vertu de l'article 40(1) de la Loi, il y a motif valable lorsque, quelles que soient les circonstances, le prestataire agit prudemment, de la façon dont on s'attend à ce qu'une personne agisse normalement.
    Dans le cas qui nous occupe, vous saviez qu'un poste était vacant à la T.J. Hardy Company.
    D'après les indications données, nous considérons que, sans motif valable, vous avez refusé ou vous vous êtes abstenu de postuler un emploi après avoir appris qu'il était vacant. Vous êtes exclu du bénéfice des six premières semaines de prestations normalement prévues. On estimera donc que les prestations de cette période sont nulles, ce qui réduira de six semaines la période d'admissibilité.

    A la même date, la Commission a envoyé son avis d'inadmissibilité (pièce 8) dont voici un extrait:

    (TRADUCTION)
    Après étude de votre demande, nous considérons que vous n'êtes pas admissible aux prestations à compter du 16 septembre 1980, car vous n'avez pas prouvé que vous étiez disposée à travailler. Après avoir été en chômage pendant environ 4 mois, exception faite des quelques emploi temporaires de courte durée que vous avez cessé d'occuper plus de 4 semaines avant la date à laquelle vous avez refusé un emploi convenable, c'est-à-dire le 16 septembre 1980.

    Le 20 novembre 1980, l'appelante interjette appel de la décision de la Commission. Comme il est mentionné dans l'entête, son appel est déposé le 19 décembre 1980 devant le Conseil arbitral qui le rejette. Voici certaines constations du Conseil:

    (TRADUCTION)
    Articles de la Loi
    Articles 25(a), 36 et 40(1) de la Loi sur l'assurance-chômage.
    Exposé des faits
    Tous les renseignements contenus dans la demande présentée au Conseil ont été étudiés et l'appelante a eu la possibilité de faire une déclaration verbale.
    Conclusions du conseil et motifs de la décision
    Le Conseil estime que d'après les articles susmentionnés de la Loi sur l'assurance-chômage, l'appelante n'a pas prouvé qu'elle était disposée à travailler depuis le 16 septembre 1980. Les preuves présentées indiquent également que, sans motif valable, elle a refusé ou s'est abstenue de postuler un emploi convenable à la compagnie T.J. Hardy.
    Décision du conseil
    L'appel est rejeté et la décision du fonctionnaire de l'assurance est maintenue.

    Mme LeRiche interjette appel auprès d'un juge-arbitre en s'appuyant sur les articles 95(b) et (c) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage.

    Il importe de se rappeler que, depuis le l er mai 1980, l'article 95 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage a été modifié en vertu d'un arrêté en conseil; il se lit maintenant comme suit:

    "Art. 95. Toute décision ou ordonnance du conseil arbitral peut, de plein droit, être porté en appel de la manière prescrite, devant un juge-arbitre par la Commission, un prestataire, un employeur ou une association dont le prestataire ou l'employeur est membre, au motif que:
    a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;
    b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
    c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

    Après examen attentif de l'ensemble du dossier et, en particulier, après avoir lu toutes les lettres et les documents présentés par l'appelante, j'en conclus de manière irréfutable que l'appelante n'a satisfait aucun des critères énoncés aux paragraphes (a), (b) ou (c) de l'article 95. Je dois juger ici du bien-fondé d'un appel et même si, en première instance (ce qui n'est pas le cas), j'avais été tenté de prendre une décision autre que celle qui été rendue, rien ne prouve que le cas élève d'une des clauses précitées et ne me permet, par conséquent, de rejeter la décision du conseil arbitral.

    Le conseil arbitral a donc été appelé à faire des conclusions après avoir entendu l'appelante et étudié son dossier. Aucun juge-arbitre ne peut rejeter une décision du Conseil sur des questions de fait, à moins que le Conseil n'ait tiré ses conclusions de façon absurde ou arbitraire, ou encore sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Or, il me semble évident que les conclusions du Conseil relatives au manque de disponibilité et au refus d'accepter le poste à la compagnie Hardy ne sont aucunement à l'encontre de la Loi et ne sont pas tirées de façon absurde ou arbitraire. L'appel est donc rejeté.

    Je pourrais m'arrêter là, mais j'estime devoir approfondir la question et préciser à l'appelante pourquoi, si j'avais pu juger son cas au premier palier, j'aurais pris exactement la même décision que le conseil arbitral.

    En ce qui concerne les avis d'inadmissibilité et d'exclusion (pièces 7 et 8) reçus par l'appelante, précisons que les dispositions pertinentes sont les articles 25(a), 40(1)(b), 40(2)(c) et 40(3) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, qui se lisent comme suit:

    "Art. 25. Un prestataire n'est pas admissible au service des prestations initiales pour tout jour ouvrable d'une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu'il était (a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d'obtenir un emploi convenable ce jour-là, ou... (le soulignement ne parait pas dans la version originale).
    "Art. 40(1). Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations prévues par la présente partie si, sans motif valable, depuis l'arrêt de rémunération qui est à l'origine de sa demande...
    b) il a négligé de profiler d'une occasion d'obtenir un emploi convenable. (Le soulignement ne parait pas dans la version originale).
    "Art. 40(2)(c). Aux fins du présent article et nous réserve du paragraphe (3), un emploi n'est pas un emploi convenable pour un prestataire s'il s'agit...
    c) d'un emploi d'un genre différent de celui qu'il exerce dans le cadre de son occupation ordinaire, à un taux de rémunération inférieur ou à des conditions moins favorables que le taux ou les conditions qu'il pourrait raisonnablement s'attendre à obtenir, au égard aux conditions qui lui étaient habituellement faites dans l'exercice de son emploi ordinaire ou qui lui auraient été faites s'il avait continué d'exercer un tel emploi. (Le soulignement ne parait pas dans la version originale).
    "Art. 40(3) Après un délai raisonnable à partir de la date à laquelle un assuré s'est trouvé en chômage, l'alinéa (c) du paragraphe (2) ne s'applique pas à l'emploi que est visé s'il s'agit d'un emploi à un taux de rémunération qui n'est pas inférieur et à des conditions qui ne sont pas moins favorables que le taux ou les conditions appliqués par convention entre employeurs et employés ou, à défaut de convention, admis par les bons employeurs.

