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  • CUB 22834

    TRADUCTION

    EN VERTU DE LA Loi sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT À une demande de prestations par
    Frederick Carter

    - et -

    RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
    le prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
    rendue à New Glasgow, le 5 décembre 1991.

    DÉCISION

    MacKAY, J.

    J'ai été saisi de l'appel du prestataire le 13 mai 1992. Le prestataire a plaidé sa propre cause, alors que la Commission était représentée par Me MacPherson-Duncan.

    Le prestataire en appelle de la décision du conseil arbitral en vertu de l'alinéa 95b) [l'actuel alinéa 80b) de la Loi sur l'assurance-chômage. Il soutient que la décision du conseil est entachée d'une erreur de droit.

    Le prestataire a travaillé pour Loomis Courier jusqu'au 15 avril 1991; il fut alors licencié à cause d'un manque de travail. Il a présenté une demande de prestations d'assurance-chômage, son admissibilité fut établie et sa période de prestations a commencé le 5 mai 1991. Le 3 septembre 1991, il a repris ses études secondaires dans le but de terminer sa 12e année. La Commission a alors suspendu ses prestations, jugeant qu'il n'était plus disponible pour travailler comme l'exige l'article 14 de la Loi sur l'assurance-chômage puisqu'il limitait les heures pendant lesquelles il était disponible pour travailler. L'article 14 de la Loi porte que :

    14. Un prestataire n'est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d'une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu'il était :
    a) soit capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d'obtenir un emploi convenable ce jour-là
    b) soit incapable de travailler ce jour-là par suite d'une maladie, blessure ou mise en quarantaine prévue par les règlements et qu'il aurait été sans cela disponible pour travailler.

    Le conseil arbitral a conclu que le prestataire n'était pas disponible pour travailler, et il a confirmé la décision de la Commission.

    Il s'agit en l'espèce d'établir si le conseil arbitral a commis une erreur en concluant à la non-disponibilité du prestataire.

    Le prestataire suit des cours de 9 h à 14 h 50, du lundi au vendredi inclusivement. Il est disponible pour travailler en semaine de 15 h à 8 h ainsi que toute la fin de semaine. Sur sa fiche de formation (Pièce 6-1), le prestataire a indiqué qu'il avait l'intention de travailler à temps plein tout en poursuivant ses études.

    Dans la décision CUB 11227, Vall [le 20 septembre 1985], le juge-arbitre Joyal affirme que l'article 14 de la Loi établit trois conditions auxquelles le prestataire doit satisfaire pour prouver qu'il est disponible pour travailler : le prestataire doit être capable de travailler, disponible à cette fin et incapable de trouver un emploi convenable. Le prestataire doit remplir les trois conditions à la fois.

    Il est bien établi dans la jurisprudence qu'un prestataire qui suit des cours à temps plein satisfait rarement aux trois conditions, et il est donc présumé indisponible pour travailler. Dans l'affaire Vall [supra], le juge-arbitre Joyal a fait les observations suivantes sur le sujet :

    « La jurisprudence a solidement établi que ce n'est que dans des cas extrêmement rares et des plus exceptionnels que des étudiants à plein temps ont été en mesure de satisfaire à ces trois conditions. La présomption est toujours très forte contre l'étudiant. Le fait qu'il suive un cours d'instruction à temps plein, que ce soit à l'école secondaire, au collège communautaire ou dans une école de métiers privée, est plus explicite que tout ce qu'il pourrait dire. Le simple fait qu'un prestataire déclare qu'il est prêt à abandonner ses cours s'il obtient un emploi ou que, de toute façon, il n'y a pas d'emploi disponible pour lui, entre généralement en contradiction avec le simple fait qu'il suit un programme d'études à plein temps. »

    Par contre, si un étudiant peut réfuter la présomption de non-disponibilité en prouvant qu'il a par le passé marié le travail à temps partiel à ses études, il peut être considéré comme disponible pour travailler. Dans l'affaire Drouin [CUB 11679A, le 29 janvier 1987], le juge-arbitre Denault a conclu qu'un prestataire qui est disposé à travailler à temps partiel et qui a travaillé à temps partiel par le passé doit jouir d'un délai raisonnable pour trouver un emploi avant de perdre son droit aux prestations.

