DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE
- et -
d'une demande de prestations présentée par
ROLAND ST-LOUIS
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le
prestataire à l'encontre d'une décision du conseil
arbitral rendue à Cranbrook (Colombie-Britannique),
le 5 juin 1991.
D É C I S I O N
LA JUGE REED
Le prestataire en appelle d'une décision du conseil arbitral selon laquelle il a quitté son emploi sans justification.
Le conseil a clairement appliqué le mauvais critère. Il a conclu que « il doit exister des circonstances qui font en sorte qu'il est pratiquement impossible pour le prestataire de continuer à travailler dans le cadre de son emploi actuel » et que le prestataire n'a pas fait les efforts voulus pour remédier à la situation avant de partir puisqu'il ne s'était pas plaint au Conseil des relations de travail.
Le prestataire a quitté son emploi parce qu'il n'était pas payé un salaire correspondant au nombre d'heures qu'il travaillait. Il s'est plaint qu'il manquait de l'argent dans son enveloppe de paie la première fois que c'est arrivé, mais sa plainte a été écartée cavalièrement. À la paie suivante, il manquait encore de l'argent. Le prestataire a démissionné.
Le prestataire travaillait à titre de bûcheron; il habitait dans un camp où un autobus passait le chercher pour l'amener sur les lieux du travail. À la fin de la journée, il retournait au camp par le même moyen. L'employeur a fait savoir à la Commission que le prestataire n'avait pas travaillé le nombre d'heures qu'il croyait avoir travaillé, mais n'en a donné aucune preuve directe au conseil.
Le prestataire a présenté au conseil arbitral des lettres d'employeurs précédents attestant qu'il n'y avait jamais eu la moindre anicroche avec le prestataire au sujet du nombre d'heures travaillées ni de réclamation concernant un salaire impayé.
Diverses formules ont été utilisées pour décrire le critère à appliquer en pareil cas : raisons valables; cause raisonnable; grief légitime dans les circonstances montrant que des mesures ont été prises pour tenter de remédier à la situation, mais sans succès; ce qu'une personne prudente ferait normalement dans les circonstances, ou encore si les circonstances étaient telles qu'elles excusaient le prestataire d'avoir ainsi pris le risque de faire supporter par d'autres le fardeau de son chômage.
Assurément, il existe peu de motifs de démission d'un emploi qui méritent davantage l'étiquette de « justification » que le fait qu'un employeur triche sur la paie d'un employé. Il est clair qu'il y avait justification. En outre, c'est une exigence beaucoup trop sévère que de s'attendre à ce qu'un employé placé dans une telle situation se plaigne d'abord au Conseil des relations de travail. Le prestataire a fait ce que toute personne raisonnable aurait fait dans les circonstances : il s'est plaint à son employeur. L'employeur lui a répondu de façon arbitraire; à la paie suivante, il manquait encore de l'argent. Manifestement, cela constitue une raison justifiant de démissionner.
On peut se reporter à plusieurs décisions en ce sens, notamment CUB 16631 – Bougie (18 mai 1989) et CUB 12252 – Singh (16 juin 1986).
L'appel interjeté par le prestataire est donc accueilli et l'exclusion qui lui a été infligée est annulée.
B. Reed
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
le 5 août 1992.
2011-01-16