TRADUCTION
En Vertu De la Loi sur l'Assurance-chômage et
Relativement à un Appel par la Prestataire auprès
du Juge-arbitre d'une Décision d'un Conseil arbitral.
ENTRE:
LORNA L. McConnell,
Appellante,
- et -
LA COMMISSION DE L'EMPLOI ET
DE L'IMMIGRATION DU CANADA,
Intimée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
LE JUGE C.R. SMITH, JUGE-ARBITRE:
Voici l'exposé des faits de la présente affaire. L'appelante est une jeune femme qui, depuis l'âge de sept ans environ, a rêvé, espéré et projeté de devenir ballerine. Depuis cet âge, elle a suivi des cours de ballet et s’est exercée pour atteindre son objectif et n'a reçu aucune formation pour un autre genre d'emploi. Comme elle l'a indiqué dans la Pièce 5(1): "J'ai consacré tout mon temps et tous mes efforts à la danse."
Elle a étudié la dense dans plusieurs écoles professionnelles, avec divers professeurs, au Canada et au Minnesota (E.-U.). Pendant un an et demi, soit jusqu'en février 1980, elle a été membre de la Minnesota Dance Theatre Company qui a dû interrompre ses activités en raison d'un manque de fonds de la Compagnie. Elle a ensuite suivi pendant quatre mois le programme professionnel du Ballet Royal de Winnipeg.
De septembre 1980 à mars 1981, elle a dansé avec la Compagnie de danse Toussaint à Montréal, mais son emploi a pris fin car la Compagnie manquait de fonds.
Le 19 mars 1981, elle a présenté une demande de prestations d'assurance-chômage qui lui a été accordée, mais elle a été tenue de se chercher un emploi de ballerine pendant un délai raisonnable.
Elle a immédiatement entrepris de se chercher du travail, avec acharnement, dans sa profession. Elle a écrit à 24 compagnies de ballet dans tous les États-Unis et à toutes les compagnies au Canada à l’exception du Ballet Royal de Winnipeg, ville où elle réside. Elle a joint son curriculum vitae et des photos à ses demandes d'emploi.
Le 13 juin, elle a passé une audition au Theatre Ballet of Canada. Auparavant, elle avait passé des auditions durant le reste du mois de mars puis le mois d'avril aux Grands Ballets Canadiens (6 semaines en tout). Elle a également auditionné à l’Alberta Ballet, au Cleveland Ballet (6 juin) et au Connecticut Ballet (4 juin).
Le 15 juin, elle s'est rendue à New York pour visiter les compagnies de ballet de la région et elle est rentrée au Canada le 20 juin. Tous ses efforts se sont révélés infructueux, mais elle a persisté. Elle s'est ainsi rendue à Minneapolis le 13 juillet où elle a auditionné avec succès au Minneapolis Theatre qui lui a offert un engagement à compter du 21 septembre 1981.
Chaque fois qu'elle a quitté le Canada, elle a communiqué avec le bureau local de la Commission qui lui a confirmé que le fait de quitter le Canada pour se chercher du travail n’affecterait en rien son admissibilité aux prestations.
Le 6 juillet 1981, l'appelante a été avisée qu'elle n'était plus admissible aux prestations à compter du 21 juin 1981 parce qu'elle n'avait pas prouvé qu'elle était disponible pour travailler: ses restrictions en matière d'emploi signifiaient qu'elle ne pouvait être considérée comme étant sur le Marché de l’emploi parce que ses possibilités d'emploi était très minimes.
Sur l’Avis d’inadmissibilité daté du 27 août 1981, les motifs d'exclusion apparaissent légèrement modifiés; les voici:
(TRADUCTION)
"Vous n'avez pas prouvé que vous étiez disponible pour travailler et incapable de trouver un emploi convenable, parce que vous limitez votre acceptation à un certain type d'emploi (ballerine). Cette restriction limite vos possibilités d'emploi au point que votre degré de disponibilité ne satisfait pas aux exigences de la Loi".
