TRADUCTION
EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-chômage
- et -
RELATIVEMENT À une demande par
Komalwatie SINGH
- et -
RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
la prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
rendue à Brampton (Ontario), le 6 mars 1991.
DÉCISION
MacKAY, J.:
Lors de l'audition de la présente affaire à Toronto, le 29 juin 1992, la prestataire était absente et n'était représentée par personne. Dans une lettre recommandée avec accusé de réception, datée du 14 avril 1992 et envoyée à l'adresse de la prestataire à Bramalea, le Bureau du juge-arbitre a avisé la prestataire de l'heure et de l'endroit de l'audience et, par la suite, a obtenu la preuve de réception de cet avis. À ce jour, la prestataire n'a pas demandé d'être entendue à nouveau en personne et n'a entrepris aucune autre démarche en ce sens. Je me propose d'examiner son appel uniquement en fonction du dossier.
La prestataire invoque les dispositions du paragraphe 80b) de la Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. 1985, ch. U-1, telle que modifiée, pour interjeter appel, alléguant que le conseil arbitral a commis une erreur de droit dans sa décision qui confirmait celles de la Commission, à savoir que la prestataire avait omis de reprendre ses fonctions auprès de son ancien employeur sans motif valable, après avoir touché pendant une certaine période des prestations de maternité aux termes de la Loi, ce qui lui avait valu une exclusion du bénéfice des prestations pendant une période de dix semaines et, conformément à la Loi, une réduction du taux des prestations qui est passé de 60 à 50 p. 100 de sa rémunération hebdomadaire assurable moyenne. La Commission avait également établi que la prestataire n'était pas disponible pour travailler, comme l'exige la Loi, et qu'elle n'avait donc pas droit aux prestations dans la mesure où elle n'avait pris aucune disposition pour assurer la garde de ses enfants, et où elle restreignait les heures au cours desquelles elle était disposée à travailler.
La prestataire a travaillé du 3 mars 1988 au 6 juillet 1990 en tant que modéliste en broderie par ordinateur à la société Canada Sportswear Ltd., à Weston, en Ontario. Le 11 juillet 1990, la prestataire a présenté une demande de prestations de maternité qui lui ont été versées jusqu'à la mi-novembre 1990. Le 27 décembre 1990, ses prestations de maternité étant épuisées, elle a présenté une nouvelle demande de prestations ordinaires.
Sur la foi des renseignements que la prestataire avait joints à sa demande, dans une lettre datée du 15 janvier 1991, la Commission l'a informée qu'elle était exclue du bénéfice des prestations pour une période de dix semaines commençant le 16 décembre 1990 parce qu'elle avait négligé de profiter d'une occasion d'obtenir un emploi convenable auprès de la Canada Sportswear (son ancien employeur) le 18 novembre 1990.
Dans deux autres lettres qu'elle a envoyées le 15 janvier, la Commission a informé la prestataire qu'elle n'avait pas droit aux prestations à partir du 17 décembre 1990 parce qu'elle n'avait pas prouvé qu'elle était disponible pour travailler, d'abord, puisqu'elle avait indiqué qu'elle n'accepterait un emploi que de 17 heures à 22 heures, et, ensuite, que ses prestations étaient suspendues jusqu'à ce qu'elle prouve qu'elle avait pris les dispositions nécessaires pour faire garder ses enfants de façon à pouvoir immédiatement accepter une offre d'emploi convenable.
Les trois décisions de la Commission sont en litige dans le présent appel. La première concerne l'exclusion du bénéfice des prestations imposée à la prestataire pour une période de dix semaines commençant le 16 décembre, accompagnée d'une réduction de son taux des prestations qui passe de 60 à 50 p. 100 de sa rémunération hebdomadaire assurable moyenne puisqu'elle a, sans motif valable, négligé de profiter d'une occasion d'obtenir un emploi convenable auprès de son ancien employeur. La Commission a appuyé sa décision sur les dispositions de l'alinéa 27(1)b) et de l'article 30 de la Loi. La deuxième décision était que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations à partir du 17 décembre parce qu'elle n'avait pas prouvé qu'elle était disponible pour travailler, du fait qu'elle avait restreint le nombre d'heures au cours desquelles elle était apte à accepter un emploi, soit de 17 heures à 22 heures. En raison de cette inadmissibilité, on a cessé de lui verser des prestations tant qu'elle continuait de limiter les heures auxquelles elle était disposée à travailler. Cette décision était fondée sur le paragraphe 14a) et sur l'article 23 de la Loi, à savoir les mêmes dispositions sur lesquelles s'appuie la troisième décision. La troisième et dernière décision faisait en sorte que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations pour avoir omis de prouver qu'elle était disponible pour travailler puisqu'elle n'avait pas indiqué qu'elle avait pris les dispositions nécessaires pour faire garder ses enfants, dispositions qui lui permettraient d'accepter immédiatement une offre d'emploi convenable, si bien que le paiement des prestations a été suspendu jusqu'à ce qu'elle ait établi qu'elle avait pris de telles dispositions.