    Dans la décision CUB 7261, Girard [le 3 juin 1982], le juge-arbitre Walsh laisse entendre qu'un étudiant peut être considéré comme disponible pour travailler pendant ses études s'il prouve qu'il peut occuper un emploi tout en poursuivant ses études à temps plein :

    « Il y a certes beaucoup d'étudiants à temps plein qui réussissent à trouver de l'emploi à temps partiel durant leurs heures libres pour les aider à subventionner les frais de leurs cours, mais en règle générale, la jurisprudence exige une preuve que c'est possible pour l'étudiant en question, comme si par exemple il avait réussi à trouver de tels emplois les années précédentes. »

    Le prestataire en l'espèce a établi devant le conseil arbitral que pendant au moins un an, il a travaillé tout en suivant ses cours. Dans sa lettre du 16 novembre 1991 interjetant appel de la décision initiale de la Commission de suspendre ses prestations, il affirme :

    « (J'en appelle) de cette décision car les timbres accumulés pour faire cette demande, je les ai gagnés pendant que je fréquentais l'école l'an dernier. Mes heures de cours sont les mêmes que l'an dernier. Ne suis-je pas disponible pour travailler cette année si je l'étais l'an dernier? »

    Il semble bien que le prestataire fréquentait l'école à temps plein pendant qu'il travaillait chez Loomis Courier et gagnait la rémunération assurable sur laquelle sont fondées ses prestations versées à compter du 5 mai 1991. Le conseil arbitral n'a pas fait état de l'habitude établie du prestataire de travailler tout en poursuivant ses études et il n'a pas conclu à un tel comportement d'activité bien que cette preuve lui fût présentée de toute évidence. J'estime que le conseil s'est prononcé sans se reporter à la preuve pertinente qui avait été portée à sa connaissance.

    Devant le juge-arbitre, le prestataire a déclaré qu'il avait occupé deux emplois pendant qu'il fréquentait l'école à temps plein : il faisait le poste du soir chez Loomis Courier et il travaillait au grand magasin Zellers.

    Lorsqu'un juge-arbitre est saisi d'un appel d'une décision d'un conseil arbitral, il est habilité aux termes de l'article 81 de la Loi à trancher toute question de droit ou de fait pour statuer sur un appel, à rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre ou à renvoyer l'affaire au conseil arbitral pour nouvelle audition. En l'occurrence, il convient, à mon avis, que j'exerce le pouvoir discrétionnaire que me confère l'article 81 de la Loi, et que je rende la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre.

    Compte tenu de la preuve portée à la connaissance du conseil arbitral ainsi que des arguments présentés par le prestataire devant le juge-arbitre, je conclus que le prestataire a bien établi son habitude de travailler tout en poursuivant ses études à temps plein et qu'il était disponible pour travailler au sens de l'article 14 de la Loi. De fait, comme l'a déclaré Me MacPherson-Duncan devant le juge-arbitre, la Commission admet que le prestataire a établi son comportement d'activité professionnelle à temps partiel. Elle estime cependant que le prestataire avait du mois de mai jusqu'au mois de septembre 1991 pour trouver un emploi adapté aux heures restreintes que ses études lui laissaient et qu'il n'a donc pas droit à une prolongation de délai au delà du 4 septembre 1991 avant de perdre son droit aux prestations.

    De plus, après avoir étudié l'état du Marché du travail dans la région du détroit de Canso où le prestataire cherchait un emploi de pompiste, de manoeuvre ou de commis, la Commission a jugé que le prestataire avait très peu de possibilités d'emploi. Elle soutenait donc que le prestataire aurait dû augmenter, et non restreindre, ses heures de disponibilité.

    A mon avis, la Commission doit non seulement accorder au prestataire un délai raisonnable pour se trouver un emploi avant de le rendre inadmissible au bénéfice des prestations, mais aussi lui donner un préavis raisonnable de la suspension de ses prestations s'il n'élargit pas ses heures de disponibilité. Ce n'est pas ce qui s'est produit dans ce cas-ci.

    Le prestataire fut avisé le 6 novembre 1991 qu'il n'avait plus droit aux prestations à compter du 4 septembre 1991, soit deux mois plus tôt. Cela ne lui permettait pas de modifier son horaire de manière à maintenir son admissibilité aux prestations. Il a simplement été avisé de la suspension rétroactive de ses prestations.

