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  • CUB 14701

    EN VERTU DE la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT À une demande de prestations par
    Nevenka JELEN

    - et -

    RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
    la prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
    rendue à Montréal (Québec), le 24 novembre 1986.

    DÉCISION

    J.C.A. JEROME, JUGE-ARBITRE:

    J'ai été saisi de cette affaire à Montréal (Québec) le 21 octobre 1987. La prestataire interjette appel de la décision unanime du conseil arbitral qui a confirmé celle de l'agent d'assurance selon qui elle n'avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler à partir du 4 décembre 1985. Elle a été jugée inadmissible aux termes de l'alinéa 25a) et de l'article 36 de la Loi.

    La prestataire a travaillé comme opératrice de machine à coudre chez Mercury Leather du 22 octobre 1984 au 15 mars 1985. Elle a quitté son emploi en raison d'un manque de travail et a présenté une demande de prestations le 26 mars 1985. Une période de prestations a été établie.

    À une entrevue avec un agent de la Commission, le 4 décembre 1985, il a été demandé à la prestataire des renseignements sur sa recherche d'emploi. Elle a répondu qu'elle avait communiqué avec quelques employeurs, mais qu'elle ne se rappelait pas combien, ni qui ils étaient. Elle a précisé qu'elle cherchait du travail seulement comme opératrice de machine à coudre parce qu'elle n'avait pas d'expérience dans d'autres domaines. Elle attendait que son dernier employeur la rappelle et n'était disposée à accepter que le salaire minimum de 7,50 $ l'heure. La prestataire avait été hospitalisée pendant quatre jours en août 1985 et n'avait pu par la suite chercher du travail pendant un certain temps.

    À la lumière de ces renseignements, la Commission a décidé que la prestataire n'avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler et l'a jugée inadmissible à partir de la date de l'entrevue. La prestataire a interjeté appel de cette décision devant le conseil arbitral. Elle a soutenu qu'elle cherchait de l'emploi, attendait que les employeurs l'appellent et donnait suite à ses démarches en communiquant de nouveau avec ces derniers. Elle a déposé sept lettres d'employeurs éventuels, dont il ressortait qu'elle avait cherché de l'emploi à divers moments au cours de l'année écoulée. Ce qui est plus important, elle a mentionné qu'elle n'avait pas compris ce qui était attendu d'elle en matière de recherche d'emploi.

    Voici ce que le conseil a décidé :

    La prestataire a-t-elle prouvé qu'elle était disponible pour travailler afin d'être admissible au bénéfice des prestations à partir du 4 décembre 1985?
    Le représentant a essayé d'expliquer que l'appelante ne pouvait parler anglais pour plaider sa cause. Il a aussi affirmé que l'appelante était une opératrice spécialisée dans les articles de cuir et ne pouvait donc accepter moins que 7,50 $ l'heure.
    Le représentant a affirmé que l'appelante avait cherché de l'emploi au cours de la période allant du 4 décembre 1985 jusqu'à un certain moment en juin 1986. Le représentant a dit qu'il l'avait amenée à différents endroits où elle pourrait trouver de l'emploi, mais elle essuyait toujours un refus parce qu'il n'y avait pas de débouchés dans l'industrie du cuir.
    Ayant étudié le dossier et examiné les arguments de l'appelante et du représentant, les membres du conseil viennent à la conclusion que l'appelante a cherché quotidiennement de l'emploi mais s'est limitée à ses anciens employeurs et à l'industrie du cuir.
    En conséquence, les membres du conseil confirment à l'unanimité la décision de l'agent d'assurance.
    L'appel est rejeté.

    La prestataire interjette appel de cette décision en vertu de l'alinéa 95c) de la Loi. Elle répète que la Commission ne lui a jamais expliqué ses obligations en matière de recherche d'emploi, ni comment elle devait prouver qu'elle s'en acquittait. Sa connaissance limitée du français et de l'anglais faisait qu'elle avait eu beaucoup de difficulté à comprendre les questions du préposé à l'entrevue. Elle n'a pas reçu l'avis de la décision de la Commission avant le 21 mai 1986.

