DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-236-94
TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE
- et -
d'une demande de prestations présentée par
BRUCE JEWELL
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le prestataire
à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue
à Windsor (Ontario) le 27 août 1992
DÉCISION
Le JUGE-ARBITRE Rothstein :
Il s'agit d'un appel de la décision d'un conseil arbitral rendue le 27 août 1992 confirmant la décision de la Commission selon laquelle le prestataire a perdu son emploi à cause de sa propre inconduite. Le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations pour huit semaines, et le taux de ses prestations a été réduit de 60 % à 50 % de ses gains hebdomadaires moyens assurés pour le reste de sa période de prestations. Le prestataire était enseignant au St. Clair College dans la division de l'enseignement technique. L'un des élèves avait une conduite insultante et provoquait le prestataire. Celui-ci a traité l'élève de « trou de cul ». L'employeur a considéré cette conduite comme inacceptable et l'a congédié.
Dans le CUB 6666, le juge Cattanach a fait allusion au critère de congédiement pour « inconduite » puisque le mot apparaît à l'article 28 de la Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. [1985], ch. U-1, tel que modifié. À la page 4, le juge Cattanach cite 25 Halsbury's Laws of England (3e édition), à la page 485 :
« L'« inconduite », incompatible avec l'exercice fidèle et convenable des fonctions pour lesquelles il a été engagé, est un motif de congédiement valable mais il n'y a pas de règle de droit établie définissant le degré d'« inconduite » qui justifie un congédiement. »
À la page 13, le juge Cattanach déclare ce qui suit :
« Les cas mineurs ou insignifiants d'inconduite qui n'ont pas de portée matérielle sur l'efficacité de l'employé dans l'exercice de son travail et ne nuisent pas aux intérêts de l'employeur ni à la discipline, ne sont pas de justes causes de congédiement. »
À la page 4 des motifs de sa décision, le juge Cattanach déclare ce qui suit :
« Donc, si les actes de l'employé justifient son congédiement parce qu'ils sont incompatibles avec l'exercice fidèle et convenable de ses fonctions, il s'ensuit que l'employé a été renvoyé pour inconduite. »
Il n'y a aucun désaccord dans la preuve quant à ce qui est arrivé, et le prestataire admet qu'il a proféré une obscénité après avoir été provoqué. Je n'admets pas l'usage d'un langage grossier, en particulier lorsque des enseignants l'utilisent à l'endroit des élèves. Toutefois, il serait complètement irréaliste de s'imaginer que les collégiens, et peut-être les collégiennes quant à cela, n'ont jamais entendu et utilisé ce langage auparavant. En règle générale, les enseignants doivent donner l'exemple, et il leur faut se conduire eux-mêmes avec calme et maîtrise de soi. Toutefois, on doit juger des circonstances dans chacun des cas selon leur propre mérite. Si l'enseignant a proféré une obscénité, est-ce parce qu'il a été provoqué? Des faits donnent-ils à croire que l'enseignant utilise d'une façon régulière un tel langage à l'endroit des élèves? L'enseignant a-t-il manifesté à d'autres moments une conduite douteuse et, plus important encore, a-t-il été averti ou réprimandé pour avoir utilisé un tel langage? Il me semble, à tout le moins, qu'il s'agit là de considérations pertinentes quand il faut décider si un incident au cours duquel on a utilisé un mauvais langage est suffisamment grave pour être qualifié d'inconduite entraînant un congédiement. Dans l'affaire en l'espèce, la preuve ne contient qu'un incident; l'enseignant a été provoqué. L'élève était un jeune homme et le milieu était celui d'un atelier d'enseignement technique. Rien ne donne à croire qu'il ne s'agissait pas de la première incartade de ce genre dans le cas du prestataire. C'est la preuve dont disposait le conseil arbitral. À mon avis, dans ces circonstances, l'incident n'a aucune portée matérielle sur la capacité du prestataire à exercer efficacement ses fonctions et ne nuit pas aux intérêts de l'employeur. Il s'agit d'un incident mineur et isolé qui ne justifie pas un congédiement. Le prestataire prétend qu'il y avait d'autres motifs à l'origine de son congédiement et que l'incident au cours duquel il y a eu recours à un langage vulgaire ne constituait qu'un prétexte auquel a eu recours l'employeur pour le congédier. Je n'ai pas à trancher dans le cas de cette allégation. Je conclus que le conseil arbitral a dû prendre cette décision sans égard à la preuve qui lui avait été présentée.
J'accueillerai l'appel et rendrai la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre. Les décisions du conseil arbitral et de la Commission sont annulées. Je suis d'avis que le prestataire n'a pas été remercié à cause de sa propre inconduite. La Commission devra verser les prestations qu'elle avait refusées auparavant au prestataire en l'excluant du bénéfice des prestations et porter celles-ci de 50 % à 60 % de ses gains hebdomadaires moyens assurables.
Marshall Rothstein
JUGE-ARBITRE
OTTWA
le 4 mars 1994