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  • CUB 12749

    TRADUCTION

    EN VERTU de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    RICHARD TINO

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
    le prestataire de la décision d'un conseil arbitral
    rendue à Windsor (Ontario) le 28 octobre 1985


    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-683-86


    DÉCISION

    LE JUGE-ARBITRE REED :

    Le présent appel porte sur la décision du conseil arbitral d'exclure le prestataire du bénéfice des prestations pour six semaines parce qu'il a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. La décision du conseil arbitral est tout à fait inacceptable. Le conseil n'a tiré aucune conclusion de fait, comme l'exige le pararaphe 94(2) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.R.C. 1970-71-72, c. 48, telle que modifiée. Dans sa décision, le conseil arbitral se contente de déclarer ce qui suit :

    "Compte tenu de tous les renseignements et documents (pièce 14) présentés, aucune nouvelle preuve n'a été soumise qui justifierait la modification de la décision initiale.
    Le conseil arbitral confirme à l'unanimité la décision de l’agent d'assurance et rejette l'appel du prestataire."

    Outre le fait que cette décision soit irrégulière parce qu'aucune conclusion de fait n’y est mentionnée, elle laisse croire, à mon avis, que le conseil arbitral estimait que la décision de l’agent d'assurance avait une valeur suffisante à première vue et qu’il incombait au prestataire de l'infirmer. Or tel n’est pas le cas. Le rôle du conseil arbitral est d'entendre toutes les preuves et de rendre un jugement indépendant, en établissant les faits qu'il estime vrais et en indiquant les faits sur lesquels il fonde sa conclusion. En l’occurrence, le conseil arbitral a commis une erreur en ce qui concerne le fardeau de la preuve (une erreur de droit) et il a refusé d'exercer sa compétence (voir l'alinéa 95(a) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.R.C. 1970-71-72, c. 48)

    Malgré les lacunes qui entachent la décision du conseil arbitral, l’examen du dossier révèle que le prestataire a effectivement perdu son emploi par suite de sa propre inconduite. Tout employé a l'obligation d'obéir aux directives de son employeur. Si un acte de désobéissance ne justifie pas en règle générale un renvoi pour raison d’inconduite, l'effet accumulé d'une série de refus d'obtempérer le justifie.

    Le poste du prestataire était en vole d'être modifié par suite de changements technologiques. Le 17 avril 1985, le patron du prestataire lui a assigné un superviseur pour l'accompagner dans son travail de la journée pour s'assurer que le travail soit fait. Le prestataire éprouvait des difficultés avec les nouvelles procédures. Il s'est opposé à leur mise en oeuvre. Il s'est également opposé à la présence du superviseur déclarant que cela le stressait et qu'il était trop à l'étroit pour travailler. Pour sa part, son patron estimait la présence du superviseur nécessaire pour évaluer si le prestataire avait besoin d'un complément de formation afin de s'adapter à la nouvelle technologie. Selon le prestataire, son patron lui aurait dit que si la nouvelle situation ne lui plaisait pas, il pouvait toujours s'en aller. Le patron affirme, de son côté, que le prestataire a annoncé qu'il s’en allait même si on l'avait avisé que s'il agissait de cette façon, il serait passible de sanctions disciplinaires. Les versions différentes de cet incident sont sans importance. Le prestataire a quitté le travail et ne s'est pas présenté au travail pendant trots jours, du 17 au 19 avril; conformément aux dispositions énoncées dans sa convention collective, l’employeur a procédé à une enquête. Le prestataire est retourné au travail. Une enquête plus poussée a eu lieu en mai. Le 7 juin 1985, le prestataire a reçu son avis de renvoi. Au moment de l'incident, le prestataire avait déjà accumulé 35 points de démérite dans son dossier pour des incidents semblables à celui du 17 avril 1985. A un moment, le total des points de démérite avait même atteint 55, mais son employeur, le CN, a pour politique de soustraire 20 points de démérite lorsqu'un employé se comporte favorablement pendant un an. Compte tenu de la gravité du dernier incident, et du fait que quatre incidents analogues s'étaient déjà produits, 30 points de démérite ont été attribués au prestataire pour l’incident du 17 avril, ce qui portait le total de ses points de démérite à 65. La compagie avait le droit de renvoyer tout employé ayant accumulé 60 points de démérite. Au moment de l'incident, le prestataire était le délégué de son syndicat pour Windsor.

    Le prestataire soutient qu'à titre de délégué syndical, il a droit à certains égards particuliers. Cela est faux. L'employeur ne peut pas invoquer le prétexte de l'inconduite pour congédier un employé alors que le véritable motif de renvoi est de mettre fin aux activités légitimes d'un syndicat. Cependant, les délégués syndicaux ont les mêmes obligations que tous les autres employés, et ils sont tenus d'accepter les directives de l'employeur en ce qui concerne la réalisation du travail. Il n'y a aucune preuve dans le dossier qui porte à croire qu'en l’occurrence le renvoi du prestataire ait été lié à son activité syndicale.

    Le prestataire soutient qu'une bonne partie des preuves sur lesquelles le conseil arbitral a fondé sa décision est constituée de ouï-dire et, par conséquent, n'est pas fiable. Cela est peut-être vrai mais le fait qu'une enquête ait été menée conformément aux dispositions prévues dans la convention collective du prestataire, avant le renvoi de celui-ci, est un argument de poids contre lui. De plus, son dossier faisant état de points de démérite accumulés par le passé n'est pas contesté. Comme il est mentionné plus haut, un dossier faisant état d'incidents d'inconduite justifie le renvoi d'un employé (voir Christie, Employment Law in Canada, page 366). Par conséquent, je confirme la décision de la Commission d'exclure le prestataire du bénéfice des prestations pour six semaines. Je ne vois aucune circonstance atténuante qui justifierait la réduction de la période d'exclusion.

    ____________________________

    JUGE-ARBITRE

    2011-01-16