TRADUCTION
Prestataire : Byron Reader
Juge : Urie
Le prestataire en appelle de la décision d'un conseil arbitral rejetant son appel de la décision de la Commission qui avait exclu le prestataire du bénéfice des prestations d'assurance-chômage pendant une période de huit semaines à partir du 16 décembre 1991 et qui avait réduit le taux de ses prestations de soixante à cinquante pour cent de la moyenne de sa rémunération hebdomadaire parce qu'il avait quitté volontairement l'emploi qu'il avait occupé à la société Golden Mile Motors Ltd. sans justification. C'est à l'encontre de cette décision que l'appel a été interjeté.
Le prestataire a présenté un très long exposé où il a tenté de prouver qu'il n'avait pas été traité équitablement par son dernier employeur et qui contenait beaucoup d'information au sujet des emplois qu'il avait occupés antérieurement chez des marchands d'automobiles et de la considération que ces marchands lui avaient accordée. Les circonstances qui l'ont poussé à quitter l'entreprise de son employeur, en bref, semblent être les suivantes.
Le ou vers le 4 décembre 1991, le prestataire a rencontré l'un de ses subalternes, le contrôleur de l'entreprise, qui, à son avis, avait fait preuve d'insubordination à son égard, au point qu'il pensait qu'on devait le congédier. Le prestataire, qui était le secrétaire-trésorier de l'entreprise, a parlé de l'incident à son supérieur, Peter Heasty; selon celui-ci, le prestataire lui a dit qu'il congédierait le contrôleur ou que lui-même, le prestataire, démissionnerait. M. Heasty affirme avoir dit qu'il allait demander conseil, mais au cours de l'après-midi, il a décidé d'accepter la démission et de conserver les services du contrôleur. Selon M. Heasty, le prestataire a répondu qu'il n'était pas amer et qu'il démissionnerait. Que cela soit le cas ou non, il semble que M. Heasty a dit au prestataire qu'il n'était pas obligé de partir immédiatement et qu'ils voulaient qu'il reste un certain temps, ce que le prestataire a fait jusqu'au samedi suivant. Selon le prestataire, il n'avait pas de travail à faire et il s'est senti ostracisé par le personnel de l'entreprise au point qu'il a cru nécessaire de partir le samedi. Il n'a pas démissionné officiellement, mais il n'est pas retourné au travail la semaine suivante.
M. Heasty dit que la relation entre le secrétaire-trésorier et le contrôleur s'était envenimée à tel point que toute communication avait pratiquement cessé entre les deux au moment de l'incident en question. Il fallait donc prendre une décision et l'on a décidé d'accepter la démission du prestataire et de garder le contrôleur. Le prestataire nie avoir démissionné ou offert de démissionner et, en fait, il dit qu'il a fait l'objet d'un licenciement déguisé l'après-midi du 4 décembre parce qu'alors qu'il était encore employé, on lui a enlevé ses fonctions, ce qui constituait un renvoi. Voilà, en bref, les faits. Ils ont été portés à la connaissance du conseil arbitral, qui en a mentionné au moins quelques-uns dans son exposé des faits.
Le conseil a conclu que le prestataire avait nié avoir présenté un ultimatum à l'employeur en le menaçant de démissionner. Le prestataire a cependant admis qu'il y avait un conflit de personnalité entre lui-même et le contrôleur. D'après les mesures prises par l'employeur après la discussion avec M. Heasty et jusqu'au samedi, il était convaincu d'avoir fait l'objet d'un renvoi déguisé. La principale conclusion du conseil figure cependant à la page 3 de ses motifs :
« Après une longue discussion, le prestataire a reconnu avoir quitté son emploi, mais en raison de conditions intolérables, car on avait restreint l'exercice de ses fonctions et il lui était impossible de travailler tant que le contrôleur, M. Arnold Serzysko, serait employé au lieu de travail. Le prestataire dit qu'après qu'il eut demandé à la direction de congédier M. Serzysko et que l'employeur eut refusé de le faire, il a senti que la direction ne visait qu'à lui mettre des bâtons dans les roues. Le prestataire dit qu'il est parti parce qu'il avait fait l'objet d'un congédiement déguisé. » (C'est moi qui souligne.)
À partir de ces renseignements, le conseil a unanimement conclu que le prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. Il a indiqué que même si le prestataire croyait avoir une bonne raison de quitter son emploi, il n'était pas fondé à le faire au sens de la Loi. Le conseil s'est dit d'avis qu'une personne prudente, dans les circonstances, aurait conservé son emploi jusqu'à ce qu'elle en trouve un autre. En raison des circonstances atténuantes, le conseil croit qu'une autre réduction de la période d'exclusion est justifiée. Le conseil, bien sûr, a rejeté l'appel, ce qui a entraîné l'appel adressé au juge-arbitre.
Tout d'abord, je suis d'avis que le conseil arbitral ne disposait pas de suffisamment d'éléments de preuve pour conclure que le prestataire avait fait l'objet d'un licenciement déguisé. Les faits semblent établir clairement que soit il a offert de démissionner, qu'il en ait eu l'intention ou non, et que cette offre a été acceptée, soit il a choisi de partir parce que ses différends avec le contrôleur n'avaient pas été résolus à sa satisfaction. Il est vrai que durant la période entre le mercredi et le samedi, ses fonctions ont été pour le moins légères, mais ce fait correspond autant au fait qu'il aurait démissionné et qu'on lui aurait demandé de rester jusqu'à ce que diverses questions commerciales soient résolues, comme l'a prétendu la direction, qu'à son assertion selon laquelle il aurait fait l'objet d'un licenciement déguisé puisqu'on lui avait retiré toutes ses fonctions. Le conseil a conclu à partir de la preuve qu'il avait en fait démissionné après la confrontation avec M. Heasty et cela, je présume, signifie qu'il s'ensuit qu'il n'a pas fait l'objet d'un licenciement déguisé. Comme la preuve appuie les deux assertions présentées au conseil et qