CUB 20249
«TRADUCTION»
LITIGE: Répartition de la Rémunération
Article 58(3) Règlement
APPELANT: Prestataire
DÉCISION: Accueilli
PRESTATAIRE: William H. JUBY
DÉCISION
MULDOON, J., JUGE-ARBITRE:
Le prestataire a travaillé comme chargé de cours au Malaspina College du 1er février 1987 au 31 mai 1987, date à laquelle son contrat de travail s'est terminé. Il a formulé une demande de prestations le 1er juin 1987 et une période a été établie à son profit à partir du 31 mai 1987 (pièce 2). D'une vérification de la demande faite le 19 décembre 1988 et de renseignements concernant la rémunération obtenus du Malaspina College (pièce 4), il est ressorti que le prestataire avait eu une rémunération brute de 68,07 $ pour la semaine commençant le 27 décembre 1987 et de 340,35 $ pour celle commençant le 3 janvier 1988. Une demande de renseignements a été adressée au prestataire le 2 février 1989 (pièce 5), mais ce dernier n'y a pas répondu.
La rémunération signalée par l'employeur du prestataire pour les semaines du 27 décembre 1987 et du 3 janvier 1988 a été répartie comme telle conformément aux articles 57 et 58 du Règlement (pièce 1) et un trop-payé de 270 $ a été établi (pièce 8). En outre, la Commission a jugé que le prestataire avait fait une déclaration fausse ou trompeuse relativement à sa demande de prestations et une pénalité de 135 $ lui a été infligée en vertu de l'article 47 [maintenant l'article 33] de la Loi. Le prestataire a été informé de la décision de la Commission le 5 avril 1989 (pièces 6 et 7). Après plus ample examen des renseignements au dossier, la Commission a décidé que le prestataire n'avait pas en réalité fait sciemment de fausse déclaration et la pénalité a été annulée (pièce 12-1).
Le prestataire a interjeté appel devant un conseil arbitral de la décision relative à la répartition, le 24 avril 1989 (pièce 9). Le prestataire a assisté à l'audience tenue par le conseil arbitral le 29 juin 1989 et a plaidé lui-même sa cause. Le conseil arbitral a confirmé à l'unanimité la décision de la Commission et a rejeté l'appel du prestataire (pièce 20).
Le conseil a exprimé de la sympathie pour le prestataire, mais il a conclu que ce dernier avait été embauché en vertu d'un contrat à partir du 1er janvier 1988 et, même s'il n'était pas entré en fonctions avant le 13 janvier 1988, la rémunération devait être répartie à partir de la date de début du contrat. Le conseil a également souligné que même si l'employeur avait établi un nouveau contrat portant la date réelle du début de l'emploi (pièces 17 et 18), qu'a présenté le prestataire à l'audience, on ne pouvait changer rétroactivement la date à partir de laquelle ce dernier a été payé.
Le prestataire a demandé une révision par le juge-arbitre en vertu des alinéas 95 b) et c) [maintenant 80 b) et c)] de la Loi. Dans l'annexe de son avis d'appel, le prestataire affirme que les lettres révisées de nomination (pièces 17 et 18) provenant de l'employeur reflètent avec exactitude l'esprit de la convention collective entre le Malaspina College Faculty Association (dont le prestataire est membre) et le collège en ce qui concerne ce genre de contrat individuel de travail (pièces 9-1 et 10-3). En outre, ce même fait a été reconnu par la décision d'un autre conseil arbitral dans l'affaire Alan WADE (pièce 9). Le numéro de l'affaire Wade est VI-339R et la décision du conseil arbitral est datée du 15 juin 1989, soit de deux semaines avant celle qui est attaquée en l'espèce et qui figure à la pièce 20. Ainsi, le prestataire soutient qu'en l'espèce, le conseil arbitral a commis une erreur de fait et de droit en concluant que le contrat individuel de travail qui existait entre lui et le collège était contraire au but et au sens des dispositions pertinentes de la convention collective. Il soutient que la rémunération doit être répartie conformément au paragraphe 58(3) du Règlement :
«La rémunération payable à un prestataire en échange de ses services doit être répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis.»
