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  • CUB 18646

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par Ron GARDINER, le prestataire, à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Windsor (Ontario) le 21 mai 1988

    MOTIFS DE LA DÉCISION

    Le juge Muldoon

    Le prestataire demande l'annulation de la décision plutôt brève rendue à l'unanimité par les membres d'un conseil arbitral, qui ont confirmé la décision de l'agent de la Commission selon laquelle le montant de 12 500 $ que l'employeur a été condamné à verser au prestataire à la suite d'un jugement de la cour constituait une rémunération devant être répartie pour la période du 22 décembre 1985 au 13 avril 1986. Que l'on parle de jugement de la cour, de décision arbitrale ou, comme l'avocat du prestataire lorsqu'il fait référence au différend, de montant adjugé par la cour, cela n'a pas vraiment d'importance.

    Le prestataire a présenté une demande de prestations le 10 décembre 1985, dans laquelle il a déclaré qu'il avait quitté l'emploi qu'il occupait chez Kelsey-Hayes Canada Ltd. à titre de surveillant des opérations douanières et de la circulation le 5 décembre 1985 (pièce 2-1). Il a par la suite avisé la Commission qu'il n'avait pas quitté son emploi mais qu'on l'avait forcé à démissionner s'il ne voulait pas être renvoyé, et qu'il avait décidé de poursuivre l'entreprise pour l'avoir congédié injustement (pièce 4). Le 16 mars 1988, le prestataire a informé la Commission que son employeur lui avait versé 12 500 $ pour l'avoir congédié injustement en 1986. En discutant avec l'employeur, la Commission a appris que ce montant avait été versé sous la forme d'une décision arbitrale, payé pour la semaine commençant le 16 novembre 1986 (pièce 6). La Commission a réparti ce montant à partir du 8 décembre 1985 en fonction de la rémunération hebdomadaire normale du prestataire, et ce, jusqu'au 19 avril 1986, date à laquelle sa demande a pris fin. Le reste n'a donc pas été réparti (pièce 71).

    Dans un avis daté du 29 mars 1988 (pièce 8), le prestataire a été informé de la répartition du montant à titre de rémunération. La Commission lui a également fait parvenir un avis de trop-payé de 4 503 $ le 7 avril 1988 (pièce 9). Il a interjeté appel de cette décision devant un conseil arbitral, alléguant, dans une lettre datée du 21 avril 1988 (pièce 10), que ce montant lui avait été versé en guise d'indemnité de départ et qu'il ne devait donc pas être considéré comme une forme de rémunération.

    Dans les observations qu'elle a présentées au conseil, la Commission soutient que la somme versée au prestataire par l'employeur ne constituait pas une indemnité de départ mais qu'il s'agissait plutôt d'une décision arbitrale. Par conséquent, il s'agissait bel et bien d'une rémunération aux termes de l'alinéa 57(2)a) du Règlement, puisque les exceptions prévues aux alinéas 57(3)a) jusqu'à i) ne s'appliquaient pas en l'espèce; par ailleurs, le montant a bien été réparti, conformément à l'alinéa 58(5)b) et au paragraphe 58(10).

    Le prestataire n'a présenté aucun fait nouveau au conseil, qui en est venu à la conclusion suivante : (pièce 12)

    Le conseil arbitral tient pour avéré que le prestataire a touché une rémunération établie à 587,87 $ par semaine, et ce, pour les semaines allant du 22 décembre 1985 au 13 avril 1986. Cette rémunération découlait d'un jugement de la cour, qui a condamné l'employeur Kelsey Hayes à verser 12 500 $ au prestataire.

    L'appel est rejeté et la décision de l'agent de l'assurance-chômage est confirmée.

    [Traduction]

    Le prestataire a demandé un réexamen de cette décision, aux termes des alinéas 95b) et c). Il a fait valoir que le montant versé pour congédiement injustifié ne devrait pas être considéré comme une rémunération. Il a par ailleurs allégué que le conseil arbitral n'avait pas tenu compte de tous les éléments portés à sa connaissance pendant l'audience et qu'il avait agi de façon arbitraire (pièces 15-3 et 16-1). Il a fait appel à un avocat pour le représenter à l'audience. Celui-ci a présenté certains faits nouveaux, notamment l'expérience professionnelle antérieure du prestataire, qui comporte plusieurs longues périodes de chômage pendant lesquelles le prestataire n'a jamais touché de prestations, excepté à une occasion (c'est-à-dire la période faisant l'objet du présent appel). Il a également fait valoir qu'une fois tous les frais juridiques et les honoraires réglés, il ne restait plus que 8 000 $ sur le montant qui avait été accordé au prestataire, et que ce montant n'avait pas été versé à son client à titre de rémunération mais bien en guise d'indemnité de départ tenant lieu de préavis. De plus, il a fait valoir que le remboursement du trop-payé causerait de graves problèmes financiers au prestataire, au point où il se verrait dans l'obligation de déclarer faillite. Il a allégué que le conseil arbitral avait refusé de considérer le montant versé comme une indemnité de départ ne constituant pas une rémunération, selon l'alinéa 57(3)e) du Règlement, et demande que son client n'ait pas à rembourser le montant qu'on lui réclame.

