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  • CUB 18965

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    WALTER B. RICHARDSON

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par le prestataire à l'encontre de la décision rendue par un conseil arbitral à Barrie (Ontario), le 29 mars 1990

    DÉCISION

    LE JUGE TEITELBAUM

    Le prestataire, Walter B. Richardson, porte en appel la décision unanime rendue par le conseil arbitral le 29 mars 1990 (pièces 20-1, 20-2).

    Cet appel devant un juge-arbitre est interjeté aux termes de l'article 80 de la Loi sur l'assurance-chômage, 1985 (la Loi). Le prestataire fonde son appel sur les alinéas 80a) et c).

    80. Toute décision ou ordonnance d'un conseil arbitral peut, de plein droit, être portée en appel de la manière prescrite, devant un juge-arbitre par la Commission, un prestataire, un employeur ou une association dont le prestataire ou l'employeur est membre, au motif que, selon le cas :

    a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;

    b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

    c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

    Le prestataire a informé la Commission qu'il souhaitait que son appel soit instruit sur la foi du dossier (pièce 23-5).

    Après avoir été informé que ses prestations de maladie avaient pris fin, le prestataire a rempli une demande de prestations d'assurance-chômage le 5 avril 1988. Une période renouvelée de prestations commençant le 3 avril 1988 a été établie à son profit (pièce 2).

    Le prestataire a travaillé pour Harts Upholstered Products (Harts) du 10 avril au 15 avril 1988. Il a déclaré avoir été engagé au départ pour une période d'essai de quelques semaines parce qu'il n'avait pas d'expérience dans le domaine (pièce 13). Le 15 avril 1988, il a quitté volontairement son emploi chez Harts parce qu'un aérosol utilisé au travail avait aggravé ses problèmes respiratoires et aussi parce que la Ville de York lui avait offert un meilleur poste, comme journalier occasionnel. Le prestataire a commencé à travailler pour la Ville de North York le 3 mai 1988.

    Le prestataire a omis d'indiquer sur sa carte de déclaration la somme de 176 $ que Harts lui avait versée pour sa semaine de travail. La Commission a déterminé le 8 août 1989 que le prestataire avait sciemment fait une fausse déclaration en ne déclarant pas sa rémunération. Par contre, le conseil arbitral, qui disposait de renseignements supplémentaires, a infirmé cette décision à son audience du 29 mars 1990 et a annulé une pénalité antérieure qui avait été imposée par la Commission. Le prestataire affirme qu'il a oublié par mégarde d'inscrire sa rémunération sur sa carte de déclaration. Toutefois, il ne conteste pas la répartition de la rémunération reçue pour la semaine du 10 au 17 avril 1988. Je n'ai donc pas à me prononcer sur cette question.

    L'appel porte sur l'exclusion de deux semaines imposée par la Commission aux termes des articles 28 et 30 de la Loi sur l'assurance-chômage. Ces articles prévoient l'imposition d'une période d'exclusion pouvant atteindre six semaines au prestataire qui quitte volontairement son emploi sans justification. La Commission avait au départ exclu le prestataire du bénéfice des prestations durant six semaines, mais elle a réduit l'exclusion à deux semaines le 6 décembre 1989 lorsque le prestataire lui a dit avoir quitté Harts parce qu'il avait obtenu un poste à la Ville de North York (pièces 11, 12).

    Le prestataire a appelé de la décision de la Commission devant un conseil arbitral. L'avis d'audience devant le conseil a été envoyé au prestataire le 15 mars 1990. Le conseil a tenu son audience le 29 mars 1990, et une copie de sa décision a été transmise au prestataire le 30 mars 1990. Le prestataire a assisté à l'audience et a eu l'occasion de défendre sa cause.

