CUB 14805

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TRADUCTION

EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-chômage, 1971

- et -

RELATIVEMENT A une demande de prestations par
Shahnaz DADVAND

- et -

RELATIVEMENT A un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
le prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
rendue à Sydney, Nouvelle-Écosse, le 30 octobre 1987.

DÉCISION

BARBARA J. REED, JUGE-ARBITRE:

La prestataire interjette appel de deux décisions du conseil arbitral, l'une l’excluant du bénéfice des prestations pour deux semaines pour avoir quitté un emploi sans justification, et l'autre la déclarant inadmissible aux prestations du 9 septembre 1987 pour une période indéterminée parce qu'elle n’était pas disponible pour travailler pendant qu'elle suivait un cours à plein temps.

Voici les faits entourant les deux semaines d'exclusion, tels qu’ils apparaissent au dossier: la prestataire a travaillé pour Me A. Hershel Gross, un avocat de la ville de Toronto, du 16 mars au 26 juin 1987. Elle a quitté abruptement cet emploi parce que M. Gross criait après elle, "il ne pouvait me promettre qu’il allait se dominer, mon ulcère s’est aggravé et je ne pouvais pas rester dans les circonstances" (pièce 5). Elle a fourni cette explication le 6 juillet 1987. Le 4 août 1987, on lui a demandé d'autres précisions ainsi qu'un certificat médical attestant que son milieu de travail avait aggravé son ulcère. Elle a répondu ce qui suit:

Avec l'aggravation de mon ulcère, j'avais beaucoup de douleurs. Je n'avais pas besoin d'aller consulter mon médecin parce que j'ai mes médicaments - Tapamat. Lorsque mon ulcère s'aggrave, je prends Tapamat et j'essaie de résoudre le problème. Mon problème était que M. Gross (comme il l'a dit lui-même) ne se considérait pas comme "une personne aimable". Par conséquent, je me suis rendu compte que peu importe le nombre de fois où je verrais mon médecin ou à quel point je me plaindrais, rien ne l'amènerait (Gross) à mieux me traiter. J'ai pris régulièrement mes médicaments (qui coûtent cher) et je l'ai quitté (Gross) pour trouver un autre emploi.

Elle a en outre déclaré:

Dans le cas de M. Gross, bien que ce ne fût pas à mon avantage de changer d'emploi à ce moment-là, je ne pouvais pas continuer à travailler pour une personne qui ne ferait aucun effort pour changer son attitude et sa façon de me traiter, parce qu’il n'était pas une personne aimable"! (Et c’est lui-même qui l'a dit.)
Je n'ai sûrement pas laissé un salaire de 500 dollars par semaine pour recevoir la moitié de ce montant de l'assurance-chômage...

S'il n'était pas avantageux pour elle de quitter son emploi le 26 juin 1987, c'était parce qu'elle avait l'intention de commencer un cours à plein temps à Sydney, en Nouvelle-Écosse, au début de septembre, et qu'il ne lui serait probablement pas facile de trouver un emploi pour la période dans l'intérim. Toutefois, elle s’est immédiatement inscrite (au cours de la période allant du 26 juin au 5 juillet) auprès d'au moins trois agences de placement, et il semblerait qu’elle ait obtenu des affectations temporaires pour la plupart des semaines de juillet et août (pièce 11, pièce 14).

Le 5 octobre 1987, elle a de nouveau écrit à la Commission pour expliquer pourquoi elle avait quitté son emploi auprès de M. Gross:

J'ai quitté l'emploi de M. Gross involontairement et pour un motif valable. Quelques jours avant de démissionner, j'ai eu de grosses éruptions aux deux mains, pour lesquelles j'ai consulté personnellement mon médecin. Quelques jours plus tard, j'ai commencé à avoir régulièrement des douleurs en raison de mon ulcère. J'ai alors demandé à M. Gross de cesser de me traiter d'une façon désagréable et condescendante; il a répondu qu'il "n'était pas un homme aimable"! Comme M. Gross avait de la difficulté à se dominer, je n'avais pas d'autre choix que de partir. J'aurais aimé continuer à travailler pour lui, parce que chaque jour que je perdais pendant que je cherchais un emploi, je perdais 100 $. Je serais restée si je n’étais pas tombée malade ou s’il avait fait des efforts sincères pour me garder.