    La Commission a joint deux décisions CUB au dossier : l'affaire Coates (CUB 14755), où le juge-arbitre a établi que la somme équivalant à six mois de salaire versée par l'employeur constituait une rémunération aux termes du paragraphe 57(2) du Règlement, et que ce montant devait être réparti aux termes de l'alinéa 58(5)b) du Règlement en fonction de la rémunération hebdomadaire normale du prestataire; l'affaire Heppelle (CUB 15233), où le juge-arbitre a établi que le montant versé en guise de compensation pour congédiement injustifié ou comme indemnité de départ constituait une rémunération devant être répartie aux termes du paragraphe 58(5).

    L'allégation de l'avocat selon laquelle le règlement devrait être considéré comme une indemnité de départ plutôt que comme une décision arbitrale n'est pas fondée, puisque les deux doivent être répartis à titre de rémunération en vertu des paragraphes 58(5) et 58(10) du Règlement. Dans ce cas-ci, même si le montant versé était considéré comme une indemnité de départ, il ne serait pas assujetti aux exemptions prévues au paragraphe 57(3), étant donné que pour y être assujetti, il aurait fallu que la période de prestations commence avant le 31 mars 1985 ou qu'il existe une convention collective ou une politique écrite avant le 31 décembre 1984.

    Il est clair, selon les décisions rendues dans les affaires Procureur général du Canada c. Walford, [1979] 1 C.F. 768 et Procureur général du Canada c. Tétreault, (1986) 69 N.R. 231, que les indemnités ou les dommages-intérêts versés à la suite d'un congédiement injustifié constituent une rémunération aux termes de l'alinéa 57(2)a) du Règlement et que ces montants doivent être répartis en vertu du paragraphe 58(5), que ce soit pour les semaines pour lesquelles ils ont été accordés ou pour la semaine où le prestataire a été congédié, à moins que le prestataire ne réussisse à prouver que la totalité ou une partie du montant n'a pas été versé en guise de compensation pour la perte de revenu. C'est au prestataire de s'acquitter du fardeau de la preuve, conformément à l'article 54 de la Loi.

    Il semble que le conseil arbitral a rendu sa décision en l'absence de preuves qui lui auraient permis de déterminer si le montant avait été versé en guise de compensation pour la perte de revenu ou non; or, comme je l'ai souligné plus haut, le conseil était en droit d'assumer qu'il s'agissait bel et bien d'une compensation de la sorte, à moins que le prestataire ne lui soumette des éléments de preuve permettant de démontrer le contraire. Ce point a été soulevé par le prestataire mais il ne l'a pas tiré au clair au cours de l'audience. Il incombait au prestataire de s'acquitter du fardeau de la preuve et de démontrer que le montant qu'il avait touché n'avait pas été versé en guise de compensation pour la perte de revenu.

    Le conseil arbitral n'a pas expliqué comment il en était venu à la conclusion que le montant reçu par le prestataire constituait une rémunération, sauf pour dire qu'il l'avait été à la suite d'un jugement de la cour. Il n'a cité aucun article de la Loi ou du Règlement, ni aucun cas de jurisprudence pour appuyer sa décision, bien que ses conclusions semblent correctes. Bien que la décision du conseil arbitral ne soit pas très bien justifiée, qu'elle ne soit pas expressive ni exhaustive et qu'elle ne laisse aucunement refléter l'opinion des membres, elle doit néanmoins être confirmée compte tenu de son résultat final.

    Il faut maintenant souligner qu'à l'audience, l'avocat de la Commission a confirmé que sa cliente avait réduit le trop-payé réclamé au prestataire de 552 $, le faisant ainsi passer de 4 503 $ (pièce 9) à 3 951 $. Il faut toutefois noter que, malgré cette réduction, la somme réclamée n'est pas négligeable pour une personnes aux revenus modestes, d'autant plus que le prestataire a connu des difficultés financières à la suite de problèmes conjugaux. Il semble que la Commission a déjà fait preuve de clémence envers le prestataire, comme elle était d'ailleurs en droit de le faire en vertu de l'article 60 du Règlement. Par conséquent, le prestataire ou son avocat devront fournir de plus amples détails à la Commission quant aux difficultés financières qu'il pourrait éprouver à la suite du rejet de sa demande d'annulation de la décision du conseil, qui est confirmé par la présente.

    F.C. Muldoon

    Juge-arbitre

    Ottawa (Ontario)
    Le 14 août 1990

    2011-01-16