TRADUCTION
EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-chômage
- et -
RELATIVEMENT À une demande de prestations par
Ron MAZUR
- et -
RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
le prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
rendue à EDMONTON (Alberta), le 18 octobre 1991.
DÉCISION
REED, J.:
Le prestataire interjette appel d'une décision du conseil arbitral le déclarant inadmissible au bénéfice des prestations parce qu'il n'avait pas prouvé qu'il était disponible pour travailler pendant qu'il suivait un cours.
La décision de la Commission se lit comme suit :
Ayant examiné les renseignements fournis avec votre demande de prestations, nous en concluons que vous n'êtes pas admissible au bénéfice des prestations du 1er juillet 1991 au 19 juillet 1991 parce que vous n'avez pas prouvé que vous étiez disponible pour travailler au sens de la Loi pendant que vous suiviez un cours d'instruction vers lequel la Commission ne vous avait pas dirigé. Vous imposiez à votre disponibilité des restrictions qui réduisaient sérieusement vos chances de trouver rapidement un nouvel emploi pendant cette période.
La conclusion à laquelle est arrivé le conseil arbitral peut être tirée de son résumé :
Lié par la Loi sur l'assurance-chômage, par les faits présentés et par la jurisprudence, le présent conseil arbitral, après un examen attentif, conclut que Ron Mazur n'était pas admissible au bénéfice des prestations parce qu'il n'était pas disponible pour travailler. Le cours que suivait M. Mazur était donné pendant les heures ouvrables normales et il n'était disposé à l'abandonner que s'il lui était offert un très bon salaire. Il n'aurait pu, pendant les heures de cours, chercher un emploi.
Il n'est pas clair, d'après sa décision, si le conseil arbitral a appliqué le bon critère juridique. Ce doute augmente à l'examen des observations que la Commission a faites au conseil arbitral touchant l'affaire du prestataire. Ces observations citent la décision CUB 7261 - Girard (le 3 juin 1982). L'extrait de cette décision révèle qu'en règle générale, les étudiants à temps plein sont présumés ne pas être sur le Marché du travail. La décision concerne un étudiant qui fréquentait un collège pendant toute l'année scolaire à partir de septembre et qui cherchait un emploi à temps partiel hors des heures de cours. (Il a de fait quitté le collège en décembre après avoir appris qu'il n'était pas admissible au bénéfice des prestations.) Dans l'affaire Girard, il a été jugé que ce collégien à temps plein ne serait admissible au bénéfice des prestations que s'il y avait :
une preuve que c'est possible [de travailler hors des heures de cours] pour l'étudiant en question, comme si par exemple il avait réussi à trouver de tel emploi les années précédentes.
De la décision CUB 7389 - Savard (le 5 juillet 1982) était citée l'observation suivante :
Malgré toute la sympathie et l'admiration que l'on éprouve à l'endroit des jeunes qui poursuivent leurs études au lieu de chômer, la Loi prévoit tout de même qu'ils ne peuvent le faire de leur propre initiative et toucher des prestations.
Et de la décision CUB 8210 - Baena (le 14 juin 1983) étaient cités des extraits selon lesquels la Commission n'avait pas dirigé la prestataire en question vers le cours. Cette dernière avait été dirigée vers un cours semblable auparavant et avait supposé, en l'absence d'une réponse négative à sa demande de renseignements touchant son inscription au cours suivant, que la Commission donnait son approbation.
Il y a beaucoup d'autres décisions utiles qui auraient pu être citées au conseil arbitral pour l'aider. En outre, il y a une tendance à la Commission à considèrer que si une personne est inscrite à un cours vers lequel on ne l'a pas dirigée, elle est automatiquement inadmissible au bénéfice des prestations. Selon la jurisprudence, il s'agit d'une question de fait dans chaque cas. Le fait de suivre un cours à temps plein soulève une présomption de non-disponibilité que le prestataire doit réfuter. Dans la décision CUB 12381 - Carey (le 17 juillet 1986), à la page 7, il est affirmé ce qui suit :
Dans ses conclusions, le conseil a reconnu que le prestataire avait présenté de bonnes preuves de sa disponibilité, mais qu'il lui fallait appliquer les dispositions régissant de tels cas. Dans cette observation, je vois une possibilité que le conseil puisse avoir pensé qu'il existait une disposition dans la loi interdisant le paiement de prestations d'assurance-chômage aux personnes qui suivent un cours d'instruction à plein temps. Il n'existe aucune disposition de cette nature. Même si les décisions rendues en la matière interdisent presque toutes le versement de prestations aux prestataires, dans de telles circonstances, la Loi, elle, n'interdît pas le versement de ces prestations. Chaque affaire doit être jugée au mérite. Si le Parlement avait décidé, à titre de politique, que le versement des prestations d'assurance-chômage aux prestataires suivant des cours d'instruction à plein temps, non recommandés par la Commission, serait interdit, il lui aurait été facile d'insérer des dispositions à cet effet dans la Loi. Aucune disposition de cette nature n'existe. Le versement est simplement assujetti à la preuve de disponibilité pour travailler.
