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  • CUB 14461

    TRADUCTION

    EN VERTU DE la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT À une demande de prestations par
    John MORGAN

    - et -

    RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre
    par le prestataire de la décision d'un conseil arbitral
    rendue à Calgary (Québec), le 26 février 1987


    CUB CORRESPONDANT : 14461A

    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-1200-87


    DÉCISION

    LE JUGE CULLEN :

    Il s’agit d’un appel de la décision unanime du conseil arbitral et je l’ai entendu à Calgary (Alberta) le 28 octobre 1987.

    Le conseil arbitral avait eu à décider si la Commission avait à juste titre réparti la rémunération du prestataire à partir du 1er septembre 1985.

    Le prestataire a présenté une demande de prestations le 25 avril 1985 et une période de prestations a été établie à compter du 28 avril 1985 (pièce 2). Le prestataire avait travaillé comme chargé de cours à temps partiel à l’Université de Calgary. Cette dernière établit des contrats pour des périodes dans le cas de tous les postes d’enseignement à temps partiel. Les contrats visent la période du 1er septembre au 31 décembre au premier semestre et celle du 1er janvier au 30 avril au second semestre. Selon le prestataire, il n’est pas tenu compte des situations individuelles, qu’il s’agisse de la date de début ou de fin ou du nombre de jours de travail (pièce 5-1).

    La pièce 6 est une copie du «contrat» du prestataire. Le prestataire n’a pas réellement commencé à travailler avant le 17 septembre 1985 et il a fait au total 22 jours de travail au cours d’une période de 12 semaines (pièce 5). Comme le contrat prenait effet le 1er septembre 1985, la Commission a réparti sa rémunération sur une période qui comprenait les semaines commençant les 1er et 8 septembre 1985. La Commission n’avait pas reçu de cartes de déclaration pour ces deux semaines (parce que le prestataire n’avait pas travaillé pendant cette période), mais elle n’a pas imposé de pénalité parce qu’elle estimait que le prestataire n’avait pas sciemment fait une fausse déclaration. Cette répartition a donné lieu à un trop-payé de 370 $ (pièce 8).

    Le prestataire fait remarquer que le contrat que lui a proposé l’Université de Calgary était daté du 18 septembre et lui a été communiqué le 24 septembre 1985. Il signale également que même si l’université gère ses affaires financières sur une base mensuelle, une personne n’est pas pour autant un «employé» avant qu’elle ait commencé à travailler ou qu’un contrat ait été rédigé et lui ait été proposé (pièce 9).

    L’agent d’assurance a décidé que le prestataire avait reçu une rémunération de 245,80 $ pour les semaines commençant les 1er et 8 septembre 1985. Le prestataire a été informé que puisque son contrat prenait effet le 1er septembre 1985, la rémunération devait être répartie à partir de cette date. Cette décision a été communiquée au prestataire par un Avis relatif à la rémunération daté du 9 octobre 1986.

    La première audience du conseil arbitral a étë ajournée. Le prestataire était présent à l’audience tenue le 26 février 1987. Le conseil a confirmé à l’unanimité la décision de l’agent d’assurance et a rejeté l’appel. Le prestataire a impressionné le conseil mais, tout en lui exprimant sa sympathie, ce dernier a jugé que le libellé précis de la disposition réglementaire 57(1)a)(i) établie en vertu de la Loi sur l’assurance-chômage ne lui permettait pas d’annuler la décision. Le conseil a proposé qu’il discute de la gestion de son contrat de louage de services avec les autorités compétantes de l’université afin d’éviter de telles anomalies à l’avenir.

    Le prestataire a interjeté appel devant un juge-arbitre par une lettre datée du 31 mars 1987 (pièce 21). Toutefois, il n’a pas précisé le motif de son appel. La préoccupation du prestataire a trait à ce que le conseil a affirmé qu’il n’avait pas compétence pour trancher ou examiner la question de savoir si le contrat était un état véritable des faits. Il mentionne que le juge-arbitre est la seule personne qui soit compétante pour statuer sur un tel point.

    Le prestateire soutient que le fait d'établir un contrat portant une date antérieure pour donner l’impression qu’une personne a été employée avant la vraie date d’effet ou d’acceptation est inacceptable et ne saurait être autorisé par aucune loi.

