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  • CUB 22891

    TRADUCTION

    EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT À une demande par
    EARL McFARLAND

    - et -

    RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
    le prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
    rendue le 2 janvier 1991, à Halifax (Nouvelle-Écosse)

    DÉCISION

    Le JUGE ROULEAU:

    J'ai été saisi de cette affaire à Halifax, en Nouvelle-Écosse, le 21 juin 1993.

    L'intéressé interjette appel de la décision unanime d'un conseil arbitral, confirmant la décision de l'agent d'assurance selon laquelle le montant hebdomadaire de 460 dollars qu'il a reçu comme pension de retraite constitue une rémunération devant être déduite des prestations auxquelles il serait sans cela admissible, conformément aux articles 57 et 58 du Règlement sur l'assurance-chômage.

    L'intéressé, ancien pilote des Forces armées canadiennes, a pris sa retraite en 1980. Le 28 août 1988, il a accepté un contrat d'un an à la BFC de Shearwater. À la fin de ce premier contrat, deux prorogations lui ont été offertes, et il a continué de travailler jusqu'au 26 octobre 1990. L'intéressé a reçu sa pension des Forces armées pendant la première année du contrat, mais non pendant les 18 mois de prorogation. Durant cette période, sa pension existante a fait l'objet d'un roulement dans son régime de pension, et l'intéressé a été contraint de cotiser une fois de plus au fonds de pension. Par ailleurs, comme on avait déterminé qu'il occupait un emploi assurable, il a été tenu de payer des cotisations d'assurance-chômage. Il a présenté une demande de prestations le 25 octobre 1990 et a été informé par lettre datée du 17 novembre 1990 de la décision de la Commission de répartir sa pension.

    Cette décision était fondée sur les articles 57 et 58 du Règlement sur l'assurance-chômage. Les dispositions qui s'appliquaient à ce moment-là sont les suivantes :

    57.(1) Dans le présent article,
    "pension" désigne toute pension de retraite :
    a) provenant d'un emploi, y compris un emploi à titre de membre des Forces canadiennes ou de toute force de police,
    57.(2) Sous réserve du présent article, la rémunération dont il faut tenir compte pour déterminer s'il y a eu arrêt de rémunération et fixer le montant à déduire des prestations payables en vertu des paragraphes 26(1) ou (2), 29(4), 30(5), 32(3) et 32.1(4) de la Loi, ainsi que pour l'application des articles 51 et 52 de la Loi, est
    e) les sommes payées ou payables à un prestataire le 5 janvier 1986 ou après cette date, que ce soit sous forme de montants périodiques ou forfaitaires, au titre ou au lieu d'une pension;
    57.(3) La partie du revenu que le prestataire tire de l'une ou l'autre des sources suivantes n'a pas valeur de rémunération aux fins mentionnées au paragraphe (2);
    j) les sommes visées à l'alinéa (2)e), si le nombre de semaines d'emploi assurables exigées à l'article 17 de la Loi pour l'établissement de la période de prestations du prestataire a été accumulé après la date à laquelle ces sommes sont devenues payables et pendant la période pour laquelle le prestataire a touché ces sommes.

    La Commission soutient que la pension de l'intéressé ne constitue pas une exception aux termes de l'alinéa 57(3)j) et doit donc être répartie, car la période de prestations de l'intéressé a été établie à un moment où une pension était payable. La Commission invoque la décision CUB 16276, dans laquelle un juge-arbitre a déterminé que si la pension en cours de versement est interrompue pour une période d'emploi durant laquelle l'intéressé redevient admissible au bénéfice des prestations en vertu de l'article 17 de la Loi, toute pension en cours de versement qui est reçue au cours d'une période de prestations subséquente doit être considérée comme ayant valeur de rémunération conformément au paragraphe 5(1) de la Loi sur le réexamen de l'admissibilité aux prestations d'assurance-chômage (pension).