Dans sa décision, le conseil arbitral a déclaré ceci :
...
À l'unanimité, le conseil convient que 1) la prestataire s'est rendue elle-même inadmissible sans justification, 2) la prestataire a effectivement restreint le nombre d'heures de disponibilité pour fins d'emploi, se rendant ainsi inadmissible aux prestations, et que 3) la prestataire n'a pas pris de dispositions permanentes concernant la garde de ses enfants, mais bien plutôt des dispositions temporaires pour lui permettre de chercher un emploi.
Le conseil a rejeté l'appel.
Dans la lettre de deux pages envoyée par la prestataire pour appuyer l'appel interjeté devant le conseil arbitral, en date du 4 février 1991, Mme Singh écrit ceci :
...
Vous dites que j'ai négligé de retourner à la Canada Sportswear afin de reprendre mon emploi le 18 novembre 1990. Durant cette période, il était pratiquement impossible pour moi de retourner travailler chez cet employeur pour deux raisons principales. Premièrement, je n'aurais pu trouver personne pour garder mes deux enfants (âgés de 4 ans et de 4 mois). Comme ma fille va à l'école la moitié de la journée, j'aimerais bien que vous puissiez m'aider à trouver quelqu'un qui prendrait soin de mes enfants. En ce qui a trait aux services de garderie, je ne peux en assumer les frais.
Deuxièmement, la distance à parcourir entre mon domicile et la Canada Sportswear est très longue et coûteuse. Auparavant, quelqu'un m'amenait au travail en voiture, mais cela est maintenant impossible puisque cette personne ne travaille plus à la Canada Sportswear.
Vous avez également indiqué que je ne m'étais pas rendue disponible pour travailler. Compte tenu des distances que j'avais à parcourir, du soin et du bien-être de mes enfants et du fait qu'il était impossible pour moi de me rendre à la Canada Sportswear, j'ai effectivement indiqué que j'étais prête et disposée à travailler le soir.
À cette fin, j'ai présenté plusieurs demandes à toutes les banques de mon quartier et des environs. J'ai aussi rempli des demandes d'emploi dans nombre de supermarchés et d'usines de Brampton, et jusqu'à présent, personne ne m'a répondu, même pas de façon négative. Si vous pouvez me trouver un emploi qui est convenable, je serais plus qu'heureuse de l'accepter.
À mon avis, d'après les raisons que je vous donne ici, je suis convaincue que vous devriez reconsidérer votre décision et m'accorder mes prestations auxquelles j'estime avoir droit, ou m'aider à trouver des services de garderie convenables pour mes deux enfants, et plus important encore, un emploi convenable.
...
Pour étayer son appel auprès du juge-arbitre, la prestataire a envoyé une lettre de deux pages, en date du 22 mars 1991, dans laquelle elle dit ceci :
Dans une brochure produite par le Service des affaires publiques d'Emploi et Immigration Canada, j'ai lu le chapitre intitulé « Quitter son emploi ». Je comprends que s'il y a « justification », alors j'ai le droit de recevoir des prestations.
i) Dans mon cas, je ne dispose pas des moyens de transport nécessaires pour retourner à mon ancien emploi.
ii) En raison de la distance à parcourir et des frais à engager pour me rendre à mon travail, il sera extrêmement difficile pour moi de le faire.
iii) J'ai deux très jeunes enfants âgés de 5 ans et de 7 mois. Ma fille aînée va à l'école l'après-midi. Comme je n'ai personne pour les garder, qu'est-ce que je dois faire avec eux si je dois voyager de Brampton à Weston aller-retour tous les jours et encore trouver du temps pour m'en occuper? Je ne peux certainement pas m'en débarrasser.
...
Dans ma demande, j'ai indiqué que je suis disponible pour travailler de 17 heures à 22 heures. Je suis maintenant disponible pour travailler de 14 heures à minuit et les fins de semaine.
...