    Selon la Commission, il a été accordé à la prestataire huit mois pour trouver du travail dans son domaine de spécialisation et elle aurait dû étendre sa recherche d'emploi après cela. Comme elle ne l'avait pas fait, elle avait à bon droit été jugée inadmissible.

    Les situations comme celle-ci s'avèrent toujours compliquées tant pour la Commission que pour les conseils arbitraux, pour une très bonne raison. Les problèmes qu'elles soulèvent doivent être réglés à la lumière de quelque chose qui transcende la simple lettre de la loi. L'équité ou la justice naturelle exige une solution qui ne peut être trouvée dans le libellé de la Loi ou du Règlement. Le principe est simplement ceci : la personne qui reçoit des prestations et qui, par conséquent, fait probablement une recherche d'emploi suffisante doit recevoir quelque avertissement avant que la Commission suspende le versement de prestations parce que la recherche est insuffisante. C'est ironique, mais si l'application de ce principe peut aider la prestataire, la Commission aurait également bénéficié de mesures correctives prises plus tôt, car elle n'aurait pas eu à payer des prestations pendant huit mois à quelqu'un dont la recherche d'emploi était insuffisante.

    La question d'une recherche d'emploi restreinte a été examinée dans un grand nombre de décisions de juges-arbitres rendues aux termes de la Loi. Mon collègue, le juge McNair, s'est exprimé comme suit dans l'affaire McAllister, décision CUB 13115 :

    Le prestataire a le droit d'être averti que sa recherche d'emploi est insuffisante ou indûment restreinte et de bénéficier de quelque temps pour modifier sa recherche en conséquence avant d'être déclaré inadmissible.

    En l'espèce, il est évident que la prestataire ne comprenait pas, avant le 4 décembre 1985, qu'elle devrait étendre sa recherche d'emploi après une période de chômage. Il n'y a rien au dossier dont il ressort qu'elle ait été informée de cela. Un effort spécial aurait dû être fait dans ce cas, compte tenu de son manque de connaissance de la langue. Après l'entrevue, elle semble avoir compris pour la première fois ce qui était exigé d'elle. Sa lettre d'appel, qui a été reçue le 25 février 1986, révèle qu'elle savait alors qu'une recherche d'emploi constante et élargie était exigée d'un prestataire qui recevait des prestations depuis un certain nombre de mois. Elle a donc dû en être avertie à l'entrevue. Après l'avertissement, la prestataire avait droit à une période raisonnable pour modifier sa recherche. Elle n'aurait pas dû être jugée inadmissible dès la date de l'entrevue.

    Il ne s'agit pas d'un cas qu'il a lieu de renvoyer au conseil arbitral pour qu'il décide ce qui aurait été une période raisonnable à accorder à la prestataire pour qu'elle modifie sa recherche d'emploi. Une telle décision s'appuie nécessairement sur des suppositions et la durée de la période variera selon les faits de chaque espèce. Dans certains cas, une période d'au moins huit semaines a été jugée appropriée, mais je crois que ce serait excessif en l'espèce. Compte tenu de la période prolongée pendant laquelle des prestations ont été versées à la prestataire avant l'entrevue avec l'agent d'assurance et du fait que cette dernière a semblé comprendre ses obligations après cette entrevue, je pense que quatre semaines à partir de cette date seraient suffisantes.

    L'appel est donc accueilli et l'affaire est renvoyée à la Commission pour qu'elle calcule de nouveau les prestations en fonction de la prolongation de l'admissibilité de la prestataire au bénéfice de ces dernières pendant quatre semaines après l'entrevue du 4 décembre 1985.

    James A. Jerome

    JUGE-ARBITRE EN CHEF

    OTTAWA
    le 8 janvier 1988

    2011-01-16