    Durant l'audience devant le conseil, le prestataire a produit une lettre de son médecin et des rapports médicaux pour confirmer ses problèmes respiratoires (pièces 19-1 à 19-4). La lettre du Dr Williams, datée du 29 mars 1990, indique que M. Richardson souffre d'asthme doublé d'une infection et que le genre de travaux physiques qu'il doit effectuer au travail aggrave son état. En février 1988, M. Richardson, qui avait le souffle court et respirait péniblement, s'est présenté à la clinique médicale Oriole où on lui a prescrit un broncho-dilatateur qu'il devait utiliser régulièrement. Les résultats de la radiographie pulmonaire et de l'exploration fonctionnelle respiratoire subies en février et mars 1988 ne signalaient rien d'anormal. Cependant, M. Richardson a continué de souffrir de problèmes respiratoires, qui se sont aggravés lorsqu'il a essayé de reprendre le travail.

    Le conseil a confirmé la décision de la Commission de répartir la rémunération reçue pour la semaine du 10 au 17 avril 1988, mais a annulé la pénalité infligée aux termes de l'article 33 de la Loi. Le conseil a également entériné l'exclusion de deux semaines imposée par la Commission. Voici ce qu'il a conclu :

    La preuve médicale fournie (pièces 19-1 à 4) et la lettre du prestataire datée du 22 septembre 1989 (pièce 11) ne corroborent pas la déclaration du prestataire voulant qu'il ait quitté son emploi chez Harts Upholstered Products pour des raisons de santé. Par conséquent, c'est à bon droit qu'il a été exclu du bénéfice des prestations durant deux semaines.

    [Traduction]

    Le prestataire a interjeté appel de la décision du conseil relativement à l'exclusion de deux semaines. Il déclare dans son argumentation que le conseil a rejeté sa preuve médicale du revers de la main comme si elle n'avait aucune valeur (pièce 23-3).

    Les faits

    J'estime que le conseil a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Si le conseil a fait référence à une courte note rédigée par M. Richardson (pièce 11), il n'a pas fait mention d'une lettre plus longue et plus détaillée dans laquelle M. Richardson donne les raisons qui l'ont amené à quitter son emploi chez Harts (pièce 13). (Aucune de ces lettres n'est datée.) Voici un extrait de la plus courte de ces notes (pièce 11) :

    J'ai quitté Harts Upholstered Products quand la Ville de North York m'a offert un meilleur emploi comme journalier occasionnel. J'ai commencé ce travail aux environs du 3 mai 1988.

    [Traduction]

    C'est sur cette note que le conseil s'est fondé pour conclure que les présentations écrites du prestataire ne corroboraient pas sa prétention voulant qu'il ait quitté son emploi pour des raisons de santé. Le conseil arbitral n'a pas fait état dans sa décision de la deuxième lettre du prestataire (pièce 13), qui est plus détaillée et dans laquelle il déclare ce qui suit :

    J'ai quitté cet emploi parce que la mousse en vaporisateur que je respirais aggravait mes problèmes respiratoires et parce que j'avais reçu une offre d'emploi de la Ville de North York.

    [Traduction]

    J'estime que la preuve médicale versée aux pièces 19-1 à 19-4 est suffisante pour établir que le prestataire a quitté l'emploi qu'il occupait chez Harts pour des raisons de santé. La lettre du Dr Williams révèle la présence de problèmes respiratoires permanents suffisamment graves pour que, deux mois avant que M. Richardson ne quitte son emploi, on lui prescrive l'utilisation régulière d'un broncho-dilatateur.

    J'estime que le prestataire a quitté son emploi chez Harts pour deux raisons : ses problèmes respiratoires, que les conditions de travail chez Harts aggravaient, et l'offre d'emploi reçue de la Ville de North York.

    La jurisprudence sur la question de la justification

    Malheureusement, les deux seules décisions faisant jurisprudence (CUB 6667 et CUB 2303) que la Commission a invoquées devant le conseil arbitral sur la question de la justification du départ volontaire traitent de situations très différentes de celle de M. Richardson. La décision CUB 6667 porte sur le cas d'un prestataire qui a quitté son emploi pour passer deux semaines avec ses enfants, et le CUB 2303 traite d'un prestataire qui a démissionné pour trouver un emploi qui lui permettrait d'utiliser les connaissances acquises dans le cadre de son baccalauréat en sciences.