Dans la demande de prestations ordinaires qu'elle a présentée en décembre 1990, la prestataire ne faisait état que de ses difficultés à trouver quelqu'un pour garder ses enfants, motif qu'elle invoquait pour ne pas reprendre ses fonctions auprès de son ancien employeur. Il n'a jamais été question des difficultés de transport de son domicile de Bramalea à son lieu de travail, à Weston. Ce n'est que dans les lettres subséquentes envoyées pour interjeter appel des décisions de la Commission, citées ci-dessus, que ces difficultés sont soulevées. Néanmoins, ce sont là des éléments qui figurent dans le dossier dont je suis saisi, tout comme l'a été le conseil arbitral, mais dont il ne fait aucune mention dans sa décision.
Pour régler les problèmes soulevés par cet appel, il est essentiel d'examiner, à tour de rôle, les décisions du conseil arbitral au regard de chacune des décisions de la Commission. J'aborderai d'abord l'exclusion du bénéfice des prestations imposée à la prestataire pour une période de dix semaines et la diminution subséquente du taux des prestations, ensuite son exclusion par suite de la restriction concernant les heures auxquelles elle était disponible pour travailler, et, enfin, son exclusion jusqu'à ce qu'elle ait pris des dispositions satisfaisantes pour assurer la garde de ses enfants.
L'exclusion du bénéfice des prestations a été imposée aux termes des dispositions de l'alinéa 27(1)b) dont le libellé est en partie le suivant :
27.(1) Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations prévues par la présente partie si, sans motif valable, depuis l'arrêt de rémunération qui est à l'origine de sa demande, selon le cas
...
b) il a négligé de profiter d'une occasion d'obtenir un emploi convenable;
...
L'exclusion peut également être imposée dans d'autres circonstances prévues à l'article 28, dont certaines dispositions pertinentes, aux fins de la présente décision, prévoient ce qui suit :
28.(1) Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations versées en vertu de la présente partie s'il perd son emploi en raison de sa propre inconduite ou s'il quitte volontairement son emploi sans justification.
...
(4) Pour l'application du présent article, le prestataire est fondé à avoir quitté son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ immédiat constituait la seule solution raisonnable dans son cas;
...
b) nécessité d'accompagner son conjoint ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence;
...
e) nécessité de prendre soin d'un enfant.
Je signale que les dispositions du paragraphe 28(4) ont été ajoutées à la Loi à l'art. 21, ch. 40, L.C. 1990, qui sont entrées en vigueur le 18 novembre 1990 (TR/90-160), c'est-à-dire peu de temps avant que la prestataire ne présente sa demande de prestations ordinaires en décembre 1990.
L'article 30 de la Loi prévoit que lorsqu'un prestataire est exclu du bénéfice des prestations en vertu des articles 27 ou 28, il l'est pour un nombre de semaines qui est déterminé par la Commission. Cependant, le nombre de semaines d'exclusion imposées en vertu de l'alinéa 27(1)a) ou 27(1)b), ou de l'article 28, ne doit pas être inférieur à sept et supérieur à douze (paragraphes 30(1) et 30(1.1) de la Loi). S'appuyant sur cet article, la Commission a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations pour une période de dix semaines, décision qu'a confirmée le conseil arbitral.
À mon avis, le conseil arbitral fait erreur, dans sa décision, lorsqu'il soutient que la prestataire s'est elle-même exclue du bénéfice des prestations sans justification. Cette norme est applicable aux termes de l'article 28 lorsque le prestataire quitte volontairement son emploi sans justification. L'alinéa 27(1)b) de la Loi, aux termes duquel l'exclusion a ici été imposée, fait mention du cas d'une personne qui néglige de profiter d'une occasion d'obtenir un emploi convenable sans motif valable.
Bien que certains juges-arbitres aient laissé entendre dans des décisions rendues antérieurement que les expressions « sans motif valable » et « sans justification » qui sont utilisées dans la Loi peuvent être en général synonymes, dans des décisions plus récentes, on a tendance à faire la distinction entre les deux normes. Dans le CUB 18653, Smith (1990), j'ai jugé qu'un conseil arbitral avait commis une erreur de droit en ne tenant compte que de la « justification » en imposant une exclusion aux termes de l'article 27 :
J'estime qu'en utilisant les deux expressions, « sans motif valable » et « sans justification », le Parlement n'avait pas l'intention d'en faire des synonymes, bien que, de façon abstraite, il soit peut-être difficile d'établir une distinction. La « justification » suppose le respect d'une norme plus rigoureuse par le prestataire que le « motif valable ».
