CUB 20866

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TRADUCTION

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI DE 1971 SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

- et -

RELATIVEMENT à une demande de prestations présentée par
Gary KIELEY

- et -

RELATIVEMENT à un appel interjeté devant le juge-arbitre par la Commission
de l'emploi et de l'immigration du Canada à l'encontre d'une décision du
conseil arbitral rendue à Sydney (N.-É.), le 26 mars 1991.


DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-708-92


DÉCISION

JOYAL J., JUGE-ARBITRE:

La Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada interjette appel d'une décision d'un conseil arbitral portant que le prestataire était admissible au bénéfice des prestations d'assurance-chômage pendant la période du 14 janvier 1991 au 18 janvier 1991.

Bien que la période en litige puisse être jugée quelque peu brève, la question qui oppose la Commission et le conseil arbitral présente un certain intérêt et a été examinée dans un certain nombre de cas.

Essentiellement, le but de la Loi sur l'assurance-chômage doit, en l'espèce, être examiné à la lumière des conditions de travail particulières du membre de l'équipe d'un bateau, qui sont radicalement différentes de celles que l'on trouve dans la plupart des entreprises. De fait, les membres de l'équipe d'un bateau ont de si longues veilles au cours d'une période de deux semaines qu'ils font en réalité le même nombre d'heures de travail qu'ils en feraient sur une période de quatre semaines. C'est devenu la coutume, par suite de conventions collectives ou autres mesures, dans l'industrie du transport maritime, pour les membres d'une équipe de travailler pendant deux semaines et d'être par la suite en congé non payé pendant les deux semaines suivantes. Le régime de travail peut varier d'un cas à l'autre, mais, essentiellement, il vise toujours à compenser le nombre excessif d'heures et de jours consécutifs de travail qui sont exigés de l'équipe.

En l'espèce, le prestataire était commis adjoint pour Marine Atlantic Inc. de St. John's (T.-N.). Il a travaillé pendant les deux dernières semaines de décembre 1990, c.-à-d. du 14 décembre au 29 décembre. Il a également été rémunéré pour deux jours fériés, soit les 1er et 2 janvier 1992. Cette dernière date serait par ailleurs celle de son licenciement et il serait normalement devenu admissible au bénéfice des prestations deux semaines plus tard.

Tel est le principe appliqué par la Commission. Elle a jugé que le prestataire n'avait pas connu d'arrêt de rémunération avant que soit écoulée sa période de quinze jours de congé ou de relâche et, conformément à certaines dispositions déterminatives de la Loi, a fixé la date de son admissibilité au lundi 20 janvier 1991.

Toutefois, le prestataire était d'un autre avis. Devant le conseil arbitral, il a plaidé que ses jours de relâche tombaient dans les deux premières semaines de décembre 1990 et non dans les deux premières semaines de janvier 1991. Le conseil arbitral a partagé son avis. Il a conclu que le prestataire, à titre de surnuméraire, n'avait ni de poste ni d'horaire de travail précis et n'avait donc aucune garantie d'un emploi continu. Il ne pouvait donc bénéficier des dispositions plus générales de la convention collective et, par conséquent, la formule des jours de repos ou des jours de relâche ne pouvait s'appliquer à lui. Le conseil a jugé que, par conséquent, le prestataire avait connu un arrêt de rémunération à la fin de décembre 1990.

En appel devant moi, la Commission s'est appuyée sur les paragraphes 10(4) de la Loi et 37(3) du Règlement. Ces derniers se lisent comme suit :

10.(4) L'assuré qui travaille habituellement plus d'heures, de jours ou de périodes de travail que ne travaillent habituellement au cours d'une semaine des personnes employées à plein temps et qui a droit, aux termes de son contrat de travail, à une période de congé est censé avoir travaillé une semaine entière de travail au cours de chaque semaine qui tombe complètement ou partiellement dans cette dernière période.
37.(3) La période de congé visée au paragraphe 10(4) de la Loi ne constitue pas un arrêt de rémunération, que cette période soit rémunérée ou non.

La Commission s'est également appuyée sur la décision du juge Denault dans l'affaire Rose Y. Cerretti (CUB 16809), sur la décision du juge Morand dans l'affaire CUB 9171 et sur la décision du juge Strayer dans l'affaire CUB 14397.