    On peut difficilement adresser des reproches à la Commission (ni de fait au prestataire) qui est placé devant un «contrat» ou une «lettre d’intention d’embaucher» qui énonce clairement: «Au nom du Bureau des gouverneurs de l’Université de Calgary, je suis heureux de vous offrir un emploi de «durée déterminée» au sein du personnel enseignant à titre de chargé de cours à temps partiel au Département de physique pour la période de 1985-09-01 à 1985-12-31» (pièce 6-1). Le prestataire a signé une acceptation de l’offre mentionnée et les conditions d’emploi énoncées le 24 septembre 1985 (pièce 6-2).

    Selon le prestataire, «c’est de la fiction, non pas la réalité». Il signale qu’il a «travaillé» pendant une période différente de celle représentée par les dates de début et de fin du contrat et plus courte.

    Dans une lettre que le prestataire a adressée le 19 septembre 1986 à la CEIC (pièce 5-1), on peut lire ce qui suit :

    [TRADUCTION] L’Université de Calgary établit des contrats pour des périodes dans le cas de tous les postes d’enseignement à temps partiel. Ces contrats sont arbitrairement datés du 1er septembre au 31 décembre (au premier semestre) et du 1er janvier au 30 avril (au second semestre). Il n’est pas tenu compte dans ces contrats des situations individuelles, qu’il s’agisse de la date de début ou de fin ou du nombre de jours de travail par semaine.
    Chaque semestre dure environ 13 semaines, bien que le contrat lui-même vise 17 semaines par semestre.
    Sur les cartes d’a.-c. il est demandé d’inscrire le nombre de jours de travail (et la rémunération) au cours de chaque semaine visée. La rémunération que j’ai touchée était répartie sur douze séances hebdomadaires par cours enseigné ainsi qu’en témoigne le fait que les honoraires de suppléance, lorsqu’un remplaçant est nécessaire pour une séance, est calculée au taux de 1/12 des honoraires contractuels applicables audit cours, par semaine de suppléance.
    Dans mon cas particulier, les jours où j’ai enseigné pendant le semestre en question étaient les suivants :
    1985 Sept. 17/19/24/26
    Oct. 1/3/8/10/15/17/22/24/29/31
    Nov. 5/7/21/26/27
    Déc. 3/5
    Soit un total de 22 jours répartis sur 12 semaines.
    Je ne vois pas comment on peut prendre cela pour QUATRE MOIS (c.-à-d. 17 semaines et demie) DE TRAVAIL.
    La rémunération prévue par le contrat pour cette période était de 4 260 $, soit 355 $ par semaine pour les 12 semaines allant du lundi 16 septembre au vendredi 6 décembre.
    Un autre fait, ironique celui-là, est que la rémunération totale pour ce travail était légèrement inférieure aux prestations d’a.-c. auxquelles j’aurais été admissible pendant la période jusqutau 31 décembre, si j’avais choisi de rester à la maison et de ne rien faire.
    Ce fait devrait à lui seul établir clairement que je ne désire pas être en chômage. J’espère donc qu’il est possible d’arriver à un compromis équitable de façon que le soi-disant «personnel salarié» ne soit pas injustement défavorisé par l’application d’un système qui, croirait-on, a été conçu uniquement pour les travailleurs rémunérés à l’heure et à 18 semaine.

    Donc, si l’on acceptait l’argument du prestataire, il serait évidemment admissible aux prestations pour les deux premières semaines de septembre 1986. Le prestataire a également déposé une lettre semblable à la pièce 6-1, mais le «contrat» ou la «lettre d’intention» visait la période de 1987-01-01 à 1987-04-30. Toutefois, le «travail» a commencé le 12 janvier 1987 et s’est terminé le 10 avril 1987 selon le document intitulé «PHYSIQUE 259, Calendrier du laboratoire, hiver 1987».