Les observations de la Commission au conseil arbitral se lisent comme suit:

La prestataire a travaillé pour Me A. Hershel Gross du 16 mars au 26 juin 1987, date à laquelle elle a quitté son emploi en raison d'un conflit de personnalité avec son employeur (pièce 5).
La prestataire a déposé une demande de prestations au CEC de Toronto, et elle a été exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté son emploi auprès de Me A. Hershel Gross (pièce 15). La période maximale d'exclusion pour avoir volontairement quitté son emploi est de six semaines, mais en raison de circonstances atténuantes dans le cas de la prestataire, cette période e été réduite de six à deux semaines.
Lorsqu'un prestataire prend lui-même la décision de quitter son emploi, il faut se demander s'il avait un motif valable d'agir ainsi. Le critère est fondé sur ce qu'une personne ordinaire, prudente aurait fait dans des circonstances semblables. Motif valable et bonne raison ne sont pas synonymes; des raisons qui sont substantielles et compréhensibles équivalent à des circonstances atténuantes qui justifient d'abréger la période d'exclusion.

Dans la décision CUB 5612, le juge-arbitre déclare ce qui suit:

"M. Gates, à mon avis, n'a pas agi comme l'aurait fait un homme raisonnable avant de prendre la décision importante de laisser son emploi pour ce qu'il prétend être des raisons de santé. Un homme raisonnable aurait consulté son médecin et, si son état de santé était tel qu'il l'a décrit, le témoignage du médecin aurait pu attester la situation du prestataire. Car si la santé d'un employé était mise en danger par son travail, je verrais certainement là un motif valable de quitter son emploi.
Nous considérons que la prestataire n’a pas agi comme l'aurait fait une personne raisonnable avant de quitter son emploi. Une personne raisonnable aurait consulté son médecin, et si les faits étaient tels qu'elle les a décrits, le témoignage du médecin aurait pu attester la situation de la prestataire.

La décision du conseil arbitral se lit comme suit:

EXPOSÉ DES FAITS
La prestataire a travaillé pour Me A. Hershel Gross, du 16 mars au 26 juin 1987, date à laquelle elle a quitté son emploi en raison d'un conflit de personnalité avec son employeur (pièce 5).
La prestataire a déposé une demande de prestations au CEC de Toronto, et elle a été exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté son emploi auprès de Me A. Hershel Gross (pièce 15). La période maximale d'exclusion pour avoir volontairement quitté son emploi est de six semaines, mais en raison de circonstances atténuantes dans le cas de la prestataire, cette période a été réduite de six à deux semaines.
Lorsqu'un prestataire prend lui-même la décision de quitter son emploi, il faut se demander s'il avait un motif valable d'agir ainsi. Le critère est fondé sur ce qu'une personne ordinaire, prudente aurait fait dans des circonstances semblables. Motif valable et bonne raison ne sont pas synonymes; des raisons qui sont substantielles et compréhensibles équivalent à des circonstances atténuantes qui justifient d'abréger la période d'exclusion.
CONCLUSIONS DU CONSEIL ET FONDEMENT DE LA DÉCISION

. . .

Le conseil approuve également la période d'exclusion de deux semaines que lui a imposée l'agent d'assurance. La prestataire ne satisfait pas aux exigences des articles 25A et 36 de la Loi sur l'assurance-chômage, ni aux articles 41 et 43 de ladite Loi.

Il convient de mentionner que l’"Exposé des faits" reproduit exactement la présentation de la Commission au conseil. En outre, il n'y a aucun énoncé expliquant le "Fondement de la décision" à laquelle le conseil est arrivé, autre que le conseil approuve la décision de l'agent d'assurance. J'en conclus donc que le conseil a mal interprété son rôle, et qu'il n'a pas tranché la question qu'il devait trancher. Je suis sûre que les "observations" de la Commission au conseil étaient en partie responsables de cette situation. Le mot "observations" est inapproprié. Il s'agit vraiment d'une présentation d'un coté de l'affaire. Il s'agit d'un argument tendancieux avancé pour appuyer la décision de la Commission. Ces observations ne sont pas objectives, et les conseils devraient tenir compte de cet élément lorsqu'ils s'appuient sur elles pour rendre leur décision.