En outre, comme on le signale dans la décision, le critère du « motif valable » a été bien établi dans la jurisprudence comme étant ce qu'une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les mêmes circonstances. C'est le critère que le conseil aurait dû appliquer dans la présente affaire.
Dans son exposé présenté au juge-arbitre, la Commission s'appuie sur des décisions de M. le juge Martin dans le CUB 13421, Rogerson (1986), et sur l'arrêt de la Cour d'appel Procureur général du Canada c. Bertrand (jugement inédit, dossier A-613-81, 12 février 1984). Dans le premier cas, le juge Martin, s'appuyant sur la cause Bertrand, confirme l'exclusion et maintient la pénalité imposée à la prestataire pour avoir négligé de profiter d'une occasion d'obtenir un emploi convenable, en ne reprenant pas ses fonctions dans un centre de soins de santé après avoir obtenu un congé de maternité, la personne craignant d'être sur appel, d'être obligée de se rendre sur les lieux de travail après un court préavis et d'effectuer des quarts différents qu'elle aurait de la difficulté à assumer en raison des complications que pourrait présenter la garde de l'enfant. Dans l'affaire Bertrand, M. le juge Le Dain de la Cour d'appel a confirmé la décision de la Commission selon laquelle le fait de ne pas accepter une offre d'emploi après un congé de maternité, en partie parce que la personne n'a pas pris les dispositions nécessaires pour assurer la garde des enfants, ne constituait pas un motif valable aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi à cette époque, qui est aujourd'hui le paragraphe 27(1).
En toute déférence, j'aimerais maintenant établir une distinction entre ces deux décisions qui reposaient sur la Loi qui était appliquée à l'époque où elles ont été rendues. Je m'empresse d'ajouter que si la Loi n'avait pas été modifiée, je considérerais l'affaire Bertrand comme un précédent qui devrait être appliqué en l'espèce. Cependant, même si l'article 27 n'a pas été modifié dans la Loi actuelle, le Parlement a adopté le paragraphe 28(4) qui prévoit que le prestataire « est fondé » à avoir quitté volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ immédiat constituait la seule solution raisonnable dans son cas, étant donné la nécessité de prendre soin d'un enfant.
Si ce motif est aujourd'hui inclus dans les circonstances dont on doit tenir compte avant d'évaluer si une personne est fondée à quitter son emploi aux termes de l'article 28, de sorte qu'aucune exclusion et aucune pénalité ne soit imposée si la personne quitte volontairement son emploi, ne serait-il pas anormal de ne pas tenir compte de l'obligation de prendre soin d'un enfant avant d'évaluer si une personne raisonnable et prudente dans les mêmes circonstances que la prestataire aurait refusé de retourner à son emploi antérieur en invoquant les dispositions de l'alinéa 27(1)b)? À mon avis, non seulement serait-ce anormal, mais contraire à la politique générale du Parlement qui a fait adopter le paragraphe 28(4), plus particulièrement les alinéas 28(4)b) et 28(4)e), qui tiennent compte d'importantes considérations en ce qui a trait aux enfants et aux valeurs familiales.
À mon avis, compte tenu de l'adoption du paragraphe 28(4), et d'après ce que je comprends de l'expression « sans justification » utilisée dans l'article 28, qui impose une norme plus rigoureuse que le « motif valable » utilisé à l'article 27, l'obligation de la prestataire, dans le cas présent Mme Singh, de prendre soin de ses enfants aurait dû être prise en considération et par la Commission et par le conseil arbitral avant d'évaluer si, dans les circonstances, elle avait un motif valable de ne pas retourner à son ancien emploi. Le conseil arbitral aurait également dû tenir compte, dans les circonstances, de l'incapacité de la prestataire de trouver un moyen de transport convenable, facteur dont a fait mention le conseil arbitral seulement pour dire « qu'il aurait été trop long de parcourir la distance en utilisant les transports en commun ».
Je me propose d'exercer les pouvoirs conférés au juge-arbitre en vertu de l'article 81 pour rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre.
