• Accueil >
  • Bibliothèque de la jurisprudence
  • CUB 22820

    TRADUCTION

    EN VERTU DE LA Loi sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT À une demande de prestations par
    Robert MacPHEE

    - et -

    RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
    le prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
    rendue à Sydney (Nouvelle-Écosse), le 12 décembre 1991.

    DÉCISION

    MacKAY, J.:

    J'ai été saisi de l'appel du prestataire à Sydney (Nouvelle-Écosse) le 14 mai 1992. Le prestataire a plaidé sa propre cause, alors que la Commission était représentée par Me Kenneth Langley. Le prestataire en appelle de la décision du conseil arbitral portant qu'il n'est pas disponible pour travailler au sens de l'alinéa 14a) et du paragraphe 40(1) de la Loi sur l'assurance-chômage puisqu'il suit des cours. Il invoque le motif prévu à l'alinéa 80c) de la Loi, à savoir que le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

    L'article 14 de la Loi porte que :

    14. Un prestataire n'est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d'une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu'il était :
    a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d'obtenir un emploi convenable ce jour-là
    b) soit incapable de travailler ce jour-là par suite d'une maladie, blessure ou mise en quarantaine prévue par les règlements et qu'il aurait été sans cela disponible pour travailler.

    Le paragraphe 40(1) de la Loi porte que :

    40.(1) Aucune personne n'est admissible au bénéfice des prestations pour une semaine de chômage au cours d'une période de prestations établie à son profit avant d'avoir présenté une demande de prestations pour cette semaine conformément à l'article 41 et aux règlements et prouvé que :
    a) d'une part, elle remplit les conditions requises pour recevoir des prestations;
    b) d'autre part, il n'existe aucune circonstance ou condition ayant pour effet de l'exclure du bénéfice des prestations ou de la rendre inadmissible à celui-ci.

    Le prestataire fonde sa demande de prestations sur l'emploi de camionneur qu'il a occupé à temps plein à la Paul Price Sales Ltd. du 10 juin 1991 au 4 septembre 1991. Sur son formulaire de demande, il précise qu'il ne travaille plus parce qu'il a repris ses études. Avant son emploi à la Paul Price Sales Ltd., il a travaillé à temps plein comme démarcheur à la Prudentielle d'Amérique Compagnie d'Assurance Générale du 8 janvier 1990 au 14 septembre 1990.

    Le prestataire a commencé à suivre des cours de techniques commerciales le 5 septembre 1991. Ses cours avaient lieu les lundi, mardi, mercredi et vendredi, de 8 h 30 à 11 h 20, et les jeudi, de 9 h 30 à 12 h 20. Dans sa lettre du 22 octobre 1991, la Commission a informé le prestataire qu'il n'était pas admissible aux prestations depuis le 5 septembre 1991 puisqu'il n'avait pas prouvé qu'il était disponible pour travailler, ses études l'empêchant de rechercher et d'accepter un emploi convenable.

    Aux termes du paragraphe 14(1) de la Loi, un prestataire doit être capable de travailler, disponible à cette fin et incapable d'obtenir un emploi convenable chaque jour visé par les prestations qui lui seront versées. Il est bien établi dans la jurisprudence qu'un prestataire qui suit des cours à temps plein satisfait rarement aux trois conditions et il est donc présumé indisponible pour travailler. Dans la décision CUB 11227, Vall, le juge-arbitre Joyal a fait observer :

    « La jurisprudence a solidement établi que ce n'est que dans des cas extrêmement rares et des plus exceptionnels que des étudiants à plein temps ont été en mesure de satisfaire à ces trois conditions. La présomption est toujours très forte contre l'étudiant. Le fait qu'il suive un cours d'instruction à temps plein, que ce soit à l'école secondaire, au collège communautaire ou dans une école de métiers privée, est plus explicite que tout ce qu'il pourrait dire. Le simple fait qu'un prestataire déclare qu'il est prêt à abandonner ses cours s'il obtient un emploi ou que, de toute façon, il n'y a pas d'emploi disponible pour lui, entre généralement en contradiction avec le simple fait qu'il suit un programme d'études à plein temps. »