À la même date, soit le 27 août 1981, un second Avis d’inadmissibilité lui a été adressé pour lui signifier ce qui suit:
(TRADUCTION)
"Vous avez été exclue du bénéfice des prestations en vertu de l’article 45 de la Loi sur l’assurance-chômage et de l’article 54 du Règlement. Le paiement de prestations est donc suspendu pendant les périodes suivantes: le 4 juin, du 15 au 20 juin, du 13 au 31 juillet 1981, périodes pendant lesquelles vous vous êtes absentée du Canada. Vos séjours aux États-Unis ne sont pas couverts par un accord de réciprocité en matière de paiement de prestations".
La prestataire a fait appel devant le conseil arbitral au sujet des deux motifs d’exclusion. Le 30 septembre 1981, le conseil a rejeté à l'unanimité les deux appels. La prestataire a donc interjeté appel de cette décision devant le juge-arbitre.
Si j’avais eu à juger l'affaire d'après les faits, comme l'a fait le conseil, j’en serais aisément venu à une conclusion différente au sujet du temps raisonnable pendant lequel elle pouvait limiter la recherche d'emploi à sa propre profession de ballerine. Compte tenu du fait qu'il existe très peu de compagnies de ballet au Canada et, qu'habituellement, les danseurs cherchent de l'emploi dans toute l'Amérique du Nord et même beaucoup plus loin, et que de plus, le ballet est une occupation saisonnière, on peut concevoir qu'une période plus longue que les trois mois accordés aurait pu être considérée comme une période raisonnable. Après tout, la prestataire s’était trouvé un emploi de ballerine dans les quatre mois et a pu commencer la saison qui débutait environ sept semaines plus tard.
Ce qu'aurait pu être ou ne pas être ma décision si j'avais eu à juger les faits n’est cependant pas important. La loi est étayée par une jurisprudence uniforme et elle est telle qu'un juge-arbitre ne doit pas intervenir dans la décision d'un conseil arbitral fondée sur les faits, à moins qu'elle ne soit clairement erronée. Dans le cas qui nous intéresse, elle portait sur la période raisonnable pendant laquelle un prestataire peut n'accepter un emploi que dans son domaine de compétence; cette décision repose sur un jugement discrétionnaire fondé sur l'appréciation des circonstances par le conseil. Je ne relève rien qui puisse laisser supposer que le conseil n'a pas considéré tous les faits pertinents dans cette affaire ni qu'il a agi de façon erronée en aucune façon, et surtout rien qui laisse entrevoir qu'il a commis une erreur de droit.
Par conséquent, l'appel interjeté à l'égard de ce motif d'inadmissibilité est rejeté.
L'appel interjeté à l’égard de l’inadmissibilité pendant les courtes périodes que l'appelante a passées aux États-Unis pour y subir des auditions est une question différente. Je peux comprendre les motifs qui font qu’un prestataire qui réside hors du Canada soit exclu des prestations parce qu'il n'est pas disponible pour travailler au Canada. Toutefois, Je ne peux imaginer qu'une personne qui part aux États-Unis pour une très courte période à l'unique fin de subir des auditions en vue de se trouver un emploi soit considérée comme résidente de ce pays, dans quelque sens raisonnable que l'on puisse donner au mot résident. Dans le cas qui nous intéresse, les trois périodes pendant lesquelles l'appelante a été exclue pour ce motif sont respectivement de un jour, cinq et dix-huit jours, trois périodes qu'elle a entièrement consacrées à des essais et dont la dernière et la plus longue s’est terminée par un engagement. La nature de la profession de ballerine, telle que je la conçois, oblige presque toute danseuse classique canadienne à être prête à chercher un emploi hors du Canada chaque fois que les engagements se font rares.
À mon avis, le conseil ainsi que la Commission ont accordé un sens trop restreint à l'expression "n’est pas au Canada" de l'alinéa 45(b) de la Loi. Je ne pense pas qu'elle vise à pénaliser une personne dans la position de l'appelante qui s'est absentée du Canada pendant de très courtes périodes à seule fin de passer des auditions pour obtenir un engagement dans la seule profession pour laquelle elle a reçu de la formation et a de l’expérience et à laquelle elle se consacre depuis de nombreuse années. Elle avait 23 ans pendant la période en question.
L'appel interjeté à l'égard de ce motif d’exclusion est accueilli.
Juge-arbitre, D. J., F.C.C.
Winnipeg
DATÉ le 15 octobre 1982