EN VERTU DE la LOI DE 1971 SUR L'ASSURANCE-CHOMAGE
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RELATIVEMENT A une demande de prestations par
Gabriel PROULX
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RELATIVEMENT A un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire de la décision d'un conseil-arbitral rendue le 24 novembre 1987 à Ste-Foy, Québec.
DÉCISION
LE JUGE DENAULT:
Le prestataire en appelle de la décision unanime du Conseil arbitral qui a entériné la position de la Commission de refuser d'antidater au 25 novembre 1985 sa demande de prestations formulée le 14 septembre 1987. En l'occurrence, il s'agissait de voir si le prestataire avait un motif valable pour avoir formulé sa demande de prestations en dehors du délai prescrit selon le paragraphe 20(4) de la Loi sur l'assurance-chômage, 1971, et l'alinéa 39(1)(b) des Règlements.
M. Proulx travaillait pour N.C.R. Canada Limitée depuis plus de 30 ans lorsque le 24 mai 1985, il a dû quitter le travail pour cause de maladie. Depuis le 25 novembre 1985, il reçoit une indemnité pour invalidité à long terme de son employeur et des prestations du Régime des rentes du Québec. Il ignorait alors, tout comme son employeur, pouvoir être éligible aux prestations d'assurance-chômage en cas de maladie. Il n'a appris qu'en septembre 1987, d'un membre de sa parenté, qu'il pouvait être éligible et a dès lors fait sa demande. On a refusé d'antidater sa demande parce que son retard à déposer une telle demande ne reposait pas sur un motif valable, soit l'ignorance de la loi.
La Commission a rendu la décision suivante :
Le prestataire a-t-il un motif valable de tarder à déposer sa demande de prestations et en conséquence, peut-il antidater au 25 novembre 1985
Le prestataire, lors de l'audition, maintient la raison pour laquelle il a tardé à déposer sa demande de prestations est le fait qu'il n'était pas au courant de la Loi de l'assurance-chômage. De plus, il nous explique que la compagnie même n'était pas au courant de la Loi de l'assurance-chômage.
En se basant sur de nombreuses jurisprudences déjà existantes et même récentes, une personne ne peut se prévaloir de l'ignorance, de la Loi comme tel comme motif valable pour antidater une demande à une date ultérieure. Donc, le Conseil arbitral dans le cas présent n'a pas d'autre alternative que de maintenir la décision.
En conséquence, le Conseil arbitral à l'unanimité, maintient la décision de la Commission et rejette l'appel.
Il importe d'abord de préciser que lors de l'audition devant le Conseil arbitral, M. Albert RENAUD, directeur de l'administration chez l'employeur du prestataire, a témoigné et confirmé qu'il ignorait qu'en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage, des travailleurs pouvaient avoir droit aux prestations en cas de maladie. Sa présence devant le Conseil arbitral n'est même pas indiquée et les arbitres n'ont pas fait mention de son témoignage. Ce seul motif ne saurait cependant justifier le maintien de l'appel.
A mon avis, le Conseil arbitral a cependant mal résumé l'état de la jurisprudence en affirmant que "une personne ne peut se prévaloir de l'ignorance de la Loi comme tel comme motif valable pour antidater une demande à une date ultérieure." Ce principe tiré de l'arrêt PIROTTE ((1977) 1 C.F. 314) est maintenant considéré comme trop catégorique et sa rigueur a été atténuée par les décisions de la Cour d'appel fédérale dans ALBRECHT ((1985) 1 C.F. 710) et Tony CARON (A-395-85, 10 février 1986). Ces arrêts ont été suivis à plusieurs reprises dans des décisions rendues par des juges-arbitres (CUB 14019, CUB 12027, CUB 12950, CUB 13378) et il est maintenant de règle, pour établir un juste équilibre entre l'ignorance de la loi comme motif justifiant ou ne justifiant pas le retard, d'appliquer le critère du caractère raisonnable des motifs invoqués par le prestataire. Bref, on doit se demander si dans chaque cas à l'étude, une personne raisonnable, mise en pareille situation, aurait ou n'aurait pas retardé le dépôt de sa demande.
En l'occurrence, la maladie du prestataire, son inexpérience du régime d'assurance-chômage et l'ignorance même de son employeur à l'effet que ses employés pouvaient avoir droit à des prestations d'assurance-chômage en cas de maladie justifiaient largement l'antidatation.
Pour ces motifs, l'appel est accueilli et il restera maintenant à la Commission d'examiner si la réception par le prestataire de rentes d'invalidité justifient dans son cas le paiement de prestations.
PIERRE DENAULT
JUGE-ARBITRE
OTTAWA
le 1er mars 1989.