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  • CUB 11403

    TRADUCTION

    EN VERTU DE la Loi sur l’assurance-chômage, 1971

    - et -

    RELATIVEMENT A une demande de prestations par Arthur HURREN
    à l’encontre de la décision d’un conseil arbitral rendue
    à Niagara Falls, Ontario, le 21 juin 1984


    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-942-85


    DÉCISION

    J. MULDOON, JUGE-ARBITRE:

    Le prestataire interjette appel, en vertu de l’article 95 de la Loi, d'une décision unanime du conseil arbitral confirmant celle de la Commission. Selon la Commission le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations en vertu de l’article 44 de la Loi. Dans son appel, le prestataire a invoqué tous les motifs d'appel précisés dans l’article 95. C'est-à-dire qu'il allègue que le conseil arbitral:

    (a) n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a d'exercer sa compétence;
    (b) a commis une erreur de droit dans sa décision ou ordonnance, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou
    (c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

    Durant cette audience et, semble-t-il d'après la transcription, pendant l’instruction devant le conseil arbitral, le prestataire était représenté par son avocat, David A. Hurren, du Barreau de l’Ontario, fils du prestataire. La Commission était représentée à cette audience par une avocate, Marlene Thomas.

    C'est avec le consentement des parties que la requête du prestataire fondée sur l’article 95 de la Loi, a été entendue et plaidé en même temps que celle de Bartolomew Purpura, parce que, les avocats des parties ont convenu qu'il y avait suffisamment d'éléments similaires commune dans cheque affaire pour qu'une telle procédure soit désirable et utile. M. Purpura a également invoqué tous les motifs d'appel précisés dans l’article 95 de la Loi, et M. Hurren (fils) a également représenté ce prestataire dans cette affaire. L'appel de M. Hurren a été entendu approximativement deux semaines plus tôt que l'appel de M. Purpura, et par un conseil arbitral composé de membres différents, à l’exception du président qui a siégé lors de l’instruction des deux affaires.

    Dans leurs requêtes au sujet de la décision unanime des conseils arbitraux, les prestataires ont fait virtuellement les mêmes plaintes à l’égard du motif (a) de l'appel à savoir:

    Le conseil arbitral a fait des observations avant le début de l’audience, ce qui a indiqué qu’il était disposé à rejeter les arguments du prestataire sans avoir entendu toute la preuve, de ce fait il n'a pas accordé une audience impartiale, et n’a pas donné au prestataire l’occasion raisonnable d'être entendu et de ce fait, a refusé d'exercer sa compétence.

    (Pièce 23-4)

    Fort heureusement, dans chacun des cas à l’étude, il existe une transcription de l’instruction de l'affaire devant les conseils arbitraux. Ni l'une ni l'autre transcription ne vient appuyer ce motif d'appel. Les deux transcriptions indiquent seulement que les conseils arbitraux étaient au courant des motifs d'appel des prestataires, des questions en litige, et d'une partie de la jurisprudence pertinente. Cela représente une préparation louable, ne ressemble pas le moins du monde à la grave erreur que constitue le déni de justice naturelle et l'abus de compétence décrit au paragraphe 95(a) de la Loi. Les plaidoiries présentées par les avocats respectifs lors de cet appel ne contiennent non plus aucune mention de ces faits. Par conséquent, le motif (a) est rejeté et les appels des deux prestataires sont rejetés à cet égard. Il faut noter que les membres du conseil arbitral dans j’affaire Hurren ont clairement permis à l'avocat d'exposer ses arguments qu’ils ont, semble-t-il, saisis bien qu'ils en sont venus à une conclusion différente.

    Avant de traiter des dispositions pertinentes de la loi et des faits, je voudrais noter qu'une autre question a surgi dans l'affaire Hurren seulement. Ce prestataire s'est plaint qu'il avait été mal informé par le personnel de la Commission du bureau de Fort Erie. L'avocate de la Commission a indiqué que c'était la première fois, à cette audience, qu'elle entendait parler d'une allégation de renseignements erronés donnés au bureau de Fort Erie, ou ailleurs, et qu’il était trop tard pour se renseigner sur les circonstances. L'avocat du prestataire a rétorqué très justement: "Je n’accorde pas beaucoup d’importance aux mauvais renseignements donnés à Fort Erie: aucune preuve à cet égard n’a été présentée aux membres du conseil arbitral." Par conséquent, cette question ne sera pas étudiée.

