EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-chômage
- et -
RELATIVEMENT À une demande de prestations par
JACQUELINE AUBIN-RESTOULE
- et -
RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
la prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
rendue le 10 mars 1993, à North Bay, Ontario
DÉCISION
J.A. FORGET, juge-arbitre
La prestataire en appelle de la décision unanime du Conseil arbitral qui a maintenu celle de l'agent d'assurance à l'effet qu'elle avait refusé un emploi convenable. La Commission avait exclue la prestataire du bénéfice des prestations à compter du 26 octobre 1992 pour une durée de 12 semaines et avait réduit le taux de ses prestations subséquentes de 60% à 50%, le tout en vertu des articles 27 et 30 de la Loi.
Mme Aubin-Restoule a produit une demande de prestations le 16 mars 1992 suite à un manque de travail. Elle avait travaillé à titre d'enseignante suppléante pour la Nipissing Board of Education du 3 octobre 1991 au 3 mars 1992. Le 1er décembre 1992 la prestataire a avisé la Commission qu'elle avait refusé en septembre 1992 un poste à temps partiel qui lui avait été offert par le Centre d'Alphabétisation Alec du Nipissing. Il s'agissait d'un poste d'une durée d'environ 20 semaines à raison de 25 heures par semaine à un taux de $17.00 de l'heure. La Commission a communiqué avec le Centre d'Alphabétisation Alec. Mme Denyse DeBernardi a confirmé avoir offert un poste à la prestataire pour travailler à Sturgeon Falls. La prestataire aurait répondu qu'elle faisait de la suppléance et aurait suggéré d'essayer de trouver quelqu'un d'autre; dans l'éventualité où personne ne serait disponible, elle aurait accepté le poste. Mme DeBernardi a aussi confirmé qu'il s'agissait d'un poste pour une durée de 20 semaines. La Commission a communiqué avec les commissions scolaires où la prestataire enseignait à titre de suppléante. Mme Diane Dubois des Écoles catholiques séparées a révélé que la prestataire n'avait pas travaillé depuis le 1 octobre 1991. Mme Carol-Ann Beattie du Nipissing School Board of Education a indiqué que la prestataire a travaillé du 20 au 25 septembre 1992, du 18 au 23 octobre 1992 et du 25 au 30 octobre 1992.
Par lettre en date du 11 janvier 1993, la Commission a avisé la prestataire de sa décision de lui refuser le bénéfice des prestations à compter du 26 octobre 1992 pour 12 semaines et de réduire son taux de prestations de 60% à 50% en vertu des articles 27 et 30 de la Loi. Cette situation a résulté en un trop-payé de $2,419. La prestataire en appelle de cette décision sur la base que l'emploi n'était pas convenable puisqu'il ne lui permettait pas d'accumuler l'expérience reconnue par le ministère de l'éducation; elle devait, au Centre Alec, être disponible en tout temps afin de donner l'enseignement aux étudiants à leur convenance, donc elle ne pouvait pas faire de suppléance dans des postes lui permettant d'acquérir une expérience reconnue; la différence entre ce qu'elle recevait à titre de prestations et ce qu'elle aurait gagné au Centre d'Alphabétisation était d'environ $11.25 et ne couvrait pas les dépenses de déplacement qu'elle devrait inévitablement encourir.
Mme Aubin-Restoule a comparu devant le Conseil arbitral le 10 mars 1993. Les membres du Conseil ont noté que l'intérêt principal de la prestataire était d'augmenter ses chances de s'établir de façon permanente dans le domaine de l'enseignement. Ils ont conclu que la prestataire avait une bonne raison pour refuser le poste à temps partiel mais que celle-ci n'était pas justifiée au sens de la Loi. La prestataire avait déjà occupé le poste au Centre d'Alphabétisation Alec. De plus, les opportunités pour les suppléantes étaient presque nil dans la région. Le Conseil arbitral a rejeté l'appel de la prestataire.
A la lumière des faits ci-haut énoncés, une lecture des articles suivants s'impose :
27.(1) Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations prévues par la présente partie si, sans motif valable, depuis l'arrêt de rémunération qui est à l'origine de sa demande, selon le cas:
a) il a refusé ou s'est abstenu de postuler un emploi convenable qui était vacant, après avoir appris que cet emploi était vacant ou sur le point de le devenir, ou a refusé un tel emploi lorsqu'il lui a été offert;
(2) Pour l'application du présent article et sous réserve du paragraphe (3), un emploi n'est pas un emploi convenable pour un prestataire s'il s'agit:
a) soit d'un emploi inoccupé du fait d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif;
b) soit d'un emploi dans le cadre de son occupation ordinaire à un taux de rémunération inférieur ou à des conditions moins favorables que le taux ou les conditions appliquées par convention entre employeurs et employés ou, à défaut de convention, admis par les bons employeurs;
c) soit d'un emploi d'un genre différent de celui qu'il exerce dans le cadre de son occupation ordinaire, à un taux de rémunération inférieur ou à des conditions moins favorables que le taux ou les conditions qu'il pourrait raisonnable s'attendre à obtenir, eu égard aux conditions qui lui étaient habituellement faites dans l'exercice de son occupation ordinaire ou qui lui auraient été faites s'il avait continué d'exercer un tel emploi.