    Un étudiant peut cependant réfuter la présomption de non-disponibilité en prouvant qu'il a par le passé marié travail et études à temps plein. Dans la décision CUB 7261, Girard, le juge-arbitre Walsh laisse entendre qu'un étudiant peut être considéré comme disponible pour travailler pendant ses études s'il prouve qu'il peut occuper un emploi tout en poursuivant ses études à temps plein :

    « Il y a certes beaucoup d'étudiants à temps plein qui réussissent à trouver de l'emploi à temps partiel durant leurs heures libres pour les aider à subventionner les frais de leurs cours, mais en règle générale, la jurisprudence exige une preuve que c'est possible pour l'étudiant en question, comme si par exemple il avait réussi à trouver de tels emplois les années précédentes. »

    Le prestataire en l'espèce soutient qu'il a établi son habitude de travailler à temps partiel pendant ses études. C'est ce qu'il a fait pendant ses études secondaires, soit de 1982 à 1984, et pendant sa première année d'université en 1985. De 1986 à 1991, cependant, il a travaillé à temps plein et n'a pas suivi de cours.

    Il allègue qu'il faut tenir compte non seulement du dernier emploi du prestataire, mais plutôt de tous ses antécédents professionnels pour établir s'il a l'habitude de travailler à temps partiel pendant ses études. La Commission soutient que l'habitude du prestataire de marier le travail à ses études doit être établie au cours de ses emplois récents.

    La jurisprudence sur cette question peut sembler contradictoire, mais chaque cause est décidée à partir des faits particuliers de l'affaire. Dans la décision CUB 20291, Roberts [le 14 août 1991], le juge-arbitre Joyal a rejeté l'appel d'un prestataire qui suivait des cours de 8 h 30 à 13 h 30 les lundi, mercredi et vendredi. Il a défini des études à temps plein comme la fréquentation d'un établissement d'enseignement le matin du lundi au vendredi inclusivement.

    Sur la question du travail à temps partiel pendant les études secondaires, le juge-arbitre Joyal a déclaré explicitement :

    « De plus, il ne suffit pas que le prestataire soit disponible pour travailler à temps partiel, c'est-à-dire en soirée et pendant la fin de semaine. Le prestataire doit être disponible pour chercher et accepter un emploi à temps plein pendant les heures normales de travail, ce qui veut habituellement dire de 9 h à 17 h les jours ouvrables ...
    Il y a une seule exception à cette règle : le prestataire qui établit son habitude de travailler à temps partiel tout en suivant des cours à temps plein et qui perd ensuite son emploi à temps partiel. En l'occurrence, le prestataire doit jouir d'un délai raisonnable pour se trouver un autre emploi à temps partiel semblable avant d'être exclu du bénéfice des prestations ...
    Ces cas sont extrêmement rares toutefois. Les prestataires qui ont simplement occupé des emplois à temps partiel autrefois pendant leurs études secondaires ne se rangeraient pas dans cette catégorie. Le prestataire doit plus exactement démontrer qu'il travaille à temps partiel régulièrement et sans interruption pendant assez longtemps qu'il est évident qu'il est capable de travailler et disponible à cette fin. Si le prestataire perdait ensuite son emploi à temps partiel, il aurait droit à des prestations d'assurance-chômage calculées à partir du revenu qu'il tirait de cet emploi jusqu'à échéance d'un délai raisonnable pour se trouver un autre emploi convenable. »

    Le juge-arbitre a conclu que même si le prestataire soutenait avoir travaillé autrefois en soirée et la fin de semaine pendant ses études, aucune autre preuve n'avait été présentée confirmant ce fait, et que, de toute façon, il avait occupé cet emploi au moins un an avant d'entreprendre les cours qu'il suivait au moment de la présentation de sa demande de prestations. Si le juge-arbitre a convenu que le prestataire travaillait à temps partiel pendant les trois premières semaines de ses cours, il a estimé que trois semaines ne constituaient guère une période suffisante pour établir une habitude de travailler à temps partiel pendant ses études.

