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    CUB 20316

    EN VERTU de la LOI DE 1971 SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    - et -

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par

    JACQUELINE TÉTREAULT

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par le

    prestataire de la décision d'un conseil arbitral rendue le 21 avril 1989,

    à Montréal, province de Québec

    DÉCISION

    LE JUGE ROULEAU

    La prestataire en appelle de la décision majoritaire du Conseil arbitral qui a maintenu celle de l'agent de la Commission à l'effet qu'elle n'était pas admissible aux prestations à compter du 5 mars 1989 étant donné qu'elle n'était disponible à travailler qu'à temps partiel, soit 3 jours par semaine. Cette inadmissibilité a été décidée après un délai de 5 mois de chômage et cela sans en avoir averti la prestataire au préalable. C'est d'ailleurs sur cette question particulière "d'avertissement" que la prestataire en appelle devant le juge-arbitre.

    La prestataire a déposé une demande de prestations le 15 septembre 1988; elle avait travaillé comme commis de bureau à temps partiel et fut mise à pied à cause d'un manque de travail. Il est à noter que les antécédents de travail de la prestataire sont depuis les sept dernières années à temps partiel exclusivement. La raison invoquée pour justifier ce type d'emploi à temps partiel est la santé délicate de la prestataire. Cette explication a été donnée lors d'une entrevue avec la Commission le 16 février 1989. C'est donc à la suite de ladite entrevue que la prestataire a été déclarée inadmissible aux prestations d'assurance-chômage. A cet effet, il s'avère intéressant de souligner que lors de l'entrevue on n'a en aucun moment informé la prestataire qu'elle faisait erreur en restreignant ses recherches d'emploi à du travail à temps partiel. D'ailleurs, ce n'est que lorsque la prestataire s'est présentée au Centre d'emploi du Canada afin de se renseigner pourquoi on ne lui avait pas envoyé ses prestations pour les semaines précédentes, qu'on l'informa qu'elle n'était plus admissible à l'assurance-chômage. A cet instant précis, soit le 29 mars 1989, on lui prépara sur place un avis d'inadmissibilité qui devenait effectif à compter du 5 mars 1989. Dans cet avis on indiqua qu'après un délai de cinq mois de chômage il n'existe pas de possibilités raisonnables de se trouver un emploi à temps partiel. Cette restriction à la disponibilité n'est plus acceptable et le versement des prestations est interrompu jusqu'à ce que la prestataire démontre une disponibilité à temps plein sur le marché du travail. La prestataire en appela de cette décision devant le Conseil arbitral.

    Le Conseil arbitral a majoritairement maintenu la décision de la Commission en concluant que la période de cinq mois de chômage allouée à la prestataire pour se trouver un emploi était un délai plus que raisonnable. Les antécédents de travail à temps partiel depuis environ sept à huit ans ainsi que les problèmes de santé, bien qu'il n'y ait pas de certificat médical, sont des facteurs qui ont été considérés par la Commission et le délai de cinq mois était bien suffisant dans ces circonstances.

    Le membre dissident du Conseil arbitral, quant à lui, est d'avis que l'appel de la prestataire devrait être accueilli puisque l'agent de la Commission ne l'a jamais avisé, lors de l'entrevue ou par lettre, qu'elle faisait erreur en restreignant ses recherches d'emploi à du travail à temps partiel.

    Selon lui, la prestataire avait droit à un avertissement écrit lui indiquant que ses démarches n'étaient pas conformes aux exigences de la Commission.

    Avant d'analyser le présent cas à la lumière du droit et de la jurisprudence, il est à noter que la Commission dans ses observations au juge-arbitre indique que l'inadmissibilité de la prestataire a cessé le 22 avril 1989 étant donné que celle-ci s'est déclarée disponible pour du travail à temps plein et a fourni une liste de recherches d'emploi. La période en litige, dans la présente affaire, est donc du 5 mars au 22 avril 1989.

    Les dispositions législatives qui doivent être appliquées sont celles prévues aux articles 14 et 23 de la Loi sur l'assurance-chômage. Pour plus de commodité, je reproduis le texte de l'alinéa 14(a):

    14. Un prestataire n'est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d'une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu'il était:

    (a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d'obtenir un emploi convenable ce jour-là.

    En principe, un prestataire doit démontrer qu'il est disponible à accepter un emploi à temps plein et ce durant les heures "normales" de travail, soit de 9h00 à 17h00 du lundi au vendredi. Néanmoins, il existe des cas particuliers où il faut prendre en considération les habitudes d'emploi antérieures. Les cas de travail à temps partiel ne sont pas exclus du régime d'assurance-chômage car l'essentiel c'est d'examiner si le prestataire a un historique d'emploi à temps partiel. Or, la prestataire dans le cas en l'espèce a effectivement travaillé à temps partiel depuis les 7 dernières années. Ses cotisations d'assurance-chômage ont été payées en fonction de ce travail et ses prestations auront aussi la valeur de ce qu'elle gagnait à temps partiel.

