EN VERTU DE LA Loi de 1971 sur l'assurance-chômage
- et -
RELATIVEMENT À une demande de prestations présentée par
DANIELLE MAINVILLE
- et -
RELATIVEMENT À un appel interjeté devant le juge-arbitre par
la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada à l'encontre
d'une décision du conseil arbitral rendue à Longueuil (Québec)
le 11 juillet 1990
DÉCISION
LE JUGE BOURGEOIS:
La prestataire a formulé une demande initiale de prestations qui a débuté le 4 mars 1990 (pièce 2). Elle a produit deux relevés d'emploi avec sa demande. Le premier indique huit semaines d'emploi assurable ainsi qu'une rémunération assurable de 3 672 $ pour la période du 5 septembre au 27 octobre 1989 : ce relevé d'emploi ne fait l'objet d'aucune contestation.
Quant au deuxième, on y voit 15 semaines d'emploi assurable pour une rémunération assurable totale de 6 416 $. Cette rémunération a été obtenue au cours de la période du 6 novembre 1989 au 16 février 1990. Le genre de période de paie est indiqué comme étant "hebdomadaire - base annuelle" (pièce 3) : c'est ce relevé d'emploi qui fait la base du présent appel.
La prestataire était représentante ou vendeuse de publicité pour la revue "LE DÉPANNEUR" au cours de la période précitée : elle touchait un salaire de base de 242 $ par semaine auquel devaient venir s'ajouter des commissions payées à intervalles irréguliers.
Le 15 février 1990, elle a reçu un montant de 4 467,25 $ à l'égard de ventes de pages de publicité effectuées en novembre et décembre 1989 pour le numéro de janvier-février 1990 de la revue.
le 1er mars 1990, elle touchait cette fois une somme de 2 815,85 $ pour les ventes de publicité faites en janvier et février 1990 pour le numéro de mars-avril 1990 de la revue précitée (pièces 4.3 et 4.4).
Conformément au paragraphe 9(3) du Règlement sur la perception des cotisations, les deux sommes mentionnées plus haut n'auraient affecté que la rémunération assurable versée en 1990. Selon la Commission, c'est cet article 9(3) qui doit trouver son application dans la cause actuelle. L'article 9(3) se lit comme suit :
"(3) Nonobstant les paragraphes 4(1) et (2), lorsque des versements au titre de la rémunération sont faits à un assuré, relativement à son emploi, en fonction d'une période de paie régulière et que des commissions sont en outre versées à cet assuré, tous ces versements sont, sous réserve des paragraphes (5), (6) et (8), réputés être sa rémunération assurable versée en fonction d'une période de paie annuelle, et les cotisations exigibles à cet égard doivent être calculées selon les taux de cotisations établis en application de l'article 66 de la Loi, sur sa rémunération assurable ne dépassant pas, au total, le maximum de la rémunération annuelle assurable."
C'est ainsi que la rémunération assurable hebdomadaire de chacune des huit semaines de la période du 6 novembre au 29 décembre 1989 n'aurait pas augmenté, demeurant à 242 $. Quant à la rémunération assurable des sept semaines suivantes, soit pour la période du 1er janvier 1990 au 16 février 1990, enrichie des commissions versées en 1990, elle est passée du 242 $ au maximum de 640 $ (pièces 3.1, 4.3 et 4.4). En raison de ce qui précède, la rémunération assurable totale aux fins du calcul du taux hebdomadaire des prestations a été établie à 8 753 $ et le taux des prestations a été fixé à 263 $.
Par son appel devant le Conseil arbitral, la prestataire demandait que les commissions versées pour les huit semaines de travail en 1989 s'élevant à 3 467,25 $ soient réparties sur ces semaines plutôt qu'en 1990; la prestataire s'appuyait sur les articles 3.1 et 57.6 des Règlements (pièces 7.3 et 7.4).
Le Conseil arbitral a donné raison à la prestataire et a maintenu son appel (pièce 12). Voici comment il s'est exprimé :
"Question en litige:
Le taux de prestations a été fixé à 263 $ par semaine, étant donné que la rémunération assurable de la prestataire était de 8 753 $ et qu'elle avait 50 semaines d'emploi assurable.
L'écoute de la prestataire et de son représentant a permis aux membres du conseil de constater qu'il aurait fallu répartir le montant de 3 467,25 $ sur les périodes 8 et 15 inclusivement (pièce no,. 3.1) et ceci en se référant à l'article 3.1(1)(a) "Règlement sur la répartition de la rémunération", et l'article 6 du même règlement.
Les membres du conseil considèrent également que ce même montant a été gagné et les services rendus en 1989.
On constate aussi que les directives de la note de service (déposées et à joindre au dossier) en page 2, deuxième paragraphe, n'ont pas été suivies dans le cas présent.
Décision :
L'appel de la prestataire est accordé à l'UNANIMITÉ."
La Commission prétend que le Conseil arbitral a commis une erreur en droit lorsqu'il a accueilli l'appel de la prestataire. En effet, selon elle, il faut retenir ce que prévoit l'article 13(1) et 13(2) de la Loi, qui se lit comme suit :
"13(1) Le taux de prestations hebdomadaires qui peuvent être versées à un prestataire pour une semaine de chômage qui tombe dans sa période de prestations est une somme égale à soixante pour cent de sa rémunération hebdomadaire assurable moyenne au cours de ses semaines de référence.
13(2) Les semaines de référence d'un prestataire de la première catégorie sont les vingt dernières semaines d'emploi assurable de sa période de référence."
Retenons que, dans la cause actuelle, la rémunération de la prestataire était formée d'un salaire régulier ainsi que des commissions qui lui étaient payées à intervalles irrégulières. C'est donc dire que, dans le cas actuel, il y avait deux périodes de paie, une en l'année 1989 et l'autre 1990. De plus, la note de service qui est à la pièce 11.1 dit entre autres ce qui suit :
"L'employeur doit considérer une rémunération comme versée annuellement lorsqu'il s'agit :
a) de commissions versées à des intervalles irrégulier;
b) d'une combinaison d'avances ou de traitements réguliers et de commissions."
Et plus loin dans la même note de service, on voit ce qui suit :
"Afin de déterminer le montant à inscrire dans chacune des cases du numéro 20 du relevé d'emploi, l'employeur doit d'abord établir une moyenne hebdomadaire en considérant le total de la rémunération assurable reçue au cours d'une année civile et le répartir selon le nombre de semaines au cours desquelles l'employé était à l'emploi durant cette même année."
De plus, les dispositions pertinentes du règlement de la commission touchant les commissions se lisent comme suit :
"Commissions
Art. 9(1) Lorsqu'une rémunération sous forme de commissions est versées à un assuré, relativement à son emploi assurable, en fonction d'une période de paie hebdomadaire, multiple d'une semaine, bimensuelle ou mensuelle, sa rémunération pour la période doit être répartie et les cotisations ouvrières exigibles à cet égard déterminées conformément aux règles énoncées à l'article 7 pour la période de paie appropriée.
2) Nonobstant les paragraphes 4(1) et (2), lorsque des commission sont versées à un assuré, relativement à son emploi, en fonction d'une période de paie autre qu'une période de paie désignée au paragraphe (1), ces versements sont réputés être faits en fonction d'une période de paie annuelle et les cotisations exigibles à cet égard doivent être calculées, sous réserve des paragraphes (5), (6) et (8), selon les taux de cotisations établis en application de l'article 66 de la Loi, sur tous ces versements ne dépassent pas, au total, le maximum de la rémunération annuelle assurable.
(3) Nonobstant les paragraphes 4(1) et (2), lorsque des versements au titre de la rémunération sont faits à un assuré, relativement à son emploi, en fonction d'une période de paie régulière et que des commissions sont en outre versées à cet assuré, tous ces versements sont, sous réserve des paragraphes (5), (6) et (8), réputés être sa rémunération assurable versée en fonction d'une période de paie annuelle, et les cotisations exigibles à cet égard doivent être calculées selon les taux de cotisations établis en application de l'article 66 de la Loi, sur sa rémunération assurable ne dépassent pas, au total, le maximum de la rémunération annuelle assurable.
(4) Aux fins des paragraphes (2) et (3), lorsque le montant payé à un assuré par un employeur, dans l'année, est inférieur au minimum de la rémunération assurable pour la période d'emploi assurable de l'assuré comprise dans cette année, l'assuré est réputé ne pas avoir touché de rémunération assurable pour cette période.
(5) Lorsque l'emploi assurable d'une personne au service d'un employeur commence après le 1er janvier d'une année quelconque, le montant global du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable pour chaque semaine de la période de l'année qui précède la date du commencement d'un tel emploi (ci-après appelé "montant exclu") doit être déduit du maximum de la rémunération assurable de cette personne, pour le reste de l'année, ne doit pas dépasser l'excédent du maximum de la rémunération annuelle assurable sur le montant exclu.
(6) Lorsque l'emploi assurable d'une personne au service d'un employeur se termine avant la fin d'une année, le montant global du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable pour chaque semaine de la période de l'année qui suit la date de cessation de cet emploi (ci-après appelé "montant global") doit être déduit du maximum de la rémunération annuelle assurable et la rémunération assurable de cette personne pour la période durant laquelle elle a exercé cet emploi au cours de l'année ne doit pas dépasser l'excédent du maximum de la rémunération annuelle assurable sur le montant global.
