CUB 12105
Information archivée dans le Web
Information identifiée comme étant archivée dans le Web à des fins de consultation, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’a pas été modifiée ni mise à jour depuis la date de son archivage. Les pages Web qui sont archivées dans le Web ne sont pas assujetties aux normes applicables au Web du gouvernement du Canada. Conformément à la Politique de communication du gouvernement du Canada, veuillez, s’il vous plaît, nous contacter pour demander un format alternatif.
TRADUCTION
EN VERTU DE LA LOI DE 1971 SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE
- et -
RELATIVEMENT À une demande de prestations par
HAZRAH KHAN
- et -
RELATIVEMENT À un appel auprès d'un juge-arbitre
par la prestataire d'une décision d'un conseil arbitral
rendu à Toronto, Ontario le 23 décembre 1983
DÉCISION
JOHN C. McNAIR, JUGE-ARBITRE:
Dans la présente affaire, la prestataire en appelle de la décision rendue à la majorité par un conseil arbitral et confirmant la décision d'un agent l'assurance à son endroit. Celui-ci avait établi que la prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La Commission lui a imposé une exclusion de six semaines à compter du 16 octobre 1983, mais le conseil arbitral a ramené la durée de l'exclusion à trois semaines. Le membre dissident du conseil arbitral estimait que l'inconduite de la prestataire n'avait pas été prouvée et il aurait accueilli l'appel.
La prestataire a travaillé pour la Society for Goodwill Services de Toronto, à titre de commis vendeuse du 9 août 1982 au 14 octobre 1983. Pendant les onze premiers mois de son emploi, elle a travaillé au magasin de la Society for Goodwill Services situé sur la rue James, puis elle a été mutée au magasin de l'avenue Spadina. C'est là que les troubles qui ont about) à son renvoi ont commencé. Le 18 octobre 1983, la prestataire a présenté une demande initiale de prestations, en expliquant qu'on l'avait renvoyée après l'avoir accusée de ne pas faire son travail. Elle a signalé à l 'agent d 'assurance qu'elle n'avait connu aucune difficulté pendant la période où elle avait travaillé au magasin de la rue James, mais que lorsqu'elle avait été mutée à l'autre magasin, le directeur de celui-ci l'avait prise en grippe. A l'appui de ces allégations, la prestataire affirme qu'on lui assignait une quantité démesurée de tâches serviles, que le directeur trouvait toujours à redire sur son travail et qu'il l'accusait de refuser de faire le travail qui lui était assigné, ce que la prestataire nie. Cette dernière soutient qu'elle a toujours fait son travail du mieux qu'elle le pouvait.
L'agent d'assurance a communiqué avec l'employeur, qui a déclaré que la prestataire manquait d'esprit de collaboration et refusait souvent d'exécuter les tâches qu'on lui assignait. En outre, il a déclaré qu'elle avait refusé à trois occasions de signer des rapports renfermant l'évaluation de son rendement. Ces rapports n'étaient pas favorables, et la prestataire explique qu'elle a refusé de les signer parce que ce qui y était dit à son sujet n'était pas vrai. L'employeur a informé la Commission de l'incident qui a finalement entraîné le renvoi de la prestataire: elle a refusé de quitter le magasin un vendredi soir, quand on lui a dit de s'en aller chez elle, même si elle devait normalement travailler jusqu'à huit heures. Le prestataire explique son refus de partir par le fait qu'un superviseur devait visiter le magasin ce soir-là. Compte tenu de l'animosité qui existait entre elle et son directeur, la prestataire craignait que celui-ci ne donne pas la vraie raison de son absence au superviseur, laissant celui-ci conclure qu'elle n'était pas à son poste alors qu'elle devait y être. Quoi qu'il en soit, il est difficile de comprendre la déclaration de l'employeur selon laquelle c'est cet incident qui a finalement entraîné le renvoi de la prestataire, étant donné que celle-ci n'a été informée de son renvoi qu'une semaine plus tard.
Sur la foi de ces renseignements, la Commission a adressé à la prestataire un avis d'exclusion daté du 1er décembre 1983, l'avisant de ce qui suit:
"D'après les renseignements présentés à l'appui de votre demande de prestations, la Commission estime que vous avez perdu votre emploi à la Society for Goodwill Services en raison de votre propre inconduite. C'est pourquoi vous êtes exclue pour six semaines du bénéfice des prestations qui seraient par ailleurs payables."
