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  • CUB 21715

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    - et -

    d'une demande de prestations par
    Jacques DUFOUR

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire
    à l'encontre d'une décision du conseil arbitral


    CUB CORRESPONDANT : 21715A

    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-1398-92


    DÉCISION

    LE JUGE DENAULT

    Dans cette affaire, la Commission a estimé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification et l'a exclu du bénéfice des prestations pour une période de 10 semaines. Le conseil arbitral devant qui le prestataire en a appelé a estimé qu'il s'agissait plutôt d'un congédiement et a accueilli son appel. D'où le présent appel de la Commission.

    Au soutien de son appel, l'avocate de la Commission échafaude la thèse suivante : si le prestataire a été congédié, c'est en raison de ses absences au travail et donc d'inconduite de sa part. Selon l'avocate, il faudrait donc retourner le dossier au conseil arbitral pour une nouvelle enquête et audition, celui-ci ne s'étant pas prononcé à savoir s'il s'agissait réellement d'un cas d'inconduite. Pour soutenir un tel raisonnement, l'avocate de la Commission se base sur le CUB 16949 où le juge WALSH avait émis l'opinion qu'il est toujours difficile pour un agent de la Commission de décider en appliquant l'article 41 de la Loi si le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite ou s'il a quitté son emploi sans justification. L'avocate se base aussi sur une décision que j'aurais rendue dans le CUB 15896 où j'avais ordonné a un conseil arbitral qui avait conclu au départ volontaire d'un employé que le dossier lui soit retourné pour qu'il vérifie s'il avait été justifié de le faire. Ni l'une ni l'autre de ces deux décisions ne soutiennent la thèse de la Commission.

    En l'occurrence, j'estime que l'appel de la Commission ne peut être accueilli. Sans doute le conseil arbitral a-t-il erré en attribuant au code «E» qu'on retrouve au relevé d'emploi du prestataire la signification «Manque de travail» alors qu'il correspond plutôt à «Départ volontaire». J'estime par contre qu'il n'a pas eu tort, après analyse de la preuve, de conclure qu'il s'agissait d'un congédiement plutôt que d'un abandon volontaire, conclusion à laquelle en était venue la Commission. Il appartenait à celle-ci de déterminer si les faits dont elle était saisie l'autorisaient à exclure le prestataire, aux termes de l'article 28(1) de la Loi parce qu'il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite ou s'il l'avait quitté volontairement sans justification. Comme je l'ai rappelé dans le CUB 13453, les notions d'«inconduite» et d'«abandon volontaire sans justification» sont fort différentes et procèdent, au moins au niveau de la preuve, d'une nature juridique tout à fait distincte l'une de l'autre. J'avais alors écrit que «le fardeau de prouver la justification dans le cas d'un départ volontaire repose sur le prestataire (ROBERGE, CUB 12228-A alors que dans le cas d'une allégation d'inconduite, il revient à la Commission d'en établir l'existence (DAVELUT v. A.G. of CANADA, 1982, 46 n.r. 518 À LA PAGE 522 [m. LE JUGE URIE]).»

    En l'instance, la Commission a fait son nid en émettant un avis d'exclusion au motif que le prestataire avait volontairement abandonné son emploi sans justification. Le prestataire a renversé le fardeau pesant sur ses épaules en prouvant qu'il s'agissait plutôt d'un congédiement. Il ne saurait être question de retourner le dossier au conseil arbitral pour qu'il tente d'y voir un cas d'inconduite alors que la Commission y a vu un abandon volontaire sans justification. De même il ne saurait être question de retourner à la case de départ pour permettre à la Commission de changer l'abandon volontaire sans justification en inconduite.

    En conséquence, même si la décision du conseil arbitral comporte une erreur manifeste relativement à la signification du code «E» apparaissant au relevé d'emploi, j'estime que sur le fond, le dossier révélait suffisamment d'éléments pour amener le conseil arbitral à conclure comme il l'a fait. Dès lors, il n'y a pas lieu que j'intervienne.

    L'appel de la Commission est rejeté.

    JUGE-ARBITRE

    2011-01-16