En l'espèce, des instructions objectives au conseil auraient mentionné que des effets préjudiciables à la santé d'une personne constituent un motif valable pour quitter un emploi, comme il est indiqué dans la décision CUB 5612. Par conséquent, ce que le conseil aurait dû alors décider, c'est si, d'après les éléments de preuve dont il était saisi, une telle situation existait dans le milieu de travail. La Commission a indiqué au conseil que la prestataire n'avait pas agi comme une personne raisonnable parce qu’elle n’avait pas obtenu de certificat médical avant de quitter son emploi auprès de M. Gross. A l'appui de cette opinion, elle a cité la décision CUB 5612. C'est là une mauvaise interprétation de la valeur de cette décision en tant que précédent. Dans la décision CUB 5612, il est clair que le juge-arbitre n’a pas accepté la prétention du prestataire portent qu’il avait un problème de santé qui avait été aggravé ou causé par son travail. La décision appuie l'idée que dans les faits et circonstances de cette affaire, une personne raisonnable aurait, avant de quitter son emploi, obtenu un certificat médical confirmant sa prétention. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il doit y avoir dans tous les cas un certificat médical pour que l'on conclue à un motif valable. L'existence ou l'absence d'un certificat médical est une question de preuve. S'il en existe un, les preuves appuyant la position du prestataire pourraient être plus solides qu’elles ne le seraient autrement. Mais même s’il n'y a pas de certificat médical, il est encore loisible à un conseil de conclure qu’une personne avait un motif valable, fondé sur son état de santé, pour quitter son emploi.

J'ai un autre commentaire à faire au sujet de la décision CUB 5612 (Gates). Comme elle ne figure pas au dossier, je présume que le conseil ne l'avait pas devant lui pour l'examiner et la comparer avec les faits de l’espèce. Quoi qu’il en soit, les faits dans la décision CUB 5612 sont sensiblement différents de ceux dont était saisi le conseil. Dans cette affaire, le prestataire était un administrateur qui avait quitté son emploi à l'hôpital psychiatrique de St. Thomas en Ontario. Le conseil et le juge-arbitre ont conclu que:

"...il a laissé son emploi pour des raisons de santé physique et mentale et afin de changer de lieu de résidence et d'occupation".

Le prestataire est déménagé en Nouvelle-Écosse. Le juge-arbitre a décrit son témoignage de la façon suivante:

Il a décrit les problèmes innombrables qui survenaient presque quotidiennement, les efforts sincères qu’il avait constamment déployés afin de les régler, ses luttes incessantes contre des hauts fonctionnaires bureaucratiques et exaspérants tant à l’hôpital qu'au sein du ministère même, ses nombreuses frustrations, la détérioration de sa santé, ses difficultés familiales croissantes et, enfin, sa décision de quitter l'hôpital. Selon ses propres mots: "J'ai choisi librement et volontairement de partir mais je soutiens que j'ai agi ainsi pour un motif valable à cause des conditions de travail intolérables et de conflits moraux et éthiques".

Dans des circonstances semblables, il n’est pas étonnant que le juge-arbitre ait conclu qu’il n’était pas disposé à accepter l'argument portent que le prestataire avait quitté son emploi pour des raisons de santé, à moins qu'un certificat médical attestant ce fait ne soit fourni. Toutefois, les faits sont sensiblement différents en l’espèce; l'absence d'un certificat dans la présente affaire ne constitue pas un facteur déterminant.

Pour les raisons mentionnées ci-dessus, j'estime que le conseil arbitral n’a pas tranché la question qu'il devait trancher. Par conséquent, il a enfreint les alinéas 95a) et b) de la Loi sur l’assurance-chômage. En vertu des pouvoirs qui me sont conférés aux termes de l’article 96 de la Loi, je rendrai la décision que le conseil aurait dû rendre.

D'après les éléments de preuve figurant au dossier, il semble très clair que la prestataire avait un motif valable pour quitter son emploi auprès de M. Gross. Il n'y a aucune raison de mettre en doute sa déclaration portant que son ulcère s'était aggravé en raison de la situation à son travail. Elle a fourni une explication tout à fait digne de foi lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle n'avait pas obtenu de certificat médical avant de quitter son emploi: elle savait quel était le problème et elle savait quels médicaments prendre pour le soulager; elle savait que la situation à son travail n'allait pas s'améliorer et que son ulcère la ferait souffrir aussi longtemps qu'elle demeurerait dans cette situation. Qui plus est, ses actes après avoir démissionné (chercher immédiatement une autre affectation temporaire) prouvent clairement qu'elle n'inventait pas tout simplement une excuse pour justifier sa démission. A mon avis, la preuve prouve que la prestataire avait un motif valable. La période d'exclusion de deux semaines imposée par la Commission est annulée.

