TRADUCTION
EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-chômage
- et -
RELATIVEMENT À une demande de prestations par
LETICIA RINON
- et -
RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
la prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
rendue à Winnipeg (Manitoba), le 27 octobre 1992.
DÉCISION
WALSH, J.
Il est demandé au juge-arbitre saisi de cette cause de rendre une décision sur le dossier. Après 25 ans de travail dans l'industrie du vêtement, dont 8 ans chez Western Glove Works avant d'être informée que la méthode de rémunération allait changer de telle façon que son salaire serait réduit de 41 p. 100, l'appelante a quitté son emploi et s'est vu infliger une pénalité de sept semaines pour cela. Le conseil arbitral a à bon droit annulé cette pénalité en appel.
Elle avait précisé qu'elle espérait obtenir un emploi dans un autre secteur que l'industrie du vêtement dont elle était déçue. Toutefois, à 65 ans, cela n'aurait pas été facile. Quoi qu'il en soit, elle ne s'est pas limitée particulièrement à un emploi dans une autre industrie que celle du vêtement mais a simplement exprimé une préférence en ce sens. Après moins de deux mois de chômage, il lui a été signalé une possibilité d'emploi dans l'industrie du vêtement chez MWG Apparel, qui payait 5 $ l'heure plus tant la pièce. Elle s'est rendue chez cet employeur éventuel et a demandé si elle pouvait espérer recevoir au moins 7 $ l'heure; elle s'est fait dire qu'on ne pouvait lui faire de promesses à ce sujet et, ce qui est plus important, on a apparemment refusé de lui donner tout renseignement que ce soit sur ce qui serait payé à la pièce. Elle a ensuite été pénalisée pour neuf semaines et le taux de ses prestations a été réduit de 60 p. 100 à 50 p. 100 parce qu'elle avait refusé cet emploi.
Le conseil arbitral ne dit rien de cela, mais sa décision, qui est par ailleurs apparemment pleinement justifiée d'après les faits, est fondée sur la conclusion qu'au lieu de refuser l'emploi, elle aurait dû s'y essayer afin de savoir ce qu'elle pouvait gagner, et que la principale raison de son refus était de trouver un emploi ailleurs que dans le secteur du vêtement.
Toutefois, il semble y avoir deux points sur lesquels la décision du conseil arbitral soit entachée d'une erreur de droit. La seule question en litige en l'espèce semble être celle de savoir si l'emploi qui lui avait été signalé était « convenable », ce sur quoi le conseil arbitral ne s'est penché qu'indirectement en exprimant l'avis qu'elle aurait dû s'y essayer pour savoir s'il était convenable ou non du point de vue de la rémunération qu'elle en tirerait.
L'inadmissibilité, en l'espèce, ne résultait, d'après le dossier, ni d'une recherche d'emploi insuffisante ni de la restriction indue de la nature de l'emploi qu'elle accepterait, mais, même dans de tels cas, il est de coutume d'accorder des prestations pendant environ trois mois avant d'exiger du demandeur qu'il réduise ses exigences, à condition que la rémunération de l'emploi recherché ou offert ne soit pas inférieure à celle qui est normalement versée dans l'industrie aux employés faisant le même travail.
Toutefois, ce qui est plus important, c'est que l'appelante ait été déclaré inadmissible si tôt par suite du refus d'un emploi qui lui a été signalé et au sujet duquel on n'a pas voulu lui fournir de renseignements précis et très pertinents concernant ce qui lui serait payé pour le travail à la pièce. Je pense qu'il serait juste de dire qu'aucun emploi dont la rémunération ne serait pas précisée ou au sujet duquel on ne donnerait pas au moins assez de renseignements pour l'évaluer ne pourrait, dans quelque domaine que ce soit, être considéré comme étant convenable.
Dans l'affaire CUB 12805, où le litige portait sur la question de la justification de quitter un emploi plutôt que celle d'en avoir refusé un, le juge-arbitre a affirmé : « Seule une injustice claire et l'impossibilité pour lui de s'en libérer autrement pourrait justifier un employé d'abandonner son emploi avant de s'en trouver un autre. » Voilà un exposé exact de la jurisprudence sur ce point. Toutefois, le juge-arbitre a ensuite cité le passage suivant de la décision CUB 6521 : « C'est une injustice flagrante d'exiger d'une personne qu'elle travaille pour un salaire inconnu. Vient ensuite la deuxième question. Ce prestataire avait-il des moyens de s'en sortir sans quitter son emploi? À mon avis, il n'en avait pas. J'estime qu'il a agi comme le ferait un employé raisonnable dans une situation semblable. »
En l'espèce, l'appelante a posé à l'employeur éventuel des questions raisonnables auxquelles elle n'a pas obtenu de réponses satisfaisantes. Elle ne voulait pas obtenir un montant plus élevé que le salaire minimum de 5 $ l'heure qui est normalement versé pour le genre de travail qui lui avait été offert, mais elle voulait savoir si, par le travail à la pièce, elle pourrait augmenter cela à 7 $ l'heure, montant qui n'est pas déraisonnable et est considérablement inférieur à ce qu'elle tirait de son dernier emploi.
Je conclus donc que l'emploi offert n'était pas convenable et qu'elle avait alors raison de le refuser après une si brève période de chômage.
Je conclus donc que la décision du conseil arbitral était entachée d'une erreur de droit et j'accueille l'appel.
A.M. Walsh
JUGE-ARBITRE
Ottawa (Ontario)
le 16 juillet 1993