La Commission soutient qu'à partir du 1er janvier 1988, le prestataire a été nommé à la fois à un poste 2/5 et à un poste 1/5 à titre de chargé de cours au prorata. La Commission s'attache à des dates plutôt qu'à des réalités. Le salaire versé toutes les deux semaines pour ces affectations était de 453,80 $ et 226,90 $ (pièces 9-2, 9-3 et 9-4). Ces sommes ont été comptées comme une rémunération conformément à l'alinéa 57(2)a) du Règlement et réparties à bon droit conformément au paragraphe 58(4) du Règlement, qui dispose :
«La rémunération payable à un prestataire aux termes d'un contrat de travail, sans que soient fournis des services, ou la somme payable par un employeur à un prestataire pour qu'il revienne au travail ou qu'il accepte un emploi, doit être répartie sur la période pour laquelle elle est payable.»
Selon le paragraphe B.2.2.1 de la convention collective, «il est normalement offert au professeur temporaire au prorata une nomination de cinq mois au cours d'un semestre ...» (pièce 25-2). Une période de cinq mois se terminant le 31 mai commence le 1er janvier 1988. L'employeur a retenu des cotisations de chômage à partir du 1er janvier 1988 (pièce 15).
On semble avoir appliqué le sens littéral des articles 57 et 58 du Règlement dans l'arrêt P.G. du Canada c. Sepinwall (C.A.F., A-961-87) et les décisions Dohle, CUB 11754, et Mulder, CUB 15653.
Toutefois, la décision CUB 14461, confirmée en appel (P.G. du Canada c. Morgan, A-1200-87) soutient que le principe directeur est quand l'emploi du prestataire a commencé, non pas les dates de commencement et de fin que, par souci de commodité administrative, l'employeur fixe arbitrairement. La Cour d'appel fédérale a distingué l'espèce de l'affaire Sepinwall : «Aucun élément de preuve en l'espèce n'établit, comme il a été conclu dans cette affaire, que le présent requérant [Morgan] a reçu un salaire à l'égard d'une période quelconque avant la date à laquelle il a effectivement commencé à travailler ...»
Dans l'affaire McLachlan, CUB 17525, dont les faits différaient légèrement, mais où la question en litige était semblable, le juge-arbitre a estimé que la rémunération du prestataire avait à tort été attribuée à la période allant du 1er au 15 septembre. Dans cette affaire, le contrat visait la période du 1er septembre au 30 avril, mais le prestataire avait plutôt travaillé du 15 septembre au 15 mai. Il a conclu que le paragraphe 58(4) du Règlement ne s'appliquait pas parce que des services avaient été fournis. En fait, des services avaient été fournis pendant la période de deux semaines du 1er au 15 mai plutôt que de celle du 1er au 15 septembre. Il a accueilli l'appel.
Dans les deux affaires Wade et Edmondson (affaire no VIN 226, décision du conseil arbitral datée du 25 janvier 1990) étaient en cause la même convention collective et le même paragraphe qu'en l'espèce. Dans ces deux affaires, le conseil arbitral a examiné le paragraphe B.2.2.1 de la convention des professeurs, et a conclu qu'il ne s'agissait pas de nominations «normales», de sorte que les dates de nomination des prestataires, telles qu'elles avaient été modifiées rétroactivement, ont été reconnues comme les bonnes dates d'entrée en fonctions. Les appels des prestataires ont été accueillis et les sommes réparties conformément au paragraphe 58(3) du Règlement.
La question à trancher est donc celle de savoir s'il existe des éléments de preuve du versement au prestataire d'un salaire à l'égard d'une période antérieure à la date où il a commencé à travailler. Il y a un aspect de l'affaire McLachlan, CUB 17525, qui ne s'applique nullement à la situation qui nous occupe puisque le prestataire en l'espèce n'a pas fait deux semaines supplémentaires à la fin de son contrat; la date de la fin du contrat est demeurée la même : 31 mai 1988 (pièces 9-2, 9-3 et 17). Il semble, d'après le relevé d'emploi du prestataire (pièce 3), qu'il a été payé pour 19 semaines d'emploi. Il semble que, comme dans l'affaire Morgan, précitée, le prestataire n'a reçu aucun salaire à l'égard d'une période antérieure à la date à laquelle il a commencé à travailler. Même si, à première vue, le contrat initial mentionnait qu'il visait la période du 1er janvier 1988 au 31 mai 1988, les éléments de preuve présentés à la Commission et au conseil arbitral précisent clairement que le prestataire a travaillé 19 semaines, non pas 21.
Voilà que la Commission revient à son ancienne mauvaise habitude de ne pas présenter au conseil arbitral une jurisprudence complète et équilibrée. En l'espèce, les observations de la Commission et des observations supplémentaires au conseil arbitral sont datées respectivement des 10 et 31 mai 1989. La Commission aurait alors pu examiner s'il y avait lieu d'appliquer et, dans la négative, communiquer au conseil arbitral la décision du juge Cullen dans l'affaire Morgan, CUB 14461, datée du 20 novembre 1987, et le jugement unanime rendu par le juge Mahoney, au nom de la Cour d'appel fédérale (confirmant la décision du juge-arbitre Cullen), dans l'affaire Procureur général du Canada c. Morgan, [1989] 1 C.F. D-12, [1989] 98 N.R. 92, rendu le 5 octobre 1988.
