TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE
- et -
d'une demande de prestations présentée par
ROGER ALLAN
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire
à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
Niagara Falls (Ontario) le 11 octobre 1991.
DÉCISION
LE JUGE JEROME
Le prestataire en appelle de la décision du conseil arbitral, selon laquelle il a perdu son emploi du fait de sa propre inconduite.
M. Allan a travaillé comme chef de train au CN du 13 août 1984 au 14 juin 1991. Il a demandé des prestations d'assurance-chômage le 28 juin 1991, en affirmant qu'il ne travaillait plus parce qu'il avait été suspendu pour trois mois. Le relevé d'emploi accompagnant sa demande a permis de confirmer qu'il avait été suspendu pour avoir transgressé l'article 42 des Règles du CN. La présumée transgression peut se décrire comme suit : le prestataire a fait entrer le train qu'il conduisait dans une zone de travaux, sans avoir obtenu au préalable la permission du contremaître.
À la lumière de ces renseignements, la Commission a déterminé que le prestataire avait perdu son emploi du fait de sa propre inconduite. Il a été déclaré exclu du bénéfice des prestations pour neuf semaines, à compter du 23 juin 1991. En outre, son taux de prestations a été réduit de 60% à 50% de la rémunération hebdomadaire assurable qu'il touche en moyenne.
Le prestataire en a appelé de la décision du conseil arbitral, qui avait rejeté son appel. Le conseil a étudié les faits et constaté que M. Allan ne contestait pas la transgression de l'article 42. Le conseil a rejeté l'argument du prestataire, selon lequel la transgression était une erreur et qu'elle n'équivalait pas à une inconduite.
Selon les articles 28 et 30 de la Loi sur l'assurance-chômage, le prestataire qui perd son emploi en raison de sa propre inconduite peut être exclu du bénéfice des prestations. Le terme « inconduite » n'est pas défini dans la loi, mais la jurisprudence a établi que, pour déterminer si la conduite qui a fait perdre son emploi à une personne équivaut à une forme d'« inconduite », il faut accorder une importance considérable aux circonstances particulières de l'affaire en cause. Là où une personne est présumée avoir été congédiée pour inconduite, le fardeau de la preuve incombe pour une très grande partie à la Commission et à l'employeur. Dans CUB 11648 (Ingrouville) et 19516 (Quackenbush), pour en arriver à cette conclusion, le conseil arbitral doit disposer d'une preuve qui soit claire, solide et sans équivoque.
En outre, dans P.G. du Canada c. Tucker, [1986] 2 C.F. 329, la Cour d'appel fédérale a jugé qu'il faut, pour établir qu'il y a eu inconduite, prouver que c'est une conduite intentionnelle ou insouciante de la part de la personne qui a motivé son renvoi. Monsieur le juge MacGuigan, dans une décision majoritaire, a affirmé, p. 8 :
Je suis amené à conclure que monsieur le juge Reed a interprété correctement le paragraphe 41(1) c'est-à-dire que, pour exclure un prestataire du bénéfice des prestations, il faut établir qu'il y a eu volition de sa part ou que sa conduite était si insouciante qu'elle s'approche de la volition.
(C'est moi qui souligne)
En appliquant ce principe aux faits dans le cas qui nous occupe, je suis convaincu que M. Allan n'a pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Le prestataire a toujours fait valoir -- ni l'employeur ni la Commission n'a produit de preuve contraire -- qu'il n'avait pas transgressé délibérément l'article 42 et qu'il n'était même pas au courant de l'infraction (ce n'est que plus tard qu'il en aurait été mis au fait). De toute évidence, il y avait des circonstances atténuantes, un nombre extraordinaire de signaux le jour où l'incident a eu lieu et des ordres ambigus. Tout cela y a été pour quelque chose dans la confusion qui régnait et l'infraction qui s'est produite au bout du compte.
Ayant omis de tenir compte de l'élément mental nécessaire pour établir qu'il y a eu inconduite, le conseil arbitral a erré en droit.
Pour ces raisons, j'annule la décision rendue et j'accueille l'appel du prestataire.
James A. Jerome
Juge-arbitre en chef
OTTAWA
le 22 juin 1994