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  • CUB 19724

    TRADUCTION

    EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT À une demande par
    Shelley C. CAMPBELL

    - et -

    RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
    la prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
    rendue à Oshawa, Ontario, le 7 décembre 1989.

    DÉCISION

    MacKay, J.

    J'ai entendu cet appel interjeté par la prestataire de la décision unanime du conseil arbitral, à Toronto, le 27 février 1991. Le conseil a confirmé la décision de la Commission portant que la prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite, mais il a réduit de cinq à trois semaines, compte tenu de circonstances atténuantes, l'exclusion imposée par la Commission aux termes de l'article 30 de la Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. 1985, ch. U-1.

    La prestataire a été congédiée de son emploi d'agente de sécurité pour les Commissaires du havre de Toronto le 29 août 1989. Dans la demande de prestations qu'elle a présentée le 1er septembre 1989, la prestataire explique comme suit son congédiement :

    J'ai été congédiée de mon emploi après avoir été avisée d'une infraction parce que je n'avais pas signé pour accuser réception de notes de service et d'ordres quotidiens de l'entreprise.
    L'infraction était pour insubordination et désobéissance à un ordre légitime. Il m'a été signalé trois infractions. La troisième a entraîné la fin de mon emploi.
    J'ai formulé un grief à l'égard de chaque infraction par l'entremise du président de mon syndicat. Ils n'ont pas encore été entendus. Il a été mis fin à mon emploi le 29 août 1989.

    Une note, rédigée par un agent qui a reçu la prestataire en entrevue peu après le jour de la présentation de sa demande, fait mention de sa déclaration selon laquelle elle avait été congédiée injustement et avait communiqué avec son syndicat.

    La Commission a communiqué avec l'employeur et son directeur de la sécurité a fait savoir qu'elle avait été congédiée pour avoir refusé de signer, comme le lui demandaient ses supérieurs, des notes de service concernant les procédures que les agents de sécurité devaient suivre. L'employeur estimait nécessaire que les agents de sécurité signent les notes de services concernant les procédures à suivre pour en accuser réception. L'employeur avait épuisé les diverses mesures disciplinaires allant de l'avertissement oral à l'avertissement écrit, à la suspension et, finalement, au congédiement.

    À la lumière des renseignements obtenus, la Commission a avisé la prestataire qu'elle estimait qu'elle avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite et qu'elle était exclue du bénéfice des prestations pour cinq semaines. La décision était fondée sur les paragraphes 28(1) et 30(1) de la Loi sur l'assurance-chômage, qui se lisait comme suit à tous les moments pertinents :

    28.(1) Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations versées en vertu de la présente partie s'il perd son emploi en raison de sa propre inconduite ou s'il quitte volontairement son emploi sans justification.
    30.(1) Lorsqu'un prestataire est exclu du bénéfice des prestations en vertu des articles 27 ou 28, il l'est pour un nombre de semaines qui suivent le délai de carence et pour lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations. Ces semaines sont déterminées par la Commission et leur nombre ne peut dépasser six.

    Il n'y a aucun doute qu'en l'espèce, la prestataire a perdu son emploi en raison d'une conduite que son superviseur a qualifiée, dans des avis écrits d'infraction, d'insubordination et de désobéissance à un ordre légitime. Il a été décidé dans des affaires antérieures que le refus délibéré d'obéir à une directive raisonnable d'un employeur constituait une inconduite au sens de l'article 28 de la Loi (voir Procureur général du Canada c. Bedell, no du greffe A-1716-83, le 3 juin 1986, (C.A.F.) et CUB 17780 (PIRES). La présumée inconduite n'entraîne pas toujours le congédiement et, dans un tel cas, il ne s'agit pas d'inconduite au sens de l'article 28 de la Loi (voir la décision rendue par le juge Martin, en qualité de juge-arbitre, dans l'affaire CUB 16547 (RENOWDEN)).

    En l'espèce, la prestataire travaillait depuis deux ans à titre d'agente de sécurité lorsqu'elle et d'autres ont reçu une note de service leur demandant de remplir un rapport de poste chaque jour et précisant que si l'on omettait sans raison suffisante de le faire à la fin d'un poste, une mesure disciplinaire serait prise. Il était demandé aux destinataires de [TRADUCTION] «signer la présente note de service dans l'espace prévue pour indiquer que vous en avez pris connaissance». Il a été soutenu par son représentant, avant l'audience du conseil arbitral et, apparamment, à cette dernière, que c'était là la première fois qu'il était demandé aux employés de signer pour accuser réception de documents et, dans ce cas, la note se rapportait à des formulaires dont on manquait depuis quelques jours malgré les demandes faites à la direction d'en fournir. La prestataire n'a pas signé cette note de service comme il était demandé, bien qu'elle ait inscrit l'avoir reçue et lue dans un cahier qu'elle tenait et qui était à la disposition de l'employeur. Trois jours plus tard, une autre note de service concernant les rapports de poste a été diffusée; elle indiquait où des exemplaires du formulaire de rapport pouvaient être obtenus, précisait qu'une mesure disciplinaire serait prise si un rapport n'était pas rempli à la fin du poste et demandait de nouveau aux destinataires de signer cette deuxième note de service. Encore une fois, la prestataire n'a pas signé la note de service mais a inscrit l'avoir reçue et lue dans son cahier. Le 19 juillet, une autre note de service concernant les rapports de poste a été diffusée pour demander que la deuxième note de service soit signée sans délai, sinon l'omission de le faire serait considérée comme une désobéissance à un ordre légitime, qui pourrait entraîner une mesure disciplinaire. Le 31 juillet, un avis d'infraction a été donné à la prestataire pour insubordination et désobéissance à un ordre légitime parce qu'elle n'avait pas signé la deuxième note de service concernant les rapports de poste. Au reçu de cet avis, la plaignante a formulé un grief auprès de son syndicat. Un deuxième avis d'infraction a été donné à la prestataire le 18 août pour le même motif, soit l'omission de signer un ordre quotidien. Elle a été suspendue sans solde pour un jour et a de nouveau formulé un grief auprès de son syndicat conformément à la convention collective applicable. Comme auparavant, elle avait noté la réception de l'ordre et les demandes de son superviseur d'y apposer sa signature. Elle a également ajouté à son rapport de poste du 18 août mention de la directive de son superviseur de signer l'ordre. Par la suite, la prestataire a de nouveau refusé de signer un ordre quotidien et, cette dernière fois, il a été mis fin à son emploi, apparemment après qu'on lui eut donné un troisième avis d'infraction. Au reçu de chaque avis d'infraction, la prestataire a formulé un grief auprès de son syndicat. Aucun des griefs n'avait été entendu, conformément à la convention collective, avant la cessation d'emploi, ou au moment où le conseil arbitral a examiné l'affaire.