Ce n'est pas la première fois que les juges-arbitres font des observations défavorables sur l'habitude apparente de la C.E.I.C. de négliger ou d'omettre délibérément de fournir de la jurisprudence au conseil arbitral. En voici un échantillon : du juge Décary, CUB 5156; du juge Rouleau, CUB 12248; du juge Reed, CUB 13820 et CUB 17899; du juge Muldoon, CUB 14196A et CUB 15840; du juge Strayer, CUB 15816. Est-ce que c'est parce que la Commission croit que les pauvres membres des conseils arbitraux seront confondus de voir de la jurisprudence favorable à un prestataire?
En l'espèce, voici d'autres décisions et de plus récentes qui sont favorables au prestataire : Gwennyth McLachlan, CUB 17525, et la deuxième décision, renforcée, rendue dans l'affaire John G. Morgan, CUB 14461A.
Au cas où la Commission ne serait pas encore tout à fait convaincue, voici le texte intégral des motifs de jugement du juge Mahoney dans l'affaire Procureur général du Canada c. Morgan :
Dans une lettre en date du 18 septembre 1985 qui a été délivrée le 24 septembre, l'Université de Calgary a préposé l'intimé chargé de cours à temps partiel pour la période du 1er septembre au 31 décembre 1985, à un salaire de 4 260 $. L'intimé, qui recevait des prestations d'assurance-chômage à l'époque, n'a effectivement commencé à travailler que le 17 septembre. Le litige en l'espèce concerne l'allocation de 245,80 $ reçue au cours de chacune des deux semaines commençant le 1er septembre et le 8 septembre, ainsi que la demande concomittante de remboursement des prestations au montant de 370 $ qui lui ont été payées relativement à ces deux semaines.
La décision de la Commission était fondée sur la prémisse suivante : «Comme votre contrat commençait le 1er septembre 1985, vos revenus doivent vous être attribués à partir de cette date.» Le conseil arbitral considérait que la définition donnée au mot «emploi» par le paragraphe 57(1) du Règlement sur l'assurance-chômage commandait un tel résultat. Ce point de vue était clairement erroné. Cette définition dit ce qu'est un emploi : elle ne dit pas quand un emploi est censé avoir commencé ou s'être terminé. Ces questions sont de pures questions de fait. Le conseil a rejeté l'appel sans trancher la question de savoir quand l'emploi de l'intimé avait effectivement commencé.
La présente espèce doit être distinguée sous au moins un aspect factuel important de celle qui a été examinée par une autre formation de cette Cour dans l'affaire P.G. du Canada c. Sepinwall, dossier A-961-87. Aucun élément de preuve en l'espèce n'établit, comme il a été conclu dans cette affaire, que le présent requérant a reçu un salaire à l'égard d'une période quelconque avant la date à laquelle il a effectivement commencé à travailler, soit le 17 septembre.
Le juge-arbitre était habilité par l'article 96 de la Loi à «trancher toute question ... de fait pour statuer sur un appel ...» Il avait parfaitement le droit de décider sur le fondement de la preuve que l'intimé n'avait pas exercé d'emploi au cours des semaines commençant le 1er et le 8 septembre. Ce faisant, il n'a pas commis d'erreur ou excédé sa compétence. Aucune erreur susceptible de révision en vertu de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale n'a été établie. La demande fondée sur l'art. 28 en l'espèce sera donc rejetée.
Qu'il en soit ainsi en l'espèce.
En conséquence, en l'espèce, le conseil arbitral a commis une erreur en décidant que le paragraphe 58(4) du Règlement sur l'assurance-chômage s'appliquait. En l'espèce, il était un fait que des services ont été fournis entre le 13 janvier 1988 et le 31 mai 1988. Malgré le libellé du contrat initial, le prestataire n'a pas fourni de services du 1er au 13 janvier et il n'a reçu aucun salaire à l'égard de cette période.
Pour les motifs précités, la décision du conseil arbitral est infirmée. L'appel du prestataire est accueilli et la décision de l'agent d'assurance est annulée, ce qui aurait dû être le résultat de la décision du conseil arbitral.
JUGE-ARBITRE
le 19 août 1991
2011-01-16