    L'avocat du prestataire, dans cheque affaire, soutient que le prestataire n'a pas pris une retraite prématurée, mais a choisi de prendre une retraite intégrale et finale, ayant atteint l'âge et le nombre d'années de service requis par la politique relative aux retraites de l'employeur (Pièce 5). La clause 10.06, g. de la convention collective (Pièce 8-6) précise que 65 ans est "l'âge normal de la retraite" des employés au service de la Horton CBI, Limited. Le prestataire était âgé de 63 ans lorsqu’il a décidé de prendre sa retraite. Il a pris sa retraite volontairement durant une grève légale menée par les membres de son syndical, les Métallurgistes unis d'Amérique, section locale 3598, contre son employeur.

    La convention collective précédente avait expiré le 31 janvier 1984, (Pièce 7-5), et l'arrêt de travail a commencé à 12h01 le 2 février 1984. Le 29 février 1984, le prestataire a écrit à l'employeur (Pièce 6-2) afin de l’informer qu’à partir du 1er mars il "prendrait sa retraite de chez Horton C.B.I." Le prestataire a ensuite déposé une demande initiale de prestations le 5 mars 1984, (Pièce 2) prenant effet le 4 mars 1984. Une inadmissibilité indéfinie (Pièce 13) prenant effet à cette dernière date, a été imposée en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi.

    Les deux premiers paragraphes de l’article 44 intitulé "Conflits collectifs" sont particulièrement pertinents dans ce cas. Ils se lisent comme suit:

    "44.(1) Un prestataire qui a perdu son emploi du fait d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif à l'usine, à l'atelier ou en tout autre local où il exerçait un emploi n'est pas admissible au bénéfice des prestations tant que ne s’est pas réalisée l'une des éventualités suivantes, à savoir:
    (a) la fin de l'arrêt du travail,
    (b) son engagement de bonne foi à un emploi exercé ailleurs dans le cadre de l’occupation qui est habituellement la sienne,
    (c) le fait qu'il s'est mis à exercer quelque autre occupation d'une façon régulière.
    (2) Le paragraphe (1) n’est pas applicable si le prestataire prouve
    (a) qu’il ne participe pas au conflit collectif qui a causé l'arrêt du travail, qu'il ne le finance pas et qu’il n'y est pas directement intéressé
    (b) qu’il n'appartient pas au groupe de travailleurs de même classe ou de même rang dont certains membres exerçaient immédiatement avant le début de l'arrêt du travail, un emploi à l'endroit où s’est produit l'arrêt du travail et participant au conflit collectif, le financent ou y sont directement intéressés.

    Le prestataire a été un membre de la classe et du rang des travailleurs qui constituent la section locale 3598, des Métallurgistes unis d'Amérique, l'unité de négociation dans le conflit qui s’est déroulé sur les lieux où s'est produit l'arrêt du travail, et dont les membres participaient, finançaient ou étaient directement intéressés au conflit. La Pièce 7 démontre la véracité de cette conclusion. Il est également clair qu'il a perdu son emploi en raison d'un arrêt de travail attribuable à un conflit collectif sur les lieux où il exerçait son emploi.

    L'avocat du prestataire insiste pour dire que puisque le prestataire n’a pas pris ce qu'il appelle une retraite "prématurée", il devrait bénéficier des dispositions du paragraphe 44(2) parce que le prestataire a pris une retraite "définitive". Cela signifie, dit l'avocat, que le prestataire n'avait donc aucun intérêt dans l'arrêt de travail et ses résultats; et que le prestataire avait cessé d'être un membre de la classe à cause de sa retraite "définitive". L'avocat du prestataire allègue que l'alinéa 44(2)(b) est ambigu. La date qui est importante, dit-il, est la date à laquelle le prestataire a présenté sa demande en mars, et non pas la date à laquelle la grève a commencé le 2 février 1984. Compte tenu de cette prétendue ambiguïté, il demande l"'interprétation libérale" prônée par Mme le juge Wilson dans sa rédaction de la décision unanime de la Cour Suprême, dans l'affaire Abrahams c. Procureur général du Canada [1983] 1 S.C.R. 2, à la page 10. Dans cette même affaire, à la page 7, elle a interprété et analysé l'alinéa 44(1)(c), et a affirmé que "chaque mot compte".