    Comme la Commission l'indique dans les observations qu'elle a adressées au juge-arbitre, le critère à appliquer pour déterminer s'il y a justification est énoncé dans l'affaire Tanguay c. Commission d'assurance-chômage (A-1458-84, 2 octobre 1985) 68 N.R. 154. Le juge Denault, qui faisait office de juge-arbitre dans cette affaire, a déclaré que le mot « justification » dans le paragraphe 41(1) [maintenant le paragraphe 28(1)] de la Loi sur l'assurance-chômage n'est pas synonyme de « raison » ou de « motif ». L'employé qui quitte volontairement son emploi

    n'est justifié d'avoir agi ainsi que s'il existait, au moment où il a quitté, des circonstances qui l'excusent d'avoir ainsi pris le risque de faire supporter par d'autres le fardeau de son chômage.

    [Traduction]

    Une personne est fondée à quitter son emploi si elle est assurée d'obtenir un emploi ailleurs (CUB 14702A par exemple). Dans le cas qui nous occupe, M. Richardson avait l'assurance de pouvoir travailler pour la Ville de North York à compter du 3 mai. La seule question qu'il me faut trancher est si les problèmes de santé du prestataire justifiaient qu'il quitte son emploi chez Harts deux semaines avant de commencer à travailler pour la Ville de North York.

    C'est au prestataire de démontrer qu'il était fondé à quitter volontairement son emploi (CUB 11644, au dossier, CUB 11045). La jurisprudence fait état de trois critères qui permettent de déterminer si le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi lorsque les conditions de travail nuisent à sa santé (voir par exemple le CUB 15309) :

    1) La preuve médicale que le problème de santé a été aggravé ou causé par les conditions de travail (p. ex. CUB 14805). Habituellement, le problème de santé invoqué doit être précis (p. ex. un ulcère [CUB 14805], des allergies [CUB 11721] ou de l'emphysème [CUB 17907]) au lieu d'être lié au stress en général.

    2) Une tentative de régler le problème en en discutant avec l'employeur (p. ex. CUB 11045).

    3) Une tentative de trouver un autre emploi avant de quitter l'emploi occupé (p. ex. CUB 14702A).

    M. Richardson satisfait au troisième de ces critères : il avait déjà trouvé un autre emploi. Il ne satisfait pas au deuxième critère : il n'a pas discuté de ses problèmes de santé avec son employeur chez Harts, mais cela était-peut être compréhensible étant donné qu'il avait déjà trouvé un autre emploi.

    Le genre de preuve médicale dont on a besoin pour établir que le prestataire était fondé à quitter son emploi dépend des faits et des circonstances de l'affaire (CUB 14805). Par exemple, dans le CUB 14805, on a jugé que la prestataire était fondée à quitter son emploi même si elle n'avait pas fourni au départ un certificat médical, parce qu'elle savait que le mauvais caractère de son patron aggravait son ulcère et qu'elle prenait déjà des médicaments pour soulager ses douleurs. Dans le cas qui nous intéresse, les problèmes respiratoires de M. Richardson avaient déjà été diagnostiqués en février 1988, et le prestataire prenait régulièrement un broncho-dilatateur depuis février 1988. Je constate que la lettre du médecin de M. Richardson (pièce 19-1) ne relie pas spécifiquement les problèmes respiratoires du prestataire à l'inhalation d'une mousse en vaporisateur. Cependant, le Dr Williams écrit ce qui suit :

    L'asthme [de M. Richardson] doublé d'une infection l'a forcé à s'absenter du travail à l'occasion, surtout que les efforts physiques aggravent son état [...]

    [Traduction]

    Plutôt que de le pénaliser, il faudrait féliciter M. Richardson pour « avoir essayé » de faire un travail même si cela a eu rapidement des effets néfastes sur sa santé (voir par exemple le CUB 17907).

    Pour toutes ces raisons, j'annule la décision de la Commission de déclarer le prestataire inadmissible au bénéfice des prestations pendant deux semaines parce qu'elle estimait qu'il avait quitté son emploi sans justification.

    « MAX M. TEITELBAUM »

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA
    Le 27 novembre 1990.

    2011-01-16