En ce qui a trait à la première décision de la Commission qui excluait la prestataire du bénéfice des prestations pour une période de dix semaines et lui imposait une réduction du taux des prestations payables, je fais droit à l'appel de la prestataire. J'en viens à cette conclusion en me basant sur le fait que dans les circonstances, elle avait un motif valable de refuser de retourner à son emploi antérieur et que, par conséquent, elle n'a pas négligé, sans motif valable, de profiter d'une occasion d'obtenir un emploi convenable. À mon avis, les circonstances pertinentes au moment où elle a refusé de retourner occuper cet emploi à la fin de novembre 1990, consistaient en son obligation de prendre soin de ses enfants, son incapacité de prendre des dispositions satisfaisantes pour leur garde afin de lui permettre de retourner au travail et son incapacité de trouver un moyen de transport satisfaisant, même si elle était libre de travailler à la maison à Bramalea pour son employeur à Weston; je suis donc d'avis que ces circonstances constituent un motif valable, en ce sens qu'une personne raisonnable et prudente dans les mêmes circonstances ne serait pas retournée à son emploi antérieur. Le seul fait qu'elle ait déjà travaillé à cet endroit, en soi, ne signifie pas qu'omettre d'y retourner après son congé de maternité était une négligence sans motif valable de profiter d'une occasion d'obtenir un emploi convenable. Après son congé de maternité, les circonstances avaient changé par rapport à l'époque où elle avait occupé cet emploi et ce, à deux égards importants. Elle avait des obligations supplémentaires envers un bébé et le moyen de transport dont elle profitait pour se rendre au travail n'était plus disponible.
Pour ce qui est de la deuxième décision de la Commission, à savoir que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations pour avoir négligé d'établir qu'elle était disponible pour travailler compte tenu des heures restreintes qu'elle était apte à consacrer au travail, il y a de nombreux cas de jurisprudence qui viennent étayer une telle décision. Lorsqu'une prestataire, pour quelque raison que ce soit, restreint les heures auxquelles elle est disposée à travailler, plus particulièrement lorsqu'il est prouvé qu'il y a peu ou pas de travail au cours de ces mêmes heures, on ne peut dire qu'elle est disponible pour travailler. Le prestataire doit établir qu'il est disponible pour travailler durant les heures de travail généralement applicables dans la collectivité s'il veut être considéré comme étant disponible pour le travail. Ainsi, rien ne permet d'accueillir l'appel de la prestataire interjeté auprès du conseil arbitral en ce qui a trait à cette décision de la Commission. Je remarque que dans sa lettre du 22 mars 1991 envoyée au juge-arbitre, la prestataire indique à cette époque qu'elle était disponible pour travailler de 14 heures à minuit et les fins de semaine. Ce changement ne pourrait être pertinent que pour la Commission qui voudrait déterminer la date appropriée à laquelle mettre fin à l'exclusion, question qui n'est pas soulevée dans le présent appel.
Enfin, quant à la décision de la Commission voulant que Mme Singh soit exclue du bénéfice des prestations puisqu'elle avait négligé d'établir qu'elle était disponible pour travailler, n'étant pas capable de prendre des dispositions satisfaisantes pour la garde de ses enfants compte tenu de ses obligations à leur égard, la jurisprudence renferme suffisamment de cas pour appuyer cette décision. En l'espèce, à l'époque où la Commission a rendu ses décisions en janvier 1991, la prestataire n'était simplement pas disponible pour travailler durant les heures normales au cours desquelles la majorité des gens travaillent. Tant qu'elle n'avait pas pris les dispositions nécessaires pour faire garder ses enfants, elle ne pouvait être considérée comme étant disponible pour travailler. À cet égard, la décision du conseil arbitral rendue le 6 mars 1991 indique qu'à cette époque, elle avait pris des dispositions temporaires pour la garde de ses enfants afin de chercher un emploi. Cela n'est pas un facteur qu'il faut prendre en considération au regard de sa disponibilité, sauf pour voir s'il est pertinent pour mettre un terme à son exclusion, question qui n'est pas soulevée dans le présent appel mais que la Commission devra prendre en considération.
Conclusion
En conséquence, j'accueille l'appel de la prestataire en ce qui a trait à son exclusion aux termes de l'article 27 de la Loi, ce qui a pour effet de renverser la décision de la Commission selon laquelle la prestataire était exclue du bénéfice des prestations pour une période de dix semaines, exclusion accompagnée d'une réduction de son taux des prestations aux termes de l'article 30.
Je rejette l'appel de la prestataire en ce qui a trait aux décisions de la Commission voulant qu'elle soit exclue du bénéfice des prestations, pour ne pas avoir établi qu'elle était disponible pour travailler,
À la lumière des conclusions tirées ici, l'affaire est renvoyée à la Commission qui devra déterminer à quel moment devrait prendre fin la période d'exclusion du bénéfice des prestations imposée à la prestataire pour avoir négligé d'établir sa disponibilité pour travailler.
W. Andrew MacKay
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
le 10 mars 1993.