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  • CUB 22296

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE la Loi sur l'assurance-chômage

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    Robert HOPKINS

    - et -

    d'un appel interjecté devant le juge-arbitre par le prestataire
    à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Happy Valley-Goose Bay, Labrador, le 13 avril 1992.

    DÉCISION

    CULLEN, J., :

    À la demande du prestataire, l'affaire doit être jugée sur le dossier sans la comparution des parties.

    Le prestataire interjette appel de la décision unanime du conseil arbitral qui a confirmé celle de l'agent d'assurance, soit qu'il « n'était pas admissible au bénéfice des prestations du 15 juin 1990 au 15 juin 1990 » (pièce 1) et du 30 juillet 1990 au 31 juillet 1991 parce qu'il n'avait prouvé qu'il était disponible pour travailler pendant les périodes énumérées, puisqu'il soit se préparait à devenir travailleur indépendant, soit l'était à temps plein; il n'était pas non plus admissible au bénéfice des prestations du 18 juin 1990 au 27 juillet 1990, parce qu'il était alors un pêcheur indépendant et était censé travailler une semaine entière et donc ne pas être en chômage.

    Le prestataire a formulé une demande de prestations le 13 octobre 1989 et une période de prestations ordinaires a été établie à son profit à partir du 8 octobre 1989. Une vérification postérieure automatisée a révélé que le prestataire avait reçu un relevé d'emploi de « pêcheur » de la Labrador Fisherman's Union Shrimp Co. Ltd. La Commission a téléphoné au prestataire le 11 novembre 1991 et lui a demandé des renseignements sur son activité dans la pêche. Le prestataire a répondu qu'il pêchait le saumon, qu'il avait mis son attirail de pêche à l'eau le 15 juin 1990 et l'en avait sorti le 1er août 1990, qu'il était propriétaire d'un bateau, qu'il vendait le produit de sa pêche à la Labrador Fisherman's Union Shrimp Co. et qu'il pêchait de 12 à 14 heures par jour.

    La Commission a jugé que le prestataire était un pêcheur indépendant et l'a déclaré inadmissible au bénéfice des prestations pendant la période où il pêchait, soit du 15 juin 1990 au 15 juin 1990, du 18 juin 1990 au 27 juillet 1990 et du 31 juillet 1990 au 31 juillet 1990. Cette décision a donné lieu à un trop-payé de 979 $.

    Le prestataire a interjeté appel de l'inadmissibilité devant le conseil arbitral et affirmé qu'il avait pêché pour Clayton Learning de la mi-juin au début de juillet, à environ 20 minutes de Cartwright. Le prestataire a précisé qu'il avait pêché pour conserver son permis de pêche à temps plein. Le prestataire a ajouté que pêcher « à temps plein aux fins de P & O » ne signifie pas pêcher tout le temps et que du moment que les filets sont à l'eau, il est fait de la pêche. En outre, le prestataire peut aller vérifier ses filets et revenir en dedans d'une heure. Le prestataire a affirmé que, pendant les longs jours d'été, on pouvait réellement ne passer que douze heures en bateau par semaine. Le prestataire a ajouté qu'il pêchait le saumon avec un partenaire. Il a aussi mentionné qu'il n'était pas certain du genre de prestations qu'il recevait, c'est-à-dire de pêcheur ou ordinaires, et qu'il ne savait pas qu'il y avait une différence.

    Le conseil arbitral a confirmé à l'unanimité la décision de la Commission et rejeté l'appel du prestataire. Le conseil arbitral a conclu à ce qui suit :

    ... il ne se trouve rien dans le Règlement ou la Loi qui permet de modifier la décision de la Commission. Selon la Loi, si un pêcheur a mis son attirail à l'eau, il est réputé exercer une activité indépendante et n'est pas admissible au bénéfice des prestations.

    Le prestataire a interjeté appel de la décision du conseil arbitral en vertu de l'alinéa 80c) de la Loi.