Bien qu'il ait constamment été jugé que le fait de suivre un cours vers lequel la Commission ne l'a pas dirigé est, au moins à première vue, une preuve que le prestataire n'est pas disponible pour travailler, il est clair que la preuve qu'il suit un tel cours n'est pas automatiquement en soi un motif d'inadmissibilité. La question à trancher est toujours celle plus vaste de la disponibilité.
Si, par exemple, le cours est donné hors des heures ouvrables normales, il ne peut être conclu à la non-disponibilité. Si les heures de cours sont souples de sorte que la personne qui le suit peut les choisir de façon à pouvoir étudier et travailler à temps plein, elles ne seront pas alors une preuve de non-disponibilité. Toutefois, ce qui est encore plus important, c'est l'intention qu'a le prestataire en suivant le cours. S'il peut établir qu'il cherche vraiment un emploi et que si une offre d'emploi lui avait été faite, il aurait abandonné le cours, alors il n'est pas imposé de restriction à sa disponibilité. D'habitude, un facteur tel que le paiement d'une forte somme à titre de frais de scolarité, l'inscription à un cours requis pour obtenir un diplôme ou l'inscription à un cours à temps plein est une forte preuve que le prestataire n'avait pas l'intention d'abandonner son cours même s'il se présentait un emploi convenable. Le fait de suivre un cours à temps plein peut de même souvent être une preuve qu'il n'est pas fait d'efforts suffisants pour trouver un emploi.
Dans la décision CUB 10415 - Moore (le 11 avril 1985), il a été jugé qu'une infirmière qui suivait un cours de langue durant trois heures par jour était disponible pour travailler - les vingt-quatre heures de la journée étaient des heures normales de travail pour une infirmière - elle était prête à accepter des postes moins prisés - elle suivait un cours de français durant trois heures par jour (le matin), quatre jours par semaine.
Dans la décision CUB 19821 - Mosher (le 9 mai 1991), le prestataire visé travaillait habituellement comme ingénieur sous-marin saisonnier. Il ne suivait pas un cours qui se donnait vraiment « à temps plein » et si du travail se présentait, il pouvait l'abandonner n'importe quand sans rien perdre et le reprendre au même point à une date ultérieure ou peut-être bien le poursuivre par correspondance. Il a été jugé qu'il n'était pas raisonnable de conclure que le fait de suivre ce cours empêchait le prestataire d'accepter un emploi convenable qui se présenterait. Tout en suivant le cours, le prestataire avait fait une recherche d'emploi qui ne se limitait pas au Canada et de fait l'avait laissé pendant deux semaines quand un emploi lui avait été offert par Gulf Resources. En outre, il a été jugé que le fait que le prestataire projetait de retourner travailler pour son ancien employeur saisonnier n'était pas en soi un facteur le rendant inadmissible au bénéfice des prestations.
Dans la décision CUB 9431 - Lee, le prestataire intéressé s'était inscrit à un cours de perfectionnement en anglais. Le cours ne comptait pas pour l'obtention d'un diplôme ni n'exigeait d'investissement financier important. Il s'agissait d'un cours très individualiste (chacun étudiait par lui-même en classe et demandait l'aide de l'enseignant quand il en avait besoin). Il a été jugé que le prestataire avait fait preuve de disponibilité.