(7) Lorsqu'un assuré est réputé, aux termes du présent règlement, être payé en fonction d'une période de paie annuelle, sa rémunération pour l'année ou partie de l'année, sous réserve des paragraphes (5), (6) et (8), doit être répartie également entre les semaines se terminant au cours de l'année ou de la partie de l'année dont il s'agit.
(8) Lorsqu'une personne exerçant un emploi assurable est en congé pendant une période continue d'une semaine ou plus et qu'elle ne touche pas de rémunération de son employeur en raison de ce congé, le montant global du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable pour chaque semaine d'une telle période (ci-après appelé "montant exclu") doit être déduit du maximum de la rémunération annuelle assurable de cette personne et sa rémunération assurable pour une telle période d'emploi au cours de l'année ne doit pas dépasser l'excédent du maximum de la rémunération annuelle assurable sur le montant exclu. (1 nov. 84)"
Selon le représentant de la prestataire, celle-ci avait droit à recevoir un salaire régulier plus des commissions pendant les deux années civiles 1989 et 1990 et pour appuyer cette prétention il se base sur les dispositions de l'article 58(6) du Règlement, qui prévoit que "La rémunération est ... d'un prestataire dont la rémunération est ... une commission, doit être répartie sur la semaine pendant laquelle sont fournis les services y ayant donné lieu ...".
Après mûre réflexion, je crois que la prestataire, par la voix de son représentant, a raison puisque les commissions pour le numéro de la revue "LE DÉPANNEUR" de janvier-février 1990, volume 6, au montant de 3 467,25 $ doivent être réparties sur les huit semaines en 1989 pour lesquelles le travail avait été effectué : c'est donc dire que même si ces commissions n'ont été versées qu'en 1990 la prestataire y avait droit en 1989 parce que le travail pour lesdites commissions avait été effectué en 1989 et par voie de conséquence les commissions pour le numéro de mars-avril 1990 au montant de 2 815,85 $ doivent être réparties sur les sept semaines en 1990 pour le travail effectué pendant cette période (voir pièces 7.5, 7.6 et 7.7).
En raison de ce qui précède, je suis d'avis que la rémunération que la prestataire a reçue comporte deux périodes, celles de 1989 et 1990, et que les commissions qui lui ont été versées par la suite doivent être réputées comme étant sa rémunération assurable pendant chaque année comme étant versée en fonction de la période de paie annuelle en 1989 et en 1990.
Le ministre du Revenu peut décider si l'emploi qui lui est soumis est assurable ou non et non pas quel est ce montant assurable. C'est dans ce sens que s'est prononcée la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Anderson, A-1496-84. La Cour d'appel fédérale s'est prononcée de la même façon dans l'affaire Michel Cloutier (A-592-92) où, à la page 7, l'Honorable juge Hugessen dit ceci :
"L'économie du programme d'assurance-chômage exige en effet, du moins en principe, que la cohérence entre les cotisations perçues et les prestations touchées soit aussi grande que possible. Toutefois, le fait que Revenu Canada se soit formé un opinion sur la question ne décharge par la Commission de son obligation de rendre sa propre décision, et elle ne devrait jamais, comme elle l'a fait, dire au prestataire qu'elle est liée par la décision du ministre du Revenue national."
Et, à la page 12, le juge Hugessen ajoute :
"Le ministre du Revenu national est spécialement chargé de l'administration de la Partie III, traitant, comme je l'ai déjà dit, de la perception des cotisations. Par ailleurs, le ministre n'a aucune responsabilité pour l'administration des Parties I et II, touchant respectivement les prestations d'assurance-chômage et les cotisations. Cette responsabilité est donnée à la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada. Toute question concernant l'admissibilité aux prestations relève de la compétence exclusive de la Commission.
Il s'ensuit, à mon avis, que le Règlement sur l'assurance-chômage (perception des cotisations) doit être limité, comme son titre l'indique bien, aux questions touchant la perception des cotisations.
Dans l'affaire Anderson, la Cour d'appel fédérale a clairement décidé que le ministre du Revenu peut seulement trancher sur la question de savoir si un emploi est assurable ou non.
Je crois qu'il est important de tenir compte que la rémunération assurable de la prestataire doit inclure non seulement son salaire régulier mais également les commissions qu'elle a gagnées tant en l'année 1989 qu'en l'année 1990 et qui sont contenues dans deux périodes de paie annuelles et que les cotisations comme aussi le taux des prestations doivent être calculés en conséquence.
Après une étude approfondie de toute cette affaire et après avoir entendu les arguments mis de l'avant par les représentants des parties, je suis d'avis que la décision du Conseil arbitral de maintenir l'appel de la prestataire est bien fondée en droit et que l'appel de la Commission devant le soussigné ne peut être retenu en tenant compte de la preuve et des dispositions pertinentes de la Loi ainsi que des Règlements mentionnées plus haut.
L'appel de la Commission est rejeté.
BOURGEOIS
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
le 21 juin 1993