    Le conseil arbitral a entendu cette cause le 2 janvier 1991; depuis, l'intéressé a appris que plusieurs de ses collègues, visés par les mêmes conditions d'emploi et tenus de cotiser à nouveau à leur régime de pension, ont été déclarés admissibles au plein montant des prestations d'assurance-chômage en vertu de l'alinéa 57(3)j) du Règlement. Il soutient que cet alinéa prête encore à interprétation. Il ajoute :

    Il est à mon sens inconcevable que, si j'avais quitté volontairement mon emploi un seul jour avant la fin d'une année complète de service continu, j'aurais obtenu mon plein salaire ainsi que ma pleine pension pour cette année-là et je serais, de surcroît, admissible au plein montant des prestations d'assurance-chômage. J'ai plutôt décidé de continuer à travailler jusqu'à l'âge de la retraite obligatoire (ce que l'on souhaite sûrement), et mon droit au bénéfice des prestations d'assurance-chômage s'en est trouvé ainsi lésé.

    J'en conviens. Je n'appuie pas l'interprétation étroite que fait mon collègue du paragraphe 5(1) de la Loi sur le réexamen de l'admissibilité aux prestations d'assurance-chômage (pension) et de l'alinéa 57(3)j) du Règlement, dans la décision CUB 16276. Dans l'arrêt Abrahams c. P.G. du Canada, [1983] 1 R.C.S., la juge Wilson a indiqué à la page 10 :

    Puisque le but général de la Loi est de procurer des prestations aux chômeurs, je préfère opter pour une interprétation libérale des dispositions relatives à la réadmissibilité aux prestations. Je crois que tout doute découlant de l'ambiguïté des textes doit se résoudre en faveur du prestataire.

    Je crois en l'espèce qu'il est légitime de se demander quel but poursuivait le législateur en adoptant les dispositions relatives aux pensionnés qui se réinsèrent dans la population active. Le gouvernement a reconnu que bon nombre de retraités qui, par choix ou par nécessité, décident de rester au sein de la population active. Certains sont tenus de prendre leur retraite de nombreuses années avant d'avoir atteint l'âge normal de la retraite; il s'agit, en particulier, des membres des Forces armées et de la GRC. Il est prévu que ces "retraités" trouveront un autre emploi après avoir pris leur "retraite". Ils cotiseront sans aucun doute au Régime d'assurance-chômage pendant qu'ils occuperont leur nouvel emploi. La pension ayant valeur de "rémunération" en vertu de l'alinéa 57(2)e), la loi rend effectivement ces personnes non admissibles au bénéfice des prestations d'assurance-chômage.

    Pour corriger cette inégalité, le Parlement a adopté la Loi sur le réexamen de l'admissibilité aux prestations d'assurance-chômage (pension), qui est à l'origine de l'alinéa 57(3)j) du Règlement. Aux termes de ces dispositions, un assuré qui redevient admissible au bénéfice des prestations d'assurance-chômage, en travaillant après avoir pris sa retraite, peut toucher des prestations et continuer de recevoir une pension.

    En l'espèce, l'intéressé a continué de recevoir sa pension pour les trois cent soixante-quatre premiers jours de son nouvel emploi. Cependant, en raison de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, quand la durée de son emploi a été prolongée au-delà d'un an, ses prestations de pension ont été interrompues pour la durée restante de l'emploi. Il est certain que cela a eu pour effet d'augmenter la pension qu'il devait recevoir au terme de cet emploi. En fait, il est indiqué dans le dossier que sa pension a augmenté de 687 dollars par mois.

    Si je m'en tenais aux motifs exposés par mon collègue dans la décision CUB 16276, l'intéressé n'aurait pas droit aux prestations, malgré l'intention évidente du Parlement quand il a adopté les dispositions relatives aux pensionnés qui se réinsèrent dans la population active. Je préconise une interprétation plus libérale de ces dispositions, une interprétation qui donne effet à l'intention réelle du Parlement.

    En conséquence, je suis convaincu que le conseil arbitral a erré en droit dans son interprétation de l'alinéa 57(3)j) et je modifierai sa décision par application de l'article 81 de la Loi.

    L'intéressé est devenu admissible au bénéfice des prestations sur la base d'une "deuxième" période d'emploi. Conformément à l'alinéa 57(3)j), les prestations de pension provenant de son premier emploi ne constituent pas une "rémunération" dont il faut tenir compte pour l'application de l'alinéa 57(2)e). Cependant, à mon sens, l'augmentation mensuelle de 687 dollars provenant de son "deuxième" emploi constitue une "rémunération" en vertu de cet alinéa et doit donc être déduite des prestations auxquelles il a autrement droit.

    P. ROULEAU

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    le 16 juillet 1993

    2011-01-16