    À l'audience du juge-arbitre, le représentant syndical qui a comparu pour le compte de la prestataire a soutenu que la série de notes de service et d'avertissements à la prestataire témoignait en réalité de la pression exercée dans une situation où les relations entre la direction et les salariés étaient moins qu'idéales. La prestataire était une des employées les plus anciennes dans une unité de négociation de 18 membres qui avait connu un taux de roulement de près de 100 p. 100 au cours de ses deux années d'emploi. Après qu'il eut été mis fin à l'emploi de la prestataire et d'une autre personne, le superviseur du personnel de l'unité avait été muté. En outre, le représentant a insisté sur le fait que le véritable critère d'inconduite était si l'acte de l'employée influait ou non de façon importante sur sa capacité de s'acquitter de ses responsabilités ou sur la discipline générale dont se souciait l'employeur. En l'espèce, le simple refus de signer les notes de service avait entraîné de très sévères pénalités, même si l'employeur savait que la prestataire avait reçu et lu les documents dont il s'agissait. Lorsque cette affaire est finalement parvenue à l'arbitrage en juin 1990, l'employeur et le syndicat ont convenu de la régler en retirant les infractions signalées à la prestataire et en permettant à cette dernière à titre de plaignante de présenter une lettre de démission, à condition que l'employeur, si un employeur éventuel communiquait avec lui, se limite à dire que la prestataire avait bien travaillé pour lui et avait mis fin elle-même à son emploi pour accepter du travail ailleurs et, enfin, en versant une somme à la prestataire à titre de plaignante en contrepartie du retrait de ses griefs.

    Ces faits, surtout le règlement des griefs de la prestataire contre l'employeur, n'étaient évidemment pas connus du conseil arbitral puisqu'ils concernent des événements qui sont survenus ultérieurement. L'avocat de la Commission a demandé qu'il n'en soit pas tenu compte dans l'examen de la décision du conseil. Bien que j'accorde que, normalement, les événements survenus après qu'un conseil arbitral a rendu sa décision ne sont pas pertinents en cas d'appel de cette dernière, l'article 86 de la Loi prévoit ce qui suit :

    86. La Commission, un conseil arbitral ou le juge-arbitre peut annuler ou modifier toute décision relative à une demande particulière de prestations si on lui présente des faits nouveaux ou si, selon sa conviction, la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait.

    À mon avis, en l'espèce, l'article 86 permet au juge-arbitre de tenir compte de faits qui n'ont été connus qu'après que le conseil arbitral eut rendu sa décision, et qui sont particulièrement pertinents à la question de l'inconduite à laquelle a conclue la Commission à la lumière des décisions de l'employeur. On se rappellera que depuis la cessation de son emploi, la prestataire a jugé que son congédiement était injuste. On se rappellera également qu'elle a formulé un grief à l'égard de chacune des trois infractions signalées pour ce que l'employeur considérait comme de l'inconduite et que ses griefs n'avaient pas été réglés lorsque le conseil a examiné l'affaire. Bien qu'il soit vrai que diverses raisons puissent finalement mener au règlement d'une affaire, il est maintenant clair que les décisions de l'employeur concernant la présumée inconduite de la prestataire ont été annulées ainsi que les infractions. Donc, en l'espèce, il ne peut maintenant être dit, au moment de l'audience du juge-arbitre, que l'employeur a perçu de l'inconduite de la part de la prestataire. Dans les circonstances, il ne serait pas juste de confirmer une décision de la Commission portant que la prestataire a été congédiée en raison de son inconduite.

    En conclusion, compte tenu de ces nouveaux faits, qui se rapportent à la principale question en litige, je conclus que l'appel de la prestataire devrait être accueilli. Cette affaire devrait être renvoyée à la Commission pour qu'elle examine de nouveau la situation de la prestataire en tenant compte du fait que la décision portant qu'elle était inadmissible en raison d'inconduite est annulée.

    W. Andrew MacKay

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario
    le 1er mai 1991

    2011-01-16