Dans la décision CUB 16773 - Ryan (le 22 juin 1989), il s'agissait d'une prestataire qui était aide-enseignante. Elle cherchait le genre de travail à temps partiel qu'elle pouvait espérer trouver pendant l'été. Elle suivait un cours à temps partiel de durée limitée en vue d'obtenir un emploi à temps plein dans sa profession en septembre. Il lui avait été promis qu'un tel emploi l'attendait si elle suivait le cours. Il s'agissait d'un cours d'une durée de quatre semaines à raison de quatre heures par jour. Il a été jugé qu'il ne s'agissait pas là du genre de cas où la règle générale de non-disponibilité s'appliquait.
Dans la décision CUB 19728 - Naimji (le 25 avril 1991), concernant un enseignant suppléant qui s'était inscrit à un cours de quatre semaines commençant le 4 juillet, en vue de perfectionner ses compétences pédagogiques, le juge-arbitre a affirmé ce qui suit :
... Le conseil arbitral aurait également dû examiner toutes les circonstances pour établir si le prestataire, en suivant ce cours, se rendait vraiment non disponible pour accepter du travail qu'il aurait pu prendre sans cela. Le prestataire était un enseignant qualifié et on ne devrait pas s'attendre, au moins à court terme, qu'il accepte du travail manuel. Il est évident que les enseignants suppléants ont de la difficulté à trouver un emploi convenable pendant les congés scolaires. Bien qu'ils ne puissent tenir à chercher de l'emploi seulement dans l'enseignement, les possibilités y étant pratiquement inexistantes pendant cette période, ils ont droit à une période raisonnable pour chercher un emploi dans lequel ils peuvent utiliser certaines de leurs compétences intellectuelles. Il est également évident, comme le signale le prestataire, que les employeurs sont moins susceptibles d'embaucher de tels gens pour ce qui doit être une brève période d'emploi en attendant le retour à l'enseignement à l'automne. Si le conseil arbitral avait tenu compte de toutes ces circonstances, et le prestataire les lui a exposées, il aurait conclu que le fait de suivre ce bref cours d'été, que le prestataire était prêt à abandonner si un emploi convenable s'offrait à lui, n'influait pas réellement sur sa disponibilité pour travailler.
Je ne comprends toujours pas pourquoi la Commission, dans ses observations au conseil arbitral, renverrait ce dernier aux décisions CUB 7261, 7389 et 8210, mais non également aux décisions CUB 9431, 10415, 16773 et 19728.
L'omission de citer une jurisprudence équilibrée n'est simplement pas juste. Dans de nombreux cas, le conseil arbitral s'appuie, pour rendre sa décision, sur la description que lui fait la Commission de la jurisprudence applicable. Le conseil arbitral suppose que les décisions auxquelles on le renvoie sont exactes et concluantes. Les prestataires ne sont normalement pas représentés et ne savent pas quelle jurisprudence existe ni même quels faits ou éléments de preuve ils devraient présenter au conseil arbitral. Il est toujours troublant de constater que la Commission, par inadvertance ou non, a profité de l'avantage de l'inégalité d'accès à l'information existante.
En l'espèce, le prestataire, un enseignant suppléant, s'est inscrit à un cours pour améliorer ses compétences en français. Il s'agissait d'un cours de trois semaines commençant le 2 juillet 1991 et qui coûtait 350 $. Il ne s'agissait pas d'un cours exigé pour obtenir un diplôme. Il s'était inscrit au même cours l'année précédente et n'avait pas alors été déclaré inadmissible au bénéfice des prestations. En réponse à la question « Êtes-vous prêt à changer vos heures de cours afin d'accepter un emploi? », le prestataire a répondu « Oui ». En réponse à la question « À l'heure actuelle, quelle est votre intention? Cochez la case applicable ci-dessous », le prestataire a coché celle correspondant à « Trouver du travail à temps partiel tout en suivant le cours d'instruction ».
En réponse aux questions du conseil arbitral, il a mentionné que si « quelque chose de bon » s'était présenté, par exemple un emploi au salaire de 46 000 $ par année, il aurait abandonné le cours. Il a répondu avec moins d'empressement lorsqu'il lui a été demandé ce qu'il aurait fait s'il lui avait été offert un emploi à un salaire plus près du salaire minimum. Les faits de l'espèce correspondent en tout point à ceux de l'affaire que vise la décision CUB 19728. Les motifs sous-tendant cette autre décision s'appliquent également en l'espèce.
En conséquence, pour les motifs précités, je fais droit à l'appel.
B. Reed
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
le 11 décembre 1992