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  • CUB 14326

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    CONRAD SMITH

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à Kitchener (Ontario) le 18 décembre 1986

    DÉCISION

    Le juge JEROME, J.C.A.

    J'ai été saisi de cette affaire à Kitchener (Ontario) le 18 août 1987. Le prestataire interjette appel de la décision unanime du conseil arbitral confirmant celle de l'agent d'assurance-chômage, qui déclarait que le prestataire ne pouvait pas faire antidater sa demande de prestations afin qu'elle prenne effet le 15 juin 1986 plutôt que le 14 septembre suivant parce qu'il n'avait pas prouvé qu'il avait un motif justifiant son retard, et qu'il n'avait pas accumulé assez de semaines d'emploi pendant sa période de référence pour avoir droit aux prestations.

    Le prestataire a travaillé comme soudeur chez Biscane Tool & Die Manufacturers, Inc. du 26 mai au 15 juin 1986, date à laquelle il a été mis à pied. Avant d'occuper cet emploi, il avait travaillé pour divers employeurs pendant une période de huit semaines, laquelle a pris fin le 9 août 1985, une autre période de huit semaines qui s'est terminée le 21 décembre 1985, et une période de trois semaines qui s'est achevée le 24 mai 1986. S'il avait présenté sa demande en juin 1986, il aurait alors cumulé suffisamment d'heures d'emploi assurable au cours des 52 semaines précédentes pour avoir droit aux prestations. Le prestataire a été mis à pied à la suite d'un grave accident de voiture dans lequel il a subi des blessures au dos. À l'époque, il avait également la grippe. Il n'a présenté sa demande de prestations que le 19 septembre 1986. Le prestataire a expliqué au départ que c'était c'est son déménagement qui avait fait en sorte qu'il présente sa demande en retard. Son employeur avait posté le formulaire de demande à son ancienne adresse, et l'enveloppe a été retournée à l'entreprise. Le prestataire a dû téléphoner à son employeur pour lui demander de poster le document à sa nouvelle adresse, et il ne l'a reçu qu'en septembre.

    La Commission a déterminé que le prestataire n'avait pas montré qu'il avait un motif justifiant son retard. L'antidatation a été refusée et il a été établi que le prestataire n'avait pas accumulé assez de semaines d'emploi assurable entre le 15 septembre 1985 et le 13 septembre de l 'année suivante pour avoir droit aux prestations.

    Le prestataire a interjeté appel de la décision devant le conseil arbitral. Il a présenté une note de son médecin qui indique que sa blessure au dos l'a fait souffrir tout l'été. Le prestataire a ajouté qu'en raison de sa blessure et de sa grippe, il a été complètement incapable de quitter son domicile du 15 juin au 13 septembre. La déclaration d'un témoin qui connaissait le prestataire est venu appuyer cette affirmation. M. Smith ne savait pas qu'il pouvait envoyer quelqu'un chercher les formulaires à sa place.

    Le conseil a déterminé que « le prestataire n'[avait] pas prouvé qu'il était incapable de prévenir la Commission en personne, par téléphone ou avec le concours de son épouse ou d'un ami » [Traduction]. Par conséquent, le conseil a conclu à l'unanimité qu'il n'y avait aucun motif justifiant le retard, et il a rejeté l'appel.

    Le prestataire interjette appel de la décision en vertu des alinéas 95b) et c) de la Loi. Il fait valoir de nouveaux arguments, indiquant qu'il ignorait qu'il était admissible aux prestations d'assurance-chômage pendant qu'il était malade, et que ni lui ni sa femme ne savaient qu'il était possible de présenter une demande par téléphone. Il affirme qu'il n'y avait personne à qui il aurait pu demander ces informations, et que de toute façon, il n'avait pas le téléphone à l'époque.

    Les dispositions d'antidatation de la Loi reposent sur le principe que le Parlement ne gagne rien à invoquer des motifs purement techniques pour refuser l'assurance-chômage à des gens qui y auraient droit par ailleurs. Un prestataire qui a un motif justifiant son retard peut, en vertu du paragraphe 20(4), être considéré comme ayant formulé sa demande à une date antérieure. Depuis la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire du Procureur général du Canada c. Albrecht, [1985] 1 F.C. 710, le critère servant à déterminer s'il y avait motif valable de tarder à présenter une demande consiste à se demander si le prestataire a agi comme une personne raisonnable l'aurait fait dans la même situation pour s'assurer des droits et obligations que lui impose la Loi. Le plus important, ce sont les circonstances propres à chaque affaire. Par conséquent, dans bon nombre de décisions, les juges-arbitres ont soutenu que les prestataires qui connaissent peu le système d'assurance-chômage, n'ont pas facilement accès aux sources d'information à ce sujet et ne savent pas qu'il est possible d'obtenir des prestations pendant une maladie peuvent être considérés comme ayant un motif valable pour présenter leur demande avec un retard raisonnable. On peut se reporter, par exemple, aux décisions CUB 12027, 14019, 13378, 12762 et 12454. Selon moi, la présente affaire entre tout à fait dans cette catégorie. En plus d'avoir été malade, de manquer d'information et de disposer de moyens de communication limités, M. Smith n'est pas très instruit, comme en témoignent les pièces de correspondance versées au dossier. Dans les circonstances propres à l'affaire qui nous intéresse, je conclus qu'il ne serait pas raisonnable de s'attendre à ce qu'il ait communiqué avec la Commission plus tôt.

    Le conseil en est venu à une conclusion différente parce qu'il a omis d'appliquer ce critère. Il a conclu que M. Smith n'avait pas prouvé qu'il était incapable de communiquer avec la Commission. Or, ce n'est pas là le critère établi par la Cour d'appel. Tout ce que M. Smith devait démontrer, c'est qu'il a agi comme un prestataire raisonnable aurait agi dans la même situation. En appliquant le mauvais critère, le conseil a commis une erreur de droit.

    J'accueille donc cet appel et j'autorise le prestataire à faire antidater sa demande de façon à ce qu'elle prenne effet le 15 juin 2006, en vertu du paragraphe 20(4) de la Loi.

    James A. Jerome

    JUGE-ARBITRE EN CHEF

    OTTAWA
    Le 8 octobre 1987

    2011-01-16