Pour ce qui est de son inadmissibilité du fait de sa non-disponibilité, le conseil a conclu ce qui suit:

Le conseil est d'avis qu'elle suit un cours à plein temps au University College du Cap-Breton et, selon son propre aveu, qu’elle travaille à son compte lorsqu’elle n‘a pas de cours. L'inadmissibilité devrait demeurer en vigueur tant que cette situation ne changera pas. [Pièce 20-2]

La prestataire soutient que cette conclusion n’est pas conforme à l'intention de la Loi sur l’assurance-chômage parce que cette Loi a pour but d'aider ceux qui cherchent un emploi. La prestataire s'est inscrite à un cours pour améliorer son employabilité. Elle soutient également que l'on applique deux mesures parce que l'on considère que le revenu qu’elle touche (de travaux de dactylographie qu'elle fait chez elle, à la pige) a valeur de rémunération, et ce pour réduire le montant des prestations qu’elle pourrait recevoir, lorsqu'elle y aurait droit, mais qu'on ne le considère pas comme un revenu assurable aux fins de la rendre admissible aux prestations lorsqu'elle ne peut obtenir de travail à la pige. Même si, dans la pratique, ses arguments ont une certaine valeur, la Commission et le conseil ont correctement appliqué la Loi. Bien que celle-ci ait pour but d'aider ceux qui cherchent un emploi, ce but ne peut être atteint que conformément au libellé de la Loi elle-même. Par conséquent, il ne suffit pas d'être visé par le but de la Loi; le prestataire doit également être visé par le libellé de celle-ci.

Un prestataire qui a été dirigé vers un cours par la Commission touche des prestations pendant qu’il suit ce cours. Un prestataire qui suit un cours à plein temps vers laquelle il n'a pas été dirigé par la Commission ne sera pas admissible aux prestations à moins de pouvoir prouver qu'il est disponible pour travailler. C'est-à-dire, la personne doit prouver qu'elle est disponible pour devenir un employé. Dans certains cas, une personne qui a déjà travaillé à temps partiel pourra prouver qu’elle a droit aux prestations pour cette raison, lorsqu'elle suit un cours à plein temps. Ou encore, si elle a prouvé qu'elle a travaillé à plein temps et qu’elle suit un cours à plein temps, des prestations seront servies. Toutefois, il est difficile, de façon générale, de prouver le degré de disponibilité requis pour satisfaire à l'alinéa 25a) de la Loi sur l'assurance-chômage, lorsque la personne suit un cours à plein temps.

La prestataire a raison de dire que l’on applique deux mesures au revenu qu'elle touche de son travail à la pige. Toutefois, c’est la façon dont la Loi fonctionne. La Commission et le conseil ne l'ont pas mal appliquée.

Il reste un dernier point. La prestataire déclare que selon une brochure de la C.C., elle aurait dû recevoir au moins une semaine a l'avance l'avis de l'audition devant le conseil arbitral. Elle n’a reçu l'avis officiel que deux jours avant l’audition. Parallèlement, il est clair qu’avant cette date, elle avait elle-même cherché à savoir quand l'audition aurait lieu. En outre, rien dans le dossier n'indique qu’elle n’était pas capable de faire un exposé complet de son affaire devant le conseil, en dépit de l'arrivée tardive de l'avis officiel.

Même si la brochure à laquelle la prestataire fait allusion mentionne peut-être qu'un avis d'une semaine est requis (le dossier ne renferme pas d'exemplaire de cette brochure), l’exigence statutaire est énoncée su paragraphe 66(1) du Règlement:

Un conseil arbitral doit accorder à chacune des parties en cause dans un appel la possibilité raisonnable de présenter ses arguments au sujet de toute affaire dont il est saisi.

En l'espèce, il semblerait qu’il a été satisfait à cette exigence.

Pour les raisons mentionnées ci-dessus, la décision de la Commission déclarant la prestataire inadmissible à deux semaines de prestations pour avoir quitté son emploi sans justification est annulée. L'appel de la prestataire de son inadmissibilité pour n'avoir pas pu prouver sa disponibilité est rejeté.


JUGE-ARBITRE

OTTAWA,
le 19 février 1988