    La jurisprudence est d'ailleurs claire au sujet de ce type d'emploi et les critères appliqués sont bien expliqués par le juge Reed dans le CUB 12072 dans lequel elle déclare:

    "Si elle travaillait uniquement à temps partiel, elle aurait versé des cotisations d'assurance-chômage en fonction de ce type d'emploi et c'est ce type d'emploi qui aurait été assuré dans son cas. Si elle n'avait pas pu obtenir un emploi de ce genre après avoir bénéficié d'un délai raisonnable pour ce faire, la Commission pouvait s'attendre à ce qu'elle élargisse son champ de recherche et à ce quelle soit prête à accepter un emploi à plein temps pour recevoir des prestations..." 1

    (C'est moi qui souligne)

    En résumé, lorsqu'un prestataire travaille à temps partiel de façon régulière sur le marché du travail et que par la suite ses recherches d'emploi sont faites dans ce sens, on doit le considérer comme disponible aux fins de l'alinéa 14(a) de la Loi sur l'assurance-chômage et par conséquent admissible aux prestations. Cependant, après un délai raisonnable qui peut varier d'un cas à l'autre, si le prestataire n'a pas trouvé ce type d'emploi particulier, soit à temps partiel, il doit élargir son champ de recherche et ne plus se restreindre uniquement à du travail à temps partiel mais se diriger vers du temps plein. Dans le présent cas, on a accordé cinq mois de recherches d'emploi à la prestataire, ce qui est raisonnable dans les circonstances. Néanmoins, comment la prestataire pouvait-elle se douter que sa recherche d'emploi à temps partiel serait inadéquate après une certaine période de temps si on ne lui a jamais glissé un mot sur le sujet? D'abord, la prestataire travaille à temps partiel depuis les sept dernières années. Il est donc tout à fait normal, pour elle, de se chercher un emploi similaire à la suite d'une mise à pied. Deuxièmement, lors d'une entrevue avec la Commission le 16 février 1989 aucun avertissement, oral ou écrit, ne lui est donné à l'effet qu'elle doit élargir sa recherche d'emploi. A cet égard, il convient ici de reproduire le rapport de l'entrevue signé par l'interviewer:

    "La prestataire est en chômage depuis le 25 septembre 1988. Elle recherche du travail de bureau ou téléphoniste. Elle a 8 ans d'expérience dans le travail général de bureau. Gagnait 11$ de l'heure, le salaire le plus bas qu'elle accepterait est 9$/heure. Elle n'accepterait que du travail à temps partiel (3 jours/semaine) car sa santé ne lui permet pas de faire plus de 3 jours par semaine car, n'est pas assez forte pour faire plus de 3 jours par semaine. Aucun certificat médical à cet effet.

    Tout autre aspect correct."

    Rien dans ce rapport ne laisse entrevoir un quelconque avertissement à la prestataire.

    Troisièmement, aucune explication ou avis d'inadmissibilité n'a été donné à la prestataire avant le 29 mars 1989. Ce n'est que lorsque la prestataire s'est présentée au Centre d'emploi du Canada qu'on lui aurait expliqué le pourquoi de la cessation de ses prestations depuis le 5 mars 1989. C'est de plus le même jour, soit le 29 mars, qu'on lui aurait fait son avis officiel d'inadmissibilité aux prestations. On peut comprendre aisément la révolte légitime de la prestataire ce jour-là.

    Je suis d'avis que dans de telles circonstances on aurait dû donner un avertissement à la prestataire à l'effet que sa recherche d'emploi était inadéquate. D'ailleurs dans un document qu'on remet au prestataire qui explique ses droits et obligations on retrouve l'extrait suivant:

    COMMENT CHERCHER DU TRAVAIL?

    Même si on ne vous dit pas formellement de faire une recherche active d'emploi, vous devez chercher du travail. Vous ne trouverez peut-être pas rapidement un nouvel emploi au même salaire et aux mêmes conditions. On pourra vous demander après un certain temps de chercher autre chose.

    (C'est moi qui souligne)

    Dans ce texte on dit bien "On pourra vous demander après un certain temps de chercher autre chose" et non pas "on va vous couper et après vous chercherez autre chose". Ce préavis s'impose non pas en vertu d'une loi ou d'un règlement de la Commission mais en accord avec les principes de "fairness" et d'équité.

    Je dois avouer cependant que la jurisprudence n'est pas uniforme sur cette question de préavis. L'une reconnaît la doctrine de "fairness"2 tandis que l'autre estime que "rien dans la loi n'oblige expressément la Commission à donner au prestataire un préavis (... )"3

    Enfin, comme je l'ai dit précédemment, et ceci avec respect pour l'opinion contraire, je suis plutôt d'avis que les principes de justice naturelle, "fairness" et équité, commande l'émission d'un préavis afin de donner l'opportunité aux gens de se conformer avec une législation aussi complexe que celle de l'assurance-chômage.

    En l’occurrence, pour la présente affaire, étant donné que la prestataire a modifié sa recherche d'emploi dès qu'elle a été mise au courant que ses restrictions n'étaient plus conformes aux exigences de la Loi sur l'assurance-chômage, alors la durée de l'inadmissibilité imposée par la Commission devra être réduite. Autrement dit, quatre (4) semaines auraient constitué un préavis raisonnable après un délai de 5 mois sur le chômage. En conséquence, l'inadmissibilité de la prestataire ne sera effective que du 5 au 22 avril 1989.

    L'appel de la prestataire est accueilli en partie.

    "P. ROULEAU"

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario

    Le 16 août 1991

    VRAIE COPIE DE L'ORIGINAL EN MA POSSESSION

    registraire du juge-arbitre

    Datée à Ottawa Ontario, ce 4ième jour de septembre 1991

    2011-01-16