TRADUCTION
EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-chômage
- et -
RELATIVEMENT À une demande de prestations par
Thelma J. BABET
- et -
RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre
par la prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
rendue à KELOWNA (Colombie-Britanique), le 30 janvier 1992.
DÉCISION
REED, J., JUGE-ARBITRE:
La prestataire interjette appel d'une décision du conseil arbitral qui a conclu qu'elle n'avait pas fait valoir de motif justifiant le retard de la présentation d'une demande de prestations du 19 mai 1991 au 19 août 1991.
Il est difficile de comprendre exactement pourquoi le conseil arbitral a tiré une telle conclusion. Sa décision se lit comme suit :
. . .
OBSERVATIONS :
M. Swail a affirmé à l'audience que la principale raison pour laquelle l'appelante n'avait pas présenté une nouvelle demande de prestations plus tôt était qu'elle comprenait, d'après ce qu'avait dit la Commission à une réunion d'information de tous les employés le 1er mars 1991 (pièce [sic] 16.1 à 16.3), qu'elle avait une année pour le faire. Elle croit fermement qu'elle a été mal renseignée par la Commission et, pour cette raison, M. Swail estime que la demande de sa cliente devrait être antidatée. Il invoque l'affaire Byker (CUB 18145) à titre de cas semblable. M. Swial [sic] a présenté d'autres renseignements le jour de l'audience (pièce [sic] 22.1 à 22.5).
L'appelante affirme que la principale raison pour laquelle elle n'a pas présenté une nouvelle demande plus tôt est qu'elle a été mal renseignée sur les exigences et a supposé que la Commission établirait automatiquement une période de prestations en mai (pièce 6.1). Elle estime que la Commission l'a induite en erreur lorsque, par l'entremise du Comité du SAAI, elle a demandé de suivre un cours de formation en premiers soins industriels à l'été de 1991 (pièce 13). Selon les renseignements au dossier, elle a reçu des directives écrites par une lettre datée du 16 avril 1991 où l'on lisait « quand cette situation cessera, vous pourrez faire une nouvelle demande si vous désirez recevoir des prestations » (pièce 3). La Commission l'a également informée, le 1er mars 1991, à une séance de groupe, qu'une période de prestations ne pouvait être établie par suite de la répartition d'une indemnité de départ et qu'elle devait faire une demande de prestations après la date indiquée sur son avis si elle était toujours en chômage et désirait qu'on examine son admissibilité au bénéfice des prestations (pièce 16.2). M. Sutherland, dont relève le Comité du SAAI, affirme que « Rien n'indique que la prestataire s'est adressée à nous pour demander des prestations » (pièce 13), au cours de l'été de 1991, comme elle le prétend. L'appelante affirme que cela est injuste, qu'elle n'a pas agi ainsi à dessein et qu'elle est punie pour son ignorance. Il reste que, comme le signale en partie le juge, dans l'affaire A-172-85 :
« À mon avis, lorsqu'un prestataire a omis de formuler sa demande dans le délai imparti et qu'en dernière analyse, l'ignorance de la loi est le motif de cette omission, on devrait considérer qu'il a prouvé l'existence d'un « motif valable ».
Le conseil arbitral n'a pu constater de motif valable de ne pas avoir présenté cette demande de prestations en temps utile : de mai à août semble une longue période.
CONCLUSION :
Le conseil arbitral comprend la situation de l'appelante, mais il conclut qu'elle ne peut faire antidater sa demande du 19 mai 1991 parce qu'elle n'a pas prouvé que, pendant toute la période du 19 mai 1991 au 19 août 1991, elle avait un motif justifiant son retard. Pour cette raison, le conseil arbitral décide que sa demande sera acceptée à partir du 19 août 1991.
On trouvera plus ample jurisprudence dans la décision CUB 11086.
DÉCISION :
Le conseil arbitral décide de rejeter l'appel.
L'article 79 de la Loi sur l'assurance-chômage exige que le conseil arbitral inclut dans sa décision « un exposé des conclusions du conseil sur les questions de fait essentielles » (c'est moi qui souligne). Bref, le conseil arbitral doit mentionner les faits qui l'ont mené à rendre sa décision. Le conseil arbitral doit envisager la rédaction d'une décision comme s'il devait expliquer à quelqu'un qui n'était pas présent à l'audience pourquoi il a rejeté certains éléments de preuve mais en a retenu d'autres. Par exemple, en l'espèce, il n'est pas clair pourquoi le conseil arbitral a cru l'affirmation de la prestataire selon laquelle les explications données à la réunion du 1er mars 1991 lui ont laissé croire qu'elle disposait d'une année pour faire sa demande de prestations et qu'elle a mal compris la teneur de la lettre du 18 mai 1991 parce qu'il ne s'y trouvait rien portant qu'elle y perdrait si elle ne faisait pas de demande immédiatement.
Dans la décision précitée, le conseil arbitral expose les arguments de la prestataire : elle avait compris, à la réunion du 1er mars 1991, qu'elle disposait d'une année pour faire une nouvelle demande; elle a supposé que la Commission établirait automatiquement une période de prestations en mai par suite de la demande qu'elle avait faite antérieurement; elle estimait avoir été induite en erreur parce qu'elle avait suivi un cours de premiers soins à l'égard duquel elle avait obtenu l'approbation de la Commission, approbation que devaient obtenir seulement les personnes qui bénéficiaient de prestations. Comme il a été mentionné, il est difficile de déduire de la décision du conseil arbitral s'il a accepté le témoignage de la prestataire concernant les mauvaises conclusions qu'elle avait tirées.