    Qu’y a-t-il d'ambigu dans l'alinéa 44(2)(b)? Qu'on l'ait voulu ou non "le prestataire" est au singulier et les "travailleurs" et "certains membres" sont au pluriel. Afin d'éviter qu’on lui applique le paragraphe 44(1), "le prestataire" doit prouver" qu’il n’appartient pas (à quoi?) "une classe ou un rang de travailleurs qui" (quand?) "immédiatement avant le début de l'arrêt du travail" (qui?) "certains membres exerçaient un emploi" (où?) "à l’endroit ou s'est produit l'arrêt du travail et participent... etc."

    L'individu au singulier de cet article ne devient sûrement pas un "prestataire" avant de déposer une demande de prestations. Voir Pièce 2, datée du 5 mars 1984. Pour paraphraser le juge Wilson dans l'affaire Abrahams, si le Parlement avait eu l’intention que lui prête la Commission, il eut été très simple de stipuler que le paragraphe (1) n'est pas applicable "si un prestataire prouve que (a) il ne participe pas et n’a jamais participé... au conflit collectif qui a causé l'arrêt de travail; et (b) qu'il n'appartient pas et n’a jamais appartenu à un rang ou une classe de travailleurs..." Ces termes très facilement applicables, auraient été dans le sens de la position prise par la Commission dans cette affaire et auraient permis d'assurer qu'aucun prestataire puisse jamais se tenir à distance d'un conflit collectif à moins de satisfaire aux trois conditions du paragraphe 44(1). Mais alors le paragraphe 44(2) aurait été inutile. Cependant, le Parlement devait précisément avoir à l’esprit ce temps présent pour permettre à un prestataire" de prouver qu’il ne participe plus au conflit collectif. Tel était sûrement le cas le 5 mars 1984. L'affaire Armstrong et autres, CUB 8653 et l'affaire McAndrew, CUB 8668, ont été citées ici pour appuyer la position de la Commission. L'avocat du prestataire fait une distinction entre ces cas et celui de son client, distinction qui porte sur la retraite "prématurée" et la retraite "intégrale et définitive". Une distinction tout aussi importante, sinon plus, est le fait qu’aucune analyse grammaticale du paragraphe 44(2) n'a été faite dans ces cas, en dépit de la référence à la décision de l'affaire Abrahams dans laquelle Mme le juge Wilson a fait une telle analyse de l'alinéa 44(1)(c).

    Que la retraite du prestataire soit "prématurée" ou "intégrale et définitive", elle était évidemment absolue, en ce qui concerne la fin des rapports qui l'unissaient à son employeur et à son syndical. Le prestataire a en fait prouvé "qu’il répond à toutes les conditions énumérées au paragraphe 44(1)" pour citer M. le juge Pratte dans une décision unanime rendue dans une affaire en appel curieusement et faussement intitulée Procureur général du Canada c. le juge-arbitre... [1977] 2 C.F. 696. En confirmant la décision de l’agent de l’assurance selon laquelle le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations, le conseil arbitral n'a pas observé le paragraphe 95(b) de la Loi et a commis ainsi une erreur de droit. La question de droit est correctement jugée, par conséquent, en se conformant à l'interprétation mentionnée ci-dessus du paragraphe 44(2) de la Loi.

    Par conséquent, en vertu de l’article 96 de la Loi, la décision du conseil arbitral est infirmée. Il aurait dû accueillir l'appel du prestataire et infirmer l'inadmissibilité (Pièce 13) imposée à partir du 4 mars 1984.


    JUGE-ARBITRE

    Ottawa (Ontario)
    le 14 novembre 1985

    2011-01-16