    Siégeant à titre de juge-arbitre dans l'affaire Tibbles [CUB 15771, le 28 septembre 1988], le juge en chef adjoint Jerome a conclu que le prestataire a le droit d'en être averti lorsque la Commission prévoit modifier les conditions d'admissibilité :

    « La disponibilité pour travailler est une question de fait à trancher à la lumière des circonstances spéciales de chaque cas. Quand un prestataire habite une petite localité, il est parfois très difficile de déterminer un critère équitable concernant la disponibilité. La règle veut que le prestataire bénéficie d'une période raisonnable pour trouver un emploi convenable dans sa localité, mais à la fin de cette période, si la restriction subsiste, il cesse d'être admissible au bénéfice des prestations. Comme il est difficile de déterminer ce qui est raisonnable dans chaque cas, il a été jugé que les prestataires devraient être prévenus par la Commission lorsqu'ils persistent trop longtemps à restreindre exagérément leur recherche d'emploi. Ni la Loi ni le Règlement n'exige que soit donné cet avertissement, mais aux termes de simples principes d'équité, si les conditions d'admissibilité au bénéfice des prestations doivent changer, le prestataire a le droit de le savoir et d'avoir une possibilité raisonnable de prendre des mesures pour y satisfaire. En l'espèce, la prestataire n'a jamais reçu d'avertissement ni eu de chance de satisfaire aux exigences de la Commission; elle a simplement été informée de l'inadmissibilité après le fait. »

    Dans l'affaire Cook [CUB 19338, le 27 février 1991], la juge-arbitre Barbara Reed s'est appuyée sur la décision rendue dans l'affaire Tibbles précitée :

    « La jurisprudence établit clairement que la Commission devrait prévenir une personne avant de l'exclure du bénéfice des prestations parce qu'elle limite trop sa recherche d'emploi. Dans la décision CUB 15771, Tibbles [le 28 septembre 1988], le juge en chef adjoint Jerome a fait remarquer que les prestataires devraient être prévenus par la Commission lorsqu'ils persistent trop longtemps à restreindre exagérément leur recherche d'emploi. Il a précisé que ni la Loi ni le Règlement ne l'exigeait, mais que c'était simplement un principe d'équité : si les conditions d'admissibilité au bénéfice des prestations doivent changer, le prestataire a le droit de le savoir et d'avoir une possibilité raisonnable de s'y conformer. Voir aussi CUB 16823, Nichols [le 17 juillet 1989]; CUB 14701, Jelen [le 8 janvier 1988]; CUB 14708, Rogers [le 29 janvier 1988]; CUB 13115, McAllister [le 19 janvier 1987]; CUB 16859, Rato [le 14 août 1989]; CUB 17065, Kozak [le 12 septembre 1989]; CUB 17928, Adams [le 5 avril 1990]. »

    J'avoue que dans ces affaires, le litige portait non pas sur la restriction des heures de disponibilité, mais sur la restriction de la disponibilité en raison de problèmes de transport [Tibbles] ou du type d'emploi et du salaire [Cook]. J'estime cependant qu'il est également du devoir de la Commission de prévenir un étudiant-prestataire lorsqu'elle le juge inadmissible aux prestations à cause de la restriction de ses heures de disponibilité.

    Dans l'affaire Jelen [CUB 14701, le 8 janvier 1988], le juge en chef adjoint Jerome a établi que la durée du délai « raisonnable » consenti au prestataire pour lui permettre d'élargir sa recherche d'emploi dépendra, en partie du moins, du nombre de semaines ou de mois pendant lesquels il a touché des prestations. Dans cette affaire, comme le prestataire avait touché des prestations pendant huit mois, le juge en chef adjoint Jerome a conclu que quatre semaines constituait un délai raisonnable.

    En l'espèce, le prestataire a touché des prestations à compter du 5 mai 1991. Le 6 novembre 1991, il avait donc bénéficié d'environ six mois de prestations. A mon avis, pour être raisonnable, le délai consenti au prestataire devrait être porté à quatre semaines à compter de la date à laquelle il a été avisé de son inadmissibilité, c'est-à-dire quatre semaines suivant le 6 novembre 1991, et son admissibilité aux prestations devrait être maintenue jusqu'à l'échéance de ce délai, en supposant que sa période de prestations n'expire pas avant le délai.

    Pour les motifs précédents, l'appel du prestataire est accueilli.

    W. Andrew MacKay

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    le 9 juillet, 1993.

    2011-01-16