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  • CUB 17664

    LITIGE: Conflit collectif -

    Article 31(1) Loi

    APPELANT: Prestataire

    DÉCISION: Acceuilli

    PRESTATAIRE: Johanne AUBIN

    DÉCISION

    JOYAL, JUGE-ARBITRE:

    Le 10 juin 1987, un conseil arbitral confirmait une décision antérieure de la Commission de l'emploi et de l'immigration et décidait que la prestataire-appelante était inadmissible au bénéfice des prestations d'assurance-chômage parce qu'elle avait perdu son emploi du fait d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif chez son employer.

    Cet arrêt de travail était survenu à la Société "Loto-Québec" le 4 février 1987. Au cours des mois précédents, la prestataire avait été embauchée par l'employeur comme surnuméraire, c'est-à-dire, par contrat dont la durée était incertaine. En date du 9 septembre 1986, la prestataire avait été mise à pied en raison d'un manque de travail et suite à une demande à la Commission de l'emploi et de l'immigration, on lui donnait droit au bénéfice des prestations d'assurance-chômage.

    Comme en font foi les pièces 2, 3 et 4 dossier, cette mise-à-pied, comme d'autres d'ailleurs, était "sur appel", indiquant que l'employeur pouvait toujours avoir recours à la prestataire en autant que ses services étaient requis.

    Le 12 janvier 1987, l'employeur adressait à la prestataire la lettre suivante:

    "Il nous fait plaisir de confirmer votre renouvellement à titre surnuméraire à un poste de Représentante au Centre Opérationnel de Montréal-Est, au sein de Loto-Québec.

    Votre salaire et corps d'emploi demeureront inchangés, soit 20 274$ (classification 286-10, échelon 01). Vos services sont donc prolongés d'une période pouvant s'étendre dans un premier temps jusqu'au 16 janvier 1987 inclusivement. Ils seront également requis du 09 février 1987 au 27 mars 1987 inclusivement; nous nous réservons le droit, sur simple avis, de mettre fin à votre emploi en tout temps.

    N'hésitez pas à communiquer avec nous pour tout renseignement additionnel."

    On remarque que la prestataire devait être embauchée au cours de la période du 9 février 1987 au 27 mars 1987. La grève ayant éclatée le 4 février précédent, le contrat ne fut pas réalisé.

    Aux dires de la Commission, la prestataire avait effectivement perdu son emploi en raison de cette grève et, par conséquent, ne pouvait toucher des prestations à compter du 9 février, date à laquelle elle devait retourner au travail. Par la suite, le Conseil arbitral confirmait cette décision, indiquant dans ses motifs qu'il y avait engagement en raison de la lettre de l'employeur du 12 janvier 1987, qu'elle faisait partie du syndicat et lui versait ses cotisations et qu'elle avait été ré-embauchée par l'employeur à la fin de la grève pour trois jours en mai 1987 et deux jours en juin 1987. Le Conseil arbitral décidait qu'en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi, la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations.

    En appel devant le juge-arbitre, l'habile représentant de la prestataire s'est penché particulièrement sur l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Gionest et al c. Commission d'assurance-chômage, CUB 6801, A-787-81, dans lequel l'honorable juge Pratte dit ceci:

    "Le paragraphe 44(1) prononce l'inadmissibilité du prestataire "qui a perdu son emploi du fait d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif". On ne peut perdre ce qu'on ne possède pas. Une personne ne peut perdre SON emploi si elle n'a d'abord un emploi qu'elle perd subséquemment. Il est vrai que celui qui est sans emploi et qui perd une chance, une occasion d'être employé perd, en un certain sens, un emploi; mais il ne perd pas son emploi puisque cet emploi n'a jamais été le sien."

    Il faut admettre que cette doctrine énoncée par l'honorable juge Pratte est pertinente à la cause devant moi et compte tenu des conditions d'emploi de la prestataire dans la catégorie de surnuméraire, elle ne jouissait pas de son emploi à la date de la grève.

    La question se pose, cependant, à savoir si elle jouissait de son emploi le 9 janvier 1987. La savante avouée de la Commission a soulevé la lettre du 12 janvier 1987, à l'effet que la prestataire devait reprendre ses fonctions à compter du 9 février. Ceci constituait une offre d'emploi définitive que la prestataire aurait perdue en raison de la grève.

    Une lecture plus approfondie de cette lettre ne mène pas, à mon avis, à cette conclusion. Cette lettre, même si elle a l'apparence d'un engagement formel liant l'employeur, n'est rien de la sorte. Nous n'avons qu'à lire les termes particuliers où l'employeur se réserve "le droit, sur simple avis, de mettre fin à votre emploi en tout temps", pour constater que peu importe l'apparence, l'employeur ne s'engage à absolument rien. La seule conclusion qui s'impose est que la prestataire n'a pas perdu son emploi en raison de la grève. Elle n'y avait aucun droit et n'en a jamais joui.

    En l'occurrence, je dois adopter la jurisprudence établie dans l'arrêt Gionest, casser la décision arbitrale, accueillir l'appel de la prestataire et la rétablir dans ses droits.

    JUGE-ARBITRE

    le 1 mars 1991

    March 1, 1991

    2011-01-16