Dans l'affaire CUB 16809, le prestataire faisait de soixante à soixante-dix heures de travail par semaine, sept jours par semaine, puis prenait une semaine de congé. Le juge Denault a confirmé une décision antérieure du conseil arbitral portant que le paragraphe 10(4) [alors le paragraphe 42(4)] s'appliquait et que le prestataire était censé avoir fait une semaine entière de travail au cours de cette semaine de congé.

Dans l'affaire CUB 14397, le juge Strayer était saisi de l'affaire d'un matelot des Grands Lacs qui, à la cessation de son emploi, avait accumulé quelque quarante jours de congé en ayant fait de longues heures de travail. Infirmant la décision du conseil arbitral qui était favorable au prestataire, le juge-arbitre a statué que ce dernier n'avait pas subi d'arrêt de rémunération avant d'avoir épuisé les jours de congé accumulés.

J'étais saisi d'une situation semblable dans l'affaire Pike, CUB 19764, en date du 12 avril 1991. Le prestataire était membre du Syndicat international des marins canadiens.

Il avait droit à des jours de congé et à une paie de congé fondée sur ce que la convention collective appelait le facteur 0,334. Il avait accumulé cinquante-cinq jours de congé. Le conseil arbitral a jugé que le prestataire n'avait pas subi d'arrêt de rémunération avant d'avoir épuisé les jours de congé accumulés. J'ai confirmé la décision du conseil arbitral et cité à l'appui l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire P.G. Canada c. Kelly (A-106-89).

Dans l'affaire Kirby (CUB 19046), il s'agissait d'un autre matelot des Grands Lacs qui participait à un programme de travail partagé et qui, en raison de cela, est devenu admissible à une période de trente jours de congé. La Commission a jugé que le prestataire n'avait pas droit à des prestations pendant cette période. Le conseil arbitral a infirmé cette décision, au motif que la période de congé prévue par la convention collective ne s'appelait plus «jours de relâche» mais «mise à pied».

Le juge-arbitre a rétabli la décision de la Commission. Après un examen du Règlement de 1985 sur la durée du travail des employés affectés au transport maritime sur la côte est et sur les Grands Lacs, aux termes duquel des jours de relâche ou jours de congé pouvaient être accumulés, le juge-arbitre a conclu que, quels que soient les mots ou expressions utilisés dans une convention collective, les dispositions de la Loi sur l'assurance-chômage s'appliquaient et le prestataire n'avait pas subi d'arrêt de rémunération.

Il semble qu'en l'espèce, le conseil arbitral, en décidant que la règle des jours de repos ne devrait pas s'appliquer parce que le prestataire était un «surnuméraire», a commis une erreur de droit. Je respecte l'avis du conseil, mais je ne puis voir comment son raisonnement est pertinent au litige. Le paragraphe 10(4) est une disposition claire exprimée en termes clairs. Elle signifie que toute période de congé est censée être une période de travail et, aux termes du paragraphe 37(3), une telle période de congé ne constitue pas un arrêt de rémunération.

À mon avis, l'interprétation de toute convention collective qui s'applique à des matelots dépend principalement de la question de savoir s'il y a eu un arrêt de rémunération ou non. L'arrêt de rémunération est la condition sine qua non d'admissibilité au bénéfice de toutes prestations d'assurance-chômage. Or, la Loi prévoit précisément le genre de situation dans laquelle se trouve le prestataire. À ce sujet, il importe peu que la convention collective, comme le veut le Règlement de 1985 sur la durée du travail des employés affectés au transport maritime, emploie les mots ou expressions «mise à pied», «jours de relâche», «congé non payé», ou «deux semaines de travail, deux semaines de congé», la présomption soulevée par la Loi s'applique à toutes les situations.

D'après les faits dont était saisi le conseil, le prestataire avait droit à deux semaines de congé après avoir terminé sa période de deux semaines de travail allant du 14 décembre au 29 décembre 1990.

Le fait qu'elles coïncidaient avec son licenciement est, à mon avis, sans conséquence. En outre, il est sans conséquence qu'à titre de surnuméraire, sa période de congé soit censée être survenue pendant les deux premières semaines de décembre. Il me semble logique que, si tel était le cas, un employé aurait droit à deux semaines de congé avant même d'avoir commencé à travailler, c.-à-d. que l'employé, à son entrée en fonctions, jouirait immédiatement de deux semaines de congé.

Malgré le grand respect que j'aie pour les habiles arguments que m'a présentés le représentant du prestataire, je dois néanmoins faire droit à l'appel et rétablir la décision de la Commission.

L.-Marcel Joyal

JUGE-ARBITRE

Ottawa (Ontario)
le 24 février 1992