    Il s’agit, encore une fois, de ce que mon collègue le juge Joyal, dans la décision CUB 14181, considère être «un autre exemple des questions complexes que soulèvent certaines demandes de prestations d’assurance-chômage et l’application des dispositions également complexes de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage à ces dernières». Dans l’affaire visée par cette décision (dons il est interjeté appel), il s’agissait

    d’une conseillère d’orientation qui, à l’époque qui nous occupe, était employée la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal. Sa dernière période d’emploi allait du 28 juin 1982 au 30 juin 1983, ce auf est une Période financière courante dans les écoles publiques. Avant la fin de la période, soit le 26 mai 1983, le directeur du personnel de l’employeur l’a informée que son poste allait être supprimé et qu’elle ne serait pas réembauchée à partir du 1er juillet 1983.
    Elle a par la suite fait une demande de prestations d’assurance-chômage et des prestations lui ont éventuellement été versées. Toutefois, plus tard durent l’été de 1983, l’employeur a apparemment réexaminé ses besoins et décidé de la réembaucher à titre de conseillère d’orientation suppléante selon un régime de temps partiel à 40 p. 100. Le contrat conclu prenait effet le 1er juillet 1983 et devait se terminer le 30 juin 1984. Les dispositions du contrat étaient identiques à celles de tous les autres contrats, à l’exception du salaire qui était un pourcentage de celui qu’elle aurait normalement touché à temps plein.
    La déclaration de l’employeur à ce propos se trouve dans la pièce n° 6 et se lit comme suit :
    [TRADUCTION] Mad. Sharyn Sepinwall a été licenciée en juin 1983. Elle a été réembauchée comme conseillère d’orientation suppléante en août 1983. Un contrat de temps partiel à 40 p. 100 ayant effet rétroactif au 1er juillet 1983 a été conclu avec elle en octobre 1983. Ce contrat visait la période du 1er juillet 1983 au 30 juin 1984. Son salaire annuel pour cette période était de 15 194,66 $, payable en treize versements de 575,63 $ entre le 1er juillet 1983 et le 23 décembre 1983 et en treize versements de 593,19 $ entre le 26 décembre 1983 et le 21 juin 1984.
    Se fondant sur cela, la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada a décidé, le 13 mars 1985, que la prestataire recevait une rémunération et que cette dernière devait être répartie conformément aux articles 57 et 58 du Règlement sur l’assurance-chômage.

    L’avocat de la prestataire a soutenu que :

    les versements à effet rétroactif reçus par la prestataire pour la période du 3 juillet 1983 au 18 septembre 1983 ne constituaient pas une rémunération et ne devaient pas être répartis conformément à l’article 58 du Règlement sur les semaines en question. La prestataire n’avait de fait fourni aucun service durant ces semaines. Je crois qu’il voulait faire valoir que la rétroactivité du contrat d’emploi renouvelé n’était qu’une pure fiction créée par une formule particulièrement unique ou discrète de calcul de la rémunération d’un employé pour une période allant du 1er juillet au 30 juin mais qui n’avait aucun rapport avec les réalité du cas.

    Et plus loin :

    La jurisprudence touchant ce genre de situations factuelles n’est pas facile à catégoriser. La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Dick et autres c. Le Sous-procureur général du Canada, (1980) 2 R.C.5. 243, a conclu, entre autres choses, que le salaire versé à un enseignant sur douze mois était un salaire annuel et simplement un moyen d’aider ce dernier à tenir son budget personnel. Au nom de la Cour, le juge McIntyre semble avoir adopté une méthode directe pour établir l’admissibilité; face aux formules complexes utilisées par les commissions scolaires pour le paiement du salaire. L’appelante, dans cette affaire, avait obtenu un congé et avait cessé de travailler le 26 mars 1976. Il lui avait alors été versée un montant forfaitaire à titre de rajustement de salaire et, en décembre 1976, elle avait démissionné officiellement. Elle avait obtenu des prestations de maternité le 11 avril 1976, prestations qui auraient dû lui être versées pour une période de quinze semaines, soit jusqutau 24 juillet 1976. La Commission avait refusé de lui verser d’autres prestations après le 4 juillet 1976 au motif que son contrat d’emploi avait continué d’exister, que le montant forfaitaire versé représentait les sommes qui lui auraient été payables en juillet et août et que ces prestations devaient être réduites en conséquence.
    Au nom de la Cour, le juge McIntyre a dit, à la page 252 :
    ... Puisque le rajustement de salaire reçu par l’appelante à la cessation de ses fonctions n’est versé qu’au titre des services rendus jusqu’au 26 mars 1976, aucune partie n’en est attribuable aux mois de juillet et août où à une période postérieure au 26 mars. Même si l’on n’avait pas mis fin au contrat, l’appelante avait nettement quitté son poste, ce que son employeur a reconnu lorsqu’il a effectué le paiement de rajustement. Les exigences de l’art. 25 de la Loi, concernant la disponibilité au travail comme condition du versement des prestations, ne s’appliquent pas aux prestations versées en vertu de l’art. 30 et cette question n’a pas été plaidée par l’intimé. Je suis donc d’avis que l’appelante avait tout à fait droit aux paiements pendant le mois de juillet.
    Cette façon de voir de la Cour suprême du Canada est attrayante. Toutefois, des décisions différentes ont été rendues dans des affaires semblables mais jamais tout à fait identiques, soit les décisions CUB 6018, CUB 7019, CUB 6671 et CUB 6846.
    Dans l’arrêt Falardeau, A-803-80, décision CUB 6218, le Juge Pratte, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, après avoir examiné la définition légale d’«année scolaire» dans la Loi de l’éducation du Québec, a conclu que la fiction ne pouvait l’emporter sur le fait que le salaire versé à un enseignant pour une période d’emploi commençant le 1er septembre 1978 et se terminant le 30 juin 1979 pouvait être considéré comme l’étant pour la période du 1er juillet 1978 au 1 septembre 1978.