La prestataire en a appelé à un conseil arbitral, dont la majorité des membres ont confirmé la décision de la Commission, mais ramené la durée de l'exclusion à trois semaines. Le membre dissident du conseil arbitral estimait que l'appel de la prestataire devait être accueilli.
Voici la teneur des paragraphes 41(1) et 43(1) de la Loi sur l'assurance-chômage:
"41.(1) Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations servies en vertu de la présente Partie s'il perd son emploi en raison de sa propre inconduite ou s'il quitte volontairement son emploi sans justification."
"43.(1) Lorsqu'un prestataire est exclu du bénéfice des prestations en vertu des articles 40 ou 41, il l'est pour un nombre de semaines qui suivent le délai de carence et pour lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations. Ces semaines sont déterminées par la Commission et leur nombre ne doit pas dépasser six."
Ainsi, un prestataire peut être exclu du bénéfice des prestations pour au plus six semaines, il s'est établi qu'il a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Or c'est un principe bien établi que quiconque fait des allégations d'inconduite doit les prouver et que, s'il existe un doute raisonnable, le bénéfice du doute doit être donné au prestataire. Il income à la Commission d'établir avec certitude la véracité des allégations d'inconduite. Dans la décision CUB-11648, le juge-arbitre a déclaré ce qui suit:
"Dans les affaires comme celle-ci où le prestataire est accusé d'avoir perdu son emploi en raison de sa propre inconduite, le fardeau de la preuve est lourd pour la partie qui accuse. Ce fardeau a été comparé à celui de la Couronne qui, dans les causes criminelles, doit prouver qu'il y a eu inconduite au delà de tout doute raisonnable. Même si je me permets d'émettre quelques réserves à cet égard, je suis convaincu que le conseil doit avoir des preuves claires, solides et sans équivoque sur lesquelles il puisse fonder sa conclusion."
Compte tenu de l'ensemble des preuves, je ne peux conclure que la Commission s'est suffisamment acquittée de l'obligation qui lui incombe à cet égard. Dans sa décision, le conseil arbitral a reconnu l'existence possible d'un conflit de personnalité entre la prestataire et son employeur, situation qui, on l'a maintes fois souligné, diffère de l'inconduite. Le conseil arbitral fait aussi mention des contradictions entre les preuves présentées par la prestataire et les preuves par ouï-dire soumises par l'employeur, qui n'était pas représenté à l'audience du conseil arbitral.
Compte tenu des faits et des conclusions énoncés dans la décision du conseil arbitral, je ne suis pas persuadé que celui-ci ait accordé toute l'importance voulue à la question du fardeau de la preuve dans les affaires de cette nature. Le conseil arbitral a commis une erreur de droit en n'accordant pas le bénéfice du doute à la prestataire. Sa conclusion, telle qu'elle est formulée dans la décision, indique clairement qu'il n'avait pas été prouvé que les actes de la prestataire constituaient réellement de l'inconduite, au sens de la Loi sur l'assurance-chômage, et que des doutes considérables subsistaient à ce sujet.
Trois principes de droit s'appliquent en l'occurrence: il incombe à la Commission de prouver qu'il y a bel et bien eu inconduite; les conflits de personnalités ne peuvent être assimilés à de l'inconduite; et, enfin, lorsqu'il existe un doute raisonnable, il faut trancher en faveur du prestataire. Or j'estime que le conseil arbitral n'a tenu compte d'aucun de ces principes. En conséquence, je peux exercer les pouvoirs que l'article 96 de la Loi confère au juge-arbitre et rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre.
A cet égard, j'estime que les preuves soumises par la prestataire relativement aux circonstances qui ont entouré son renvoi doivent être admises de préférence aux preuves par ouï-dire présentées par l'employeur. A mon avis, les preuves présentées ne permettent pas de conclure qu'il y a eu inconduite de la part de la prestataire, au sens du paragraphe 41(1) de la Loi.
En conséquence, j'infirme la décision du conseil arbitral, je fais droit à l'appel et j'annule l'exclusion imposée à la prestataire.
J. C. McNair
JUGE-ARBITRE
Ottawa (Ontario)
le 16 may 1986