    Après avoir examiné le dossier et les observations des parties de même que la décision du conseil arbitral, je comprends la confusion du prestataire quant à la nature même de ses prestations. Dans sa décision, le conseil arbitral a mentionné que du fait qu'un pêcheur avait mis son attirail à l'eau, il était réputé exercer une activité indépendante et ne pas être admissible au bénéfice des prestations. Toutefois, il n'est pas clair si le conseil arbitral a réellement décidé que le prestataire était considéré comme un pêcheur indépendant pour l'application des dispositions spéciales de la Loi et du Règlement concernant les pêcheurs. Si le prestataire était un pêcheur indépendant, il pourrait peut-être bénéficier de l'exemption spéciale prévue à l'égard des pêcheurs au paragraphe 86(3) du Règlement, qui porte ce qui suit :

    Tout prestataire qui est un travailleur indépendant et qui exerce un emploi dans la pêche dans une mesure négligeable, que cet emploi soit assurable ou non, ou qui exploite une entreprise de pêche soit à son compte, soit à titre d'associé ou de co-intéressé, ou tout prestataire qui exerce un emploi dans la pêche dans une mesure négligeable, qu'il soit assurable ou non, et qui détermine ou non ses heures de travail, est censé être en chômage pendant toute période où il continue d'exercer cet emploi ou d'exploiter cette entreprise.

    À la page 3 de la décision CUB 16018, il est affirmé ce qui suit :

    Essentiellement, un prestataire qui est, dans une mesure négligeable, travailleur indépendant dans la pêche, est considéré comme sans emploi et peut retirer des prestations en vertu de ce paragraphe (décision CUB 5133). En l'espèce, le prestataire a travaillé avec le propriétaire d'un vaisseau de pêche et a gagné l'équivalent de 10 % de la pêche. Il faut noter qu'il revient au prestataire de prouver qu'il n'est pas couvert par l'article 17 de la Loi s'il désire tirer avantage des dispositions du paragraphe 85(1) du Règlement (décision CUB 12574).

    Dans l'affaire précitée, le juge-arbitre a conclu que le conseil arbitral n'avait pas exposé les vraies raisons de juger que l'emploi dans la pêche n'était pas exercé dans une « mesure négligeable ».

    En l'espèce, en supposant que le conseil arbitral a jugé que le prestataire était un pêcheur au sens de l'article 85 du Règlement, je conclus qu'il a commis une erreur en n'examinant même pas si l'emploi du prestataire dans la pêche était exercé dans une mesure négligeable au sens du paragraphe 86(3) du Règlement. En outre, si le conseil arbitral a jugé que le prestataire ne remplissait pas les conditions requises pour recevoir des prestations en vertu de l'article 85 du Règlement, alors il doit remplir les conditions générales énoncées à l'article 6 de la Loi. Dans un tel cas, le conseil arbitral est tenu d'examiner la question du travail indépendant aux termes de l'alinéa 43(1)a) du Règlement. Si le conseil arbitral conclut alors que le prestataire est un travailleur indépendant, il doit ensuite examiner si le temps consacré au travail est peu important, comme il est prévu au paragraphe 43(2) du Règlement. En l'espèce, le conseil arbitral n'a même pas examiné, encore moins appliqué comme il fallait, les critères énoncés dans la décision CUB 5454 et décidé s'il était consacré peu de temps à l'emploi.

    En conséquence, comme le conseil arbitral a clairement rendu une décision entachée d'erreurs, je vais exercer le pouvoir que me confère l'article 81 de la Loi et rendre la décision qu'il aurait dû rendre.