    Il conclut :

    La prestataire est tombée en chômage le 30 juin 1983. Elle ntavait plus de contrat avec la Commission scolaire. Son contrat, qui aurait normalement été renouvelé à partir du 1er juillet 1983, bien qu’il l’ait été avec effet rétroactif au 1er juillet 1983 en vertu de la loi applicable et que les versements de salaire aient été calculés en conséquence, ne peut, à mon humble avis, fermer la porte aux réalités. Selon le principe énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Falardeau, rien de ce qui a étë versé à la prestataire à titre de salaire pour sa période d’emploi, soit du 18 septembre 1983 au 30 juin 1984, peut être fictivement considérë comme l’ayant été pour la période du 1er juillet 1983 au 18 septembre 1983.

    [Je souligne.]

    L’appel a été accueilli.

    Le prestataire en l’espèce est la victime d’une politique adoptée par l’université soit pour faciliter sa gestion, soit pour arranger les employés rémunérés à l’heure. Le régime de périodes ou de semestres permet à un employé rémunéré à l’heure de faire valoir un «emploi» du 1er septembre au 31 décembre ou d’une durée de 16 semaines, soit la période requise pour être admissible aux prestations de chômage. À mon avis, le prestataire ne devrait pas être pénalisé par une politique qui convient à l’employeur ou qui arrange d’autres employés. Ainsi que l’affirme le juge Pratte dans l’affaire Falardeau (précitée) la fiction ne peut l’emporter sur le fait. De même, le juge McIntyre, dans l’affaire Dick (précitëe), dit : «Même si l’on n’avait pas mis fin au contrat, l’appelante avait nettément quitté son poste...» (je souligne).

    L’effet rétroactif du contrat n’était qu’une fiction créée par l’employeur et n’avait pas de lien avec les réalitée du cas.

    Le fait, en l’espèce, est très clair - le prestataire a travaillé du 17 septembre 1985 au 5 décembre 1985 ou pendant 12 semaines, non pas 4 mois ou 17 semaines et demie. Il est certain qu’en raison du «contrat» ou de la «lettre d’intention», le prestataire est obligé de produire quelque preuve de la durée réelle de son travail, ce qui est facile à faire (voir l’exemple à la pièce 5-1). Ses calculs représentant la réalité et sont plus appropriés dans les circonstances de l’espèce qu’une période fictive de 4 mois d’emploi qui fausse gravement la répartition prévue par l’article 58 du Règlement. Je concède qu’à première vue le libellé du contrat indique qu’il s’applique du 1er septembre 1985 au 31 décembre 1985, mais les éléments de preuve fournis à la Commission et au conseil arbitral précisent clairement que le prestataire a travaillé 12 semaines, non pas 17 semaines et demie. (On est porté à se demander si les travailleurs horaires qui sont payés mensuellement ont 16 semaines d’emploi.)

    Pour les motifs précités, l’appel est accueilli conformément aux alinéas 95b) et c) de la Loi.

    B. Cullen

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA
    Le 10 novembre 1987

    2011-01-16