Le conseil arbitral mentionne deux facteurs sur lesquels on pourrait soutenir que se fonde sa décision. Il se reporte à la lettre du 16 avril 1991 par laquelle la prestataire était informée qu'elle pourrait faire une nouvelle demande à une date ultérieure. La prestataire avait demandé des prestations en mars et cette lettre répondait à sa demande. La lettre l'informait qu'elle n'était pas admissible au bénéfice des prestations par suite de la répartition faite de la paye de vacances et de l'indemnité de départ qu'elle avait reçues à la cessation de son emploi. Il lui était également dit « vous pourrez faire une nouvelle demande si vous désirez recevoir des prestations » à la fin de la période visée par cette répartition. Sa formule de demande ne lui a pas été retournée avec cette lettre et rien ne s'y trouvait qui l'informait qu'elle devait présenter une nouvelle demande dès la fin de la période visée par la répartition pour éviter de perdre des prestations qui lui seraient sans cela payables.
La deuxième chose que le conseil arbitral semble mentionner à l'appui de sa décision est l'affirmation de M. Sutherland, soit « Rien n'indique que la prestataire s'est adressée à nous pour demander des prestations ». Il ne s'agit évidemment pas d'une affirmation que M. Sutherland a faite directement devant le conseil arbitral. Il s'agit d'un rapport d'un employé de la Commission, une note au dossier, sur un entretien téléphonique avec M. Sutherland. Selon ce que je comprends du rôle de M. Sutherland, il lui incombait d'approuver la demande de bénéficiaires de prestations désireux de suivre un cours de premiers soins. Sans cette approbation, une personne pouvait être privée du bénéfice des prestations du fait qu'elle n'était pas disponible pour travailler. À part la demande que la prestataire a présentée en mars 1991, il est évident qu'aucune autre demande de prestations n'a été faite avant août 1991. C'est pourquoi elle sollicite l'antidatation. L'affirmation attribuée à M. Sutherland à cet égard n'est donc une preuve utile de rien. L'argument de la prestataire est qu'elle a présenté une formule pour obtenir de la Commission l'approbation de suivre le cours de premiers soins afin de ne pas perdre le bénéfice des prestations pendant qu'elle le suivrait. C'est ce document qu'elle a demandé à la Commission de trouver et qui ne l'a apparemment pas été. Cela ne signifie pas qu'on devrait en conclure que, contrairement à ce qu'elle prétend, elle n'a pas rempli le document exigé pour obtenir cette approbation. En réalité, la lettre du 28 janvier 1992, signée par Judy G. Quirk, se lit comme suit :
... Tous les participants ont été acceptés et assurés que le versement de leurs prestations d'assurance-chômage se poursuivrait pendant cette période de deux semaines s'ils étaient déjà inscrits ou recevaient des prestations hebdomadaires. À cette fin, chaque participant a rempli les documents nécessaires et les a retournés au bureau de chômage.
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Il est évidemment possible que la demande d'approbation de la prestataire ait été jetée parce que la Commission a constaté qu'aucune période de prestations n'était en cours, mais l'affirmation attribuée à M. Sutherland n'est d'aucune utilité pour décider si la prestataire était justifiée de solliciter l'antidatation.
Quoi qu'il en soit, comme je ne puis être certaine du critère que le conseil arbitral a appliqué ni des faits sur lesquels il s'est appuyé pour arriver à sa décision selon laquelle il n'existait pas de motif valable, j'infirmerai sa décision et je renverrai l'appel pour une nouvelle audition par des membres différents.
Les nouveaux membres devraient décider s'ils croient la prestataire, soit qu'elle a été confondue ou induite en erreur par les renseignements donnés le 1er mars 1991, qu'elle a également été induite en erreur par les circonstances relatives au cours de premiers soins et son expérience antérieure de demandes de prestations d'assurance-chômage. Il y a des aspects de l'explication de la prestataire qui semblent incohérents. L'affirmation selon laquelle elle s'attendait qu'il soit automatiquement établi une période de prestations et que des cartes lui soient envoyées à l'expiration de la période visée par la répartition ne s'accorde pas avec sa prétention selon laquelle elle croyait qu'elle disposait d'une année pour faire une demande sans perdre des prestations. Bien qu'il ne soit pas nécessaire que la prestataire s'explique personnellement devant le conseil arbitral, il est loisible à ce dernier de donner plus d'importance à une explication donnée directement par elle plutôt que par la bouche de son avocat. En outre, en ce qui concerne le critère à appliquer relativement au motif valable, le conseil arbitral pourrait vouloir se reporter à deux arrêts de la Cour d'appel : Procureur général du Canada c. John Z. Richardson (A-596-91, 7 octobre 1992) et Procureur général du Canada c. Albrecht, [1985] 1 C.F. 710 (A-172-85).
L'appel est accueilli et renvoyé à un groupe différent de membres du conseil arbitral pour nouvelle audition.
OTTAWA (Ontario)
le 26 août 1993.
B. Reed
JUGE-ARBITRE
2011-01-16