TRADUCTION
EN VERTU DE la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage
- et -
RELATIVEMENT À une demande de prestations par
Rick RENOWDEN
- et -
RELATIVEMENT À un appel auprès d'un juge-arbitre par
le prestataire d'une décision du conseil arbitral rendue
à Edmonton, Alberta, le 9 septembre 1987.
DÉCISION
LEONARD A. MARTIN, JUGE-ARBITRE:
Le prestataire, Rick Renowden, interjette appel de la décision du conseil arbitral confirmant la décision de l'agent d'assurance, selon laquelle il était inadmissible à recevoir les prestations d'assurance-chômage pour une période de six semaines au motif qu'il avait perdu son emploi à cause de son inconduite.
Le prestataire travaillait comme manoeuvre dans une entreprise de travail du bois à Edmonton, Alberta, depuis le 2 septembre 1986, lorsqu'il a été congédié, le 19 mars 1987. Selon les propos de la gérante du bureau de l'employeur, rejointe au téléphone par un employé de la Commission, le prestataire avait été congédié parce qu'il s'absentait du travail trop souvent sans appeler; le dernier incident, ajoute-t-elle, s'est produit le 20 mars 1987 lorsque le prestataire a téléphoné tard dans l'après-midi pour dire qu'il avait bu et qu'il ne pouvait se présenter au travail.
Dans une entrevue téléphonique subséquente, la gérante du bureau de l'employeur a affirmé que le prestataire avait été congédié à cause de son taux d'absentéisme et elle a énuméré les absences du prestataire du 9 janvier 1987 au 20 mars date de son congédiement:
le 9 janvier 1987: | prestataire absent, n'a pas téléphoné, mais a présenté un certificat médical; |
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les 2 et 3 février 1987: | prestataire absent, son amie a appelé et le prestataire a présenté un certificat médical; |
Entre le 13 février et le 27 février 1987: |
le prestataire a été absent pendant deux jours pour lesquels il a présenté un certificat médical; |
le 18 mars 1987: | le prestataire était absent mais a appelé la gérante et a expliqué qu'il avait un problème d'alcoolisme et qu'il avait glissé dans l'escalier la veille; |
le 20 mars 1987: | prestataire absent, appelle tard dans l'après-midi et affirme s'être livré à des voies de fait contre un policier, alors qu'il conduisait un camion les facultés affaiblies. |
La gérante du bureau a également dit à l'employé de la Commission, selon les notes prises par l'employé au moment de cette conversation téléphonique, que l'employeur avait l'impression que les certificats médicaux présentés n'étaient pas valables.
Dans sa décision, le conseil arbitral indique que le prestataire s'est présenté devant lui et a nié toutes les allégations d'inconduite avancées par l'employeur. Puisqu'il n'existe aucun dossier de l'instruction de l'affaire, je présume que le prestataire a présenté au conseil l'essentiel de ses mémoires écrits portés au dossier et qu'il y a fait les mêmes exposés oraux que ceux qu'il a faits devant moi.
Le prestataire affirme, d'une façon générale, qu'il a présenté des certificats médicaux pour toutes ses absences, à l'exception de la dernière, celle du 20 mars. Il affirme qu'il était absent le 18 mars 1987 parce qu'il était allé consulter un certain Dr. P. Pauldet à propos d'un problème d'arthrite et qu'en retournant au travail le lendemain matin il avait remis un certificat médical à son contremaître. Il nie sans ambages qu'un quelconque problème d'alcoolisme entrât en ligne de compte. Il affirme faire partie des Alcooliques anonymes depuis quatre ans et qu'il ne boit pas.
Il explique son absence du 20 mars par le fait que son camion a été mis en fourrière dans la soirée du 19 mars. N'ayant pas d'autre moyen de transport pour se rendre à son lieu de travail, il n'y avait pas de service d'autobus, il s'est affairé la journée suivante à sortir son camion de la fourrière. Il nie avoir attendu jusqu'à tard dans l'après-midi pour expliquer son absence au téléphone et affirme plutôt avoir appelé à 10 h du matin. Il nie sans équivoque avoir eu les facultés affaiblies ou s'être livré à des voies de fait contre un policier et donne le nom et le numéro matricule de l'agent auquel il a eu affaire. Il dit avoir remis l'argent de l'enregistrement et de l'assurance du camion à son amie et que, sans qu'il le sache, celle-ci avait annulé les deux documents à cause d'une dispute qu'ils avaient eue. Il affirme qu'on l'a accusé de ne posséder ni assurance ni enregistrement et qu'il n'a pas été accusé de conduite avec des facultés affaiblies ou de s'être livré à des voies de fait contre un agent.