(3) Après un délai raisonnable à partir de la date à laquelle un assuré s'est trouvé en chômage, l'alinéa (2)c) ne s'applique pas à l'emploi qui y est visé s'il s'agit d'un emploi à un taux de rémunération qui n'est pas inférieur et à des conditions qui ne sont pas moins favorables que le taux ou les conditions appliqués par convention entre employeurs et employés ou, à défaut de convention, admis par les bons employeurs.
30.(1) Lorsqu'un prestataire est exclu du bénéfice de prestations en vertu des articles 27 ou 28, il l'est pour un nombre de semaines qui suivent le délai de carence et pour lesquelles il aurait sans cela droit à des prestations; ces semaines sont déterminées par la Commission.
30.(1.1) Le nombre de semaines d'exclusion dans les cas visés aux alinéas 27(1)(a) ou (b) ou à l'article 28 est d'au moins sept et ne peut dépasser douze.
La prestataire prétend qu'elle n'a pas refusé l'offre d'emploi du Centre Alec et qu'en effet elle les dépannerait si personne d'autre ne pouvait être trouvé pour combler le poste. Elle y avait d'ailleurs travaillé antérieurement du 21 avril au 24 juillet 1992 d'après son relevé d'emploi (Pièce 3).
D'après la pièce 5, la directrice du Centre Alec dit avoir offert à la prestataire au mois de septembre 1992 un poste de 20 semaines à raison de 25 heures par semaine à un salaire de $17 l'heure à compter du 27 octobre 1992. Au moment de cette offre, la prestataire était embauchée comme enseignante suppléante avec les commissions scolaires des écoles publiques et séparées du district de Nipissing. Elle déclare qu'elle faisait tout le nécessaire pour percer le marché du travail comme enseignante afin d'obtenir un poste permanent. Étant donné le fait qu'elle était alors récemment diplômée dans le domaine de l'enseignement et vu la pénurie de postes à combler, elle jugea alors qu'il lui serait plus avantageux d'acquérir l'expérience scolaire tant recherchée par les commissions scolaires en indiquant sa disponibilité comme enseignante suppléante. D'après elle, cette décision lui donnait aussi l'avantage de se faire connaître par les différents directeurs d'écoles lui offrant ainsi une possibilité d'embauche permanente si un poste devenait vacant. Elle explique au tribunal sa crainte qu'en acceptant le poste au Centre Alec elle deviendrait de ce fait non disponible pour accepter de faire de la suppléance. C'est dans ce sens et seulement dans ce sens qu'elle trouvait l'emploi offert non convenable.
Par contre, le procureur de la Commission prétend que la décision du Conseil arbitral est conforme à la Loi. Il remarque qu'en effet la prestataire n'aurait eu que 12.5 jours de travail à titre de suppléante et qu'elle aurait dû se prévaloir de l'offre du Centre Alec.
Je suis d'avis que la prestataire, eu égard à toutes les circonstances, n'a pas contrevenu à l'article 27 de la Loi. À mon avis, elle possédait un motif valable, notamment d'assurer sa permanence dans le domaine de l'enseignement. D'après l'alinéa 27(2)(c), je note que les conditions qu'on y retrouve étaient toutes présentes dans le cas en l'espèce. Je suis également convaincu que les énoncés du paragraphe 27(3) ne s'appliquent pas aux présentes circonstances puisque le temps révolu n'était que de 7 à 8 semaines et que selon moi, cette période ne rencontre pas les exigences d'un délai raisonnable. Le Conseil arbitral ne semble pas s'être penché sur cette question de motif valable de façon appropriée préférant plutôt dire que la prestataire avait une bonne raison mais que celle-ci était non justifiée.
Je suis conscient qu'une décision du Conseil arbitral ne doit pas être renversée à la légère par un juge-arbitre. Dans le cas qui nous occupe il est clair qu'un principe de justice naturelle n'a pas été observé, notamment que la prestataire avait un motif valable, plutôt que de fonder leur décision sur le refus de postuler pour un emploi convenable sans traiter toutefois de cet aspect "d'emploi convenable". Le Conseil arbitral a donc mal interprété la Loi selon les faits qu'il avait devant lui. Je suis convaincu que le Conseil arbitral n'a pas tenu compte de tous les éléments portés à sa connaissance. Je crois donc qu'en ma capacité de juge-arbitre je suis justifié d'intervenir et d'infirmer la décision du Conseil.
L'appel est donc accueilli et la décision du Conseil arbitral en date du 10 mars 1993 est annulée en ce qui a trait à la question de motif valable ainsi que la période de disqualification de 12 semaines.
En ce qui a trait à la réduction du taux de prestations de 60% à 50%, le dossier devra être retourné à la Commission eu égard à la décision de la Cour fédérale d'appel dans l'affaire Archambault.
Jean A. Forget
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
le 28 juillet 1994