    Dans l'affaire MacLean [CUB 21878, le 30 juillet 1992], le juge-arbitre Dubé a conclu qu'un étudiant à temps partiel qui, par le passé, avait régulièrement marié travail et études était disponible aux termes du paragraphe 14(1) de la Loi même si c'était pendant ses années d'études secondaires et sa première année d'université, soit l'année scolaire 1984-1985, qu'il avait travaillé tout en poursuivant ses études. Dans cette affaire, le prestataire était un technicien en génie mécanique qui avait repris ses études après avoir travaillé à temps plein du 9 mai 1988 au 11 août 1989. Un an après avoir repris ses études, il a présenté une demande de prestations fondée sur le revenu qu'il avait tiré de son emploi à temps plein, et des prestations lui furent versées jusqu'en septembre 1990, date à laquelle il s'est inscrit à des cours comme étudiant à temps partiel. Le prestataire n'avait alors pas marié le travail aux études depuis 1985, soit depuis cinq ans. Le juge-arbitre Dubé a conclu que le prestataire avait travaillé et étudié en même temps par le passé et qu'il était disponible pour travailler. Dans cette affaire, cependant, le prestataire poursuivait ses études à temps partiel et n'avait que neuf heures de cours par semaine. De plus, le prestataire avait démontré, preuves à l'appui, qu'il n'avait pas besoin d'assister assidûment aux cours pour réussir, qu'il avait trois heures de cours en soirée et que ses notes étaient bonnes même s'il n'assistait pas à tous les cours, de sorte que son activité professionnelle ne risquait pas de nuire à ses études.

    Dans l'affaire Mueck [CUB 13171, le 28 janvier 1987], le prestataire fréquentait l'école secondaire quatre heures par jour, cinq jours par semaine. Il a déclaré qu'il n'était pas disposé à abandonner ses études et ne pouvait pas changer ses heures de cours. Il était cependant disponible pour travailler tous les jours de 15 h à 23 h ainsi qu'en fin de semaine. Le juge-arbitre a conclu que puisque le prestataire avait travaillé épisodiquement de 15 h à 23 h pendant environ quatre ans, la restriction des heures de travail n'était pas déraisonnable même si son dernier emploi, qu'il avait occupé pendant seulement dix-neuf semaines avant de présenter sa demande de prestations, était un emploi à temps plein.

    Dans l'affaire Lankowski [CUB 17934] également, le juge-arbitre a convenu que, manifestement, la prestataire avait par le passé marié le travail à ses études, et il a conclu que le prestataire était disponible pour travailler. Dans cette affaire, la prestataire avait travaillé à temps plein de 9 h à 17 h 30 de mars 1988 à juin 1988, sauf pendant les deux semaines du mois de mars où elle avait travaillé de 17 h 30 à 21 h. En juillet 1988, elle a repris ses études à temps plein, assistant aux cours de 9 h à 14 h 30, du lundi au vendredi. Elle fut jugée inadmissible aux prestations à compter de la date à laquelle elle a commencé ses études. Confirmant cette décision, le conseil arbitral a conclu que la prestataire avait établi qu'elle avait travaillé à temps plein, mais non qu'elle avait marié le travail à ses études, du moins pas au niveau postsecondaire.

    Devant le juge-arbitre, la prestataire a démontré que, de 1983 à 1986, elle avait en fait occupé divers emplois et travaillé l'après-midi et en soirée tout en poursuivant ses études et qu'en 1987, elle avait travaillé de midi à 21 h. Elle a soutenu que tous ses antécédents professionnels devraient être pris en considération, et non seulement son dernier emploi. Le juge-arbitre, qui a accueilli l'appel de la prestataire, a conclu que la constatation du conseil arbitral portant que la prestataire avait pris l'habitude de travailler à temps plein seulement était incorrecte car elle avait clairement démontré un comportement antérieur d'activité professionnelle en dehors de ses heures de cours.