    Ayant examiné les renseignements au dossier, je suis convaincu que le prestataire n'est pas visé aux dispositions de l'article 85 du Règlement et, par conséquent, n'est pas un pêcheur autre qu'un pêcheur à longueur d'année aux fins de l'appel. Quoiqu'il en soit, je vais examiner si le prestataire exerçait un emploi dans la pêche dans une mesure négligeable et était donc visé au paragraphe 86(3) du Règlement. Le prestataire a mentionné qu'il pêchait le saumon avec Clayton Learning pendant environ deux mois par année. Selon les faits de l'espèce, je ne puis accepter la proposition que la simple mise à l'eau des filets signifie automatiquement que le prestataire passe toute sa journée à pêcher. Selon le prestataire même, il peut aller vérifier ses filets et revenir en dedans d'une heure. En outre, le prestataire n'en tire aucun profit et, comme il l'a affirmé, il est à la maison puisqu'il est impossible d'aller pêcher la plupart du temps. En outre, le prestataire a mentionné dans ses observations qu'il n'a pas de permis de pêche du saumon, qu'il fait équipe avec Clayton Learning et ne vend pas de saumon sous son propre nom parce qu'il n'a pas de permis de pêche à cette fin. Le prestataire ne compte manifestement pas seulement sur la pêche du saumon faite avec M. Learning pour gagner sa vie. Le prestataire estime qu'il n'a rien fait de mal puisqu'il a signalé l'argent reçu de M. Learning dans ses cartes de déclaration. En conséquence, je suis convaincu que l'emploi du prestataire dans la pêche est visé au paragraphe 86(3) du Règlement, qu'il est exercé dans une mesure négligeable et qu'à ce titre, le prestataire est en chômage.

    Cela étant, à la lumière des renseignements se trouvant au dossier, le prestataire n'est pas visé aux dispositions de l'article 85 du Règlement et, par conséquent, il doit remplir les conditions requises pour recevoir des prestations énoncées à l'article 6 de la Loi, comme je l'ai mentionné plus tôt. Il me faut donc examiner maintenant si le prestataire est visé à l'alinéa 43(1)a) et, dans l'affirmative, s'il peut invoquer l'exception prévue au paragraphe 43(2) de la Loi.

    L'alinéa 43(1)a) s'énonce comme suit :

    43(1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), lorsque le prestataire
    a) est un travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d'associé ou de cointéressé,...
    il est censé travailler une semaine entière.

    Le paragraphe 43(2) se lit comme suit :

    (2) Lorsque le prestataire exerce un emploi mentionné au paragraphe (1), mais qu'il y consacre si peu de temps qu'il ne saurait normalement compter sur cet emploi comme principal moyen de subsistance, il n'est pas censé, à l'égard de cet emploi, travailler une semaine entière.

    Bien que je ne sois pas convaincu que l'emploi du prestataire puisse être considéré comme une activité indépendante, ce n'est pas là un élément décisif parce que, ayant examiné les observations, je suis convaincu que le prestataire est visé aux dispositions du paragraphe 43(2) et qu'il consacrait si peu de temps à son emploi qu'il ne saurait normalement compter sur ce dernier comme principal moyen de subsistance. Pour arriver à ma conclusion, j'ai tenu compte des facteurs énoncés dans la décision CUB 5454 qui est souvent citée. En ce qui concerne le temps consacré à l'emploi, le prestataire ne pêchait que pendant deux mois par année avec M. Learning et le temps réellement passé à pêcher au cours de ces deux mois était variable. Comme il était signalé dans la décision CUB 19228, moins les heures sont nombreuses et plus l'horaire est souple, plus il est probable que l'activité soit visée au paragraphe 43(2) du Règlement. Le prestataire n'avait manifestement pas de capital ni de ressources d'engager dans le travail avec M. Learning, puisqu'il a mentionné qu'il l'aidait et était payé. En outre, le montant reçu, comme le précisait le prestataire, n'était pas suffisant pour vivre. Il ressort de l'ensemble des observations du prestataire qu'il était évident qu'il voulait trouver et accepter un autre emploi. Comme l'a affirmé M. Learning, le prestataire pouvait laisser les lieux de pêche à n'importe quel moment et se tenait toujours informé de tout travail qu'il pouvait y avoir.

    Pour les motifs précités, j'accueille l'appel du prestataire.

    « B. Cullen »

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA
    le 4 janvier 1993

    2011-01-16