En l'espèce, les preuves se contredisent considérablement. D'un côté, nous avons non pas la preuve de la gérante du bureau, ni même la preuve de l'employé de la Commission à qui la gérante du bureau a parlé, mais seulement une preuve par oui-dire multiple de ce que la gérante du bureau a dit à l'employé de la Commission, et encore sous la forme de notes prises par cet employé au cours de la conversation téléphonique. Selon ces notes, le prestataire nous est présenté comme un ivrogne titubant qui se livre à des voies de fait sur des agents de police et qui est trop ivre ou trop éméché pour se présenter au travail lorsqu'il le devrait. Même si le prestataire a présenté des certificats médicaux pour expliquer toutes ses absences du travail, à l'exception d'une seule, un certain "employeur", inconnu et informe, aurait prétendu douter de la légitimité de ces certificats, selon les notes d'un employé non identifié de la Commission qui a eu une conversation téléphonique, non avec l'employeur, mais avec sa gérante de bureau.
Le prestataire a, sous la seule foi de preuves de oui-dire multiple, été accusé d'être ivrogne, criminel, menteur et d'avoir participé frauduleusement à l'obtention de faux certificats médicaux. Personne ne s'est présenté devant le conseil pour porter ces accusations et pour se faire questionner par le prestataire à ce sujet. Mais elles ont été plutôt présentées par voie de notes d'une conversation téléphonique. On ne sait même pas si les explications avancées des absences du prestataire ont été données à la gérante du bureau directement ou si elles ont été données à quelqu'un d'autre qui les aurait répéter à la gérante du bureau après les avoir entendues de je ne sais qui.
Alors que le conseil a le droit d'entendre des preuves de oui-dire et des preuves dérivées qui seraient refusées devant le tribunal, il doit les examiner avec grande attention lorsqu'elles sont niées catégoriquement par le prestataire qui non seulement se présente en personne mais donne les noms du médecin qu'il a consulté le 18 mars, alors qu'on le prétendait en état d'ébriété, et de l'agent auquel il a eu affaire pour avoir prétendument conduit avec facultés affaiblies et contre lequel il se serait livré à des voies de fait.
Compte tenu que des éléments de la preuve du prestataire étaient vérifiables par la Commission et qu'ils étaient vérifiables parce que c'était le prestataire qui avait mis la Commission sur la piste quelques mois avant l'audition du conseil (pièce 9), je comprends difficilement que la Commission n'ait pas vérifié auprès du médecin si le prestataire l'avait consulté le 18 mars, et tout particulièrement auprès de l'agent de police nommé, si le 19 mars 1987 le prestataire avait en fait conduit avec facultés affaiblies ou s'il s'était livré contre lui à des voies de fait. Au lieu de vérifier la véracité de la défense du prestataire contre les accusations portées contre lui, la Commission a préféré faire la source oreille à ces déclarations et se fier totalement à celles, de deuxième et de troisième main, de l'employeur.
Il se peut bien qu'un coup de téléphone au médecin et à l'agent de police puisse confirmer que le prestataire était ivre ou éméché le 18 mars et qu'il conduisait avec facultés affaiblies et qu'il s'était livré à des voies de fait contre l'agent le 19 mars. Si tel était le cas, le prestataire perdrait à bon droit toute crédibilité et sans aucune hésitation je présumerais que tout conseil arbitral aurait rejeté son appel. En l'espèce, toutefois, on n'a jamais présenté les faits de cette façon au conseil et de plus celui-ci ne semble pas, à mon avis, s'être arrêté le moins du monde au risque que comportant les preuves par oui-dire.
Je n'ai pas à m'attarder à la possibilité d'écarter la décision du conseil au motif de l'état insatisfaisant des preuves et mes observations à ce sujet serviront au nouveau conseil qui étudiera la question.
Dans les cas d'inconduite, il incombe à la Commission d'établir l'existence de l'inconduite et d'établir le lien entre l'inconduite et la perte de l'emploi. À cet égard, il peut y avoir, et il y a souvent, des circonstances où un prestataire peut à bon droit être congédié à cause de son inconduite, mais cette même inconduite n'est pas nécessairement l'inconduite telle que l'entendent la Loi sur l'assurance-chômage et son Règlement. Par exemple, un moment d'inattention qui conduit à de lourdes pertes financières pour l'employeur pourrait être de l'inconduite et constituer un motif suffisant pour le renvoi de l'employé, mais ce ne serait pas, à mon avis tout au moins, de l'inconduite au sens de la Loi qui pourrait lui faire perdre son admissibilité aux prestations d'assurance-chômage.
Dans les cas d'inconduite, le conseil doit d'abord établir s'il y a eu inconduite et, s'il y a eu inconduite, exposer les faits qui la constituent. Le conseil doit alors pousser plus loin et juger si le prestataire a perdu son emploi à cause de cette inconduite. Parce que le conseil n'a pas suivi ces étapes en l'espèce, j'annule sa décision. J'ordonne que l'affaire soit renvoyée à un nouveau conseil arbitral pour examen. Je suggère également qu'avant la nouvelle audition, la Commission envisage de prendre quelques moyens pour vérifier la véracité ou la fausseté de la réponse du prestataire aux allégations portées contre lui, et s'il y a nouvelle audition, de faire venir l'employeur devant le conseil afin que celui-ci puisse entendre son témoignage direct, plutôt que des oui-dire, à propos des accusations portées contre le prestataire.
(Leonard A. Martin)
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
le 24 avril 1989