    Il va sans dire que le mot le plus important des articles de loi précités est le mot "convenable". Mais qu'est-ce qu'un emploi convenable? Bien que la Loi ne le précise pas, elle indique, à l'article 40(2)c), ce qui n'est pas un emploi convenable.

    Le Parlement est conscient du fait qu'un appelant habitué à gagner un bon salaire ou à travailler dans de bonnes conditions est peu disposé à accepter un salaire moindre ou des conditions moins favorables. Un appelant peut donc toucher des prestations et continuer de les toucher, même s'il refuse un emploi, pourvu que cet emploi ne soit pas "convenable", conformément aux dispositions de l'article 40(2)(c). Toutefois, l'appelant ne peut bénéficier de cette immunité que pendant un certain temps (jugé raisonnable) et, n'en déplaise à d'autres, je crois qu'une période de deux mois, et à plus forte raison de trois mois, est un délai raisonnable. J'estime qu'ensuite l'article 40(3) s'applique.

    Dans le cas qui nous occupe, l'appelante a touché des prestations pendant environ six mois. Son désir de travailler dans son domaine ainsi que son évidente détermination sont compréhensibles et louables. Ils ne sont malheureusement plus se, après un délai raisonnable, elle pense encore de trouver un travail spécialisé et continue à demander des prestations d'assurance-chômage. Si une personne ayant les aptitudes de Mme LeRiche est toujours sans emploi après un délai raisonnable, elle doit faire des recherches dans un domaine où elle a plus de chances d'être engagée, même si le salaire est moins intéressant, le travail moins stimulant ou les conditions moins favorables que dans des postes spécialisés. Un travail de commis de magasin, de serveuse ou de femme de chambre n'est pas aussi valorisant que celui de conseiller en matière d'impôt, sois chacun de ces postes, et bien d'autres encore, permettent de gagner honnêtement sa vie.

    Après étude du dossier de Mad. LeRiche, je suis loin d'être convaincu que l'attitude de cette appelante enverra la Commission était convenable. Si elle avait réfléchi davantage à sa situation, elle aurait sans doute été moins sévère à l'endroit de la Commission qu'elle l'a été dans une de ses lettres. Je suis convaincu que la Commission aurait été autorisée à interrompre le versement des prestations de l'appelante après trois mois. Or, on a accordé plus de six mois à Mad. LeRiche pour chercher un emploi dans sa spécialité. Donc, critiquer la décision de la Commission constitue de l'ingratitude pure et simple, attitude que Shakespeare a si bien dépeinte dans comme il vous plaira.

    Mad. LeRiche semble avoir oublié que la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage n'est pas une Loi sur le bien-être social, omis est destinée à aider les travailleurs mis à pied. Néanmoins, si ces derniers touchent des prestations, il doivent être prêts à occuper tout poste convenable qu'on leur offrira entre temps, car si tous les prestataires d'assurance-chômage pouvaient toucher de l'argent tout en refusant de travailler pour des raisons semblables à celles de l'appelante, quel serait le sort de la classe d'assurance-chômage? Elle se viderait rapidement sans doute...

    Nonobstant sa réaction face à la demande de l'appelante, j'admets, après m'être entretenu avec elle, que sa situation financière est loin d'être brillante. Elle a deux jeunes enfants et, si elle devait rembourser le trop-payé, qui s'élève à environ 739 $, cela constituerait un lourd fardeau pour elle.

    C'est ce qui m'incite à parler de l'article 60(1)(e)(ii), anciennement l'article 175 des Règlements relevant de la Loi te 1971 sur l'assurance-chômage, et qui se lit ainsi:

    "Tout montant dû en vertu des articles 47, 49, 51 et 52 de la Loi peut être déclaré par la Commission comme n'étant plus dû lorsque le remboursement de ce montant imposerait au prestataire une privation injustifiable.

    J'ai déjà dit que la prérogative d'exiger le remboursement du trop-payé ou de le négliger revient strictement et sans contredit à la Commission et que le juge-arbitre n'est aucunement habilité à le faire. Cette position a été prise très fréquemment par les juges-arbitres au sujet d'appels interjetés en vertu de la Loi et il va s'en dire que j'abonde dans ce cas pour le cas à l'étude. Aucune disposition juridique ne permet au Conseil arbitral ou à un juge-arbitre de recommander à la Commission d'exiger le remboursement d'une dette enverra la Couronne. A en juger par la piètre situation financière de l'appelante, j'estime qu'il est de mon devoir de recommander fermement à la Commission de tenir compte de l'article 60(1)(e)(ii) des Règlements. J'ai déjà fait cette recommandation à l'audition de la cause. Or, l'appel a été rejeté. Cette décision, présentée par écrit, confirme la décision oral rendue à Cornerbrook (Terre-Neuve), le l er avril 1982.

    J.L. DUBINSKY

    JUGE-ARBITRE

    Halifax, Nova Scotia
    le 15 juin 1982

    2011-01-16