    Bien qu'il n'y ait qu'une des affaires susmentionnées où l'habitude du prestataire de travailler et étudier en même temps datait de cinq ou six ans avant la reprise de ses études, une période de travail à temps plein s'intercalant entre les deux, j'estime que le même principe s'applique aux prestataires qui n'auraient pas marié travail et études pendant leur dernier emploi. Le prestataire en l'espèce a démontré qu'il avait travaillé tout en poursuivant ses études non seulement à l'école secondaire, mais aussi pendant sa première année d'université. Il étudiait ces années-là. Le fait qu'il ait ensuite travaillé à temps plein, sans suivre des cours en même temps, ne devrait pas exclure ses antécédents d'activité professionnelle et d'études concomitantes.

    Lorsqu'un juge-arbitre est saisi d'un appel d'une décision d'un conseil arbitral, il est habilité aux termes de l'article 81 de la Loi à trancher toute question de droit ou de fait pour statuer sur un appel, à rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre ou à renvoyer l'affaire au conseil arbitral pour nouvelle audition. En l'occurrence, il convient, à mon avis, que j'exerce le pouvoir discrétionnaire que me confère l'article 81 de la Loi, et que je rende la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre.

    Compte tenu de la preuve portée à la connaissance du conseil arbitral ainsi que des arguments présentés par le prestataire et la Commission devant le juge-arbitre, je conclus que le prestataire a bien établi son habitude de travailler tout en poursuivant ses études à temps plein, bien qu'il n'ait pas marié les études au travail pendant qu'il occupait son dernier emploi. Il était, à mon avis, disponible pour travailler au sens de l'article 14 de la Loi. De fait, la Commission ne conteste pas que le prestataire ait démontré son habitude de travailler tout en poursuivant ses études. Elle soutient simplement que puisque son dernier emploi déroge à ce régime d'activité professionnelle et d'études concomitantes, il ne se range pas dans le groupe exceptionnel des étudiants qui ont droit aux prestations d'assurance-chômage pendant qu'ils suivent des cours.

    D'après la jurisprudence, lorsqu'un prestataire réussit à réfuter la présomption de non-disponibilité pendant ses études, on doit lui accorder un délai raisonnable pour trouver un emploi avant de le rendre inadmissible au bénéfice des prestations parce qu'il limite les heures pendant lesquelles il est disponible pour travailler. De plus, lorsqu'une personne touche des prestations, il faut la préaviser qu'elle perdra son droit aux prestations en raison de sa non-disponibilité, vu la limitation de ses heures de disponibilité par suite de ses études.

    Dans l'affaire Drouin [CUB 11679A, le 29 janvier 1987], le juge-arbitre Denault a conclu qu'un prestataire qui est disposé à travailler à temps partiel et qui a travaillé à temps partiel par le passé doit jouir d'un délai raisonnable pour trouver un emploi avant de perdre son droit aux prestations. Il a jugé qu'un délai de quatre mois était non seulement raisonnable, mais généreux.

    Le prestataire en l'espèce a présenté une demande de prestations portant sur la période commençant le 5 septembre 1991. Ce n'est que le 22 octobre 1991 qu'on l'a informé qu'il n'était pas admissible aux prestations parce que ses études limitaient sa disponibilité. Ayant établi qu'il avait marié travail et études par le passé, le prestataire était, à mon avis, disponible pour travailler. On aurait dû alors fixer à son profit une période de prestations commençant à la date réglementaire et lui verser des prestations, pendant un certain temps du moins. La période de prestations aurait dû comprendre un délai raisonnable suivant préavis qu'il serait inadmissible au bénéfice des prestations si sa recherche d'emploi n'était pas élargie au delà des heures de liberté que lui laissaient ses études. En l'espèce, le délai d'exclusion devrait être d'au moins trois semaines suivant le 22 octobre. A mon avis, le prestataire aurait dû avoir au moins trois semaines à compter de la date de cette décision pour élargir le champ de sa recherche d'emploi avant de perdre effectivement son droit aux prestations.

    J'accueille l'appel du prestataire pour les motifs précédents. Je conclus qu'il était disponible pour travailler. A supposer qu'il soit par ailleurs admissible aux prestations, toute décision portant qu'il n'est plus admissible en raison du peu de temps libre que lui laissent ses études ne devrait être exécutoire que dans un délai d'au moins trois semaines suivant l'avis donné par les présentes le 22 octobre 1991.

    W. Andrew MacKay

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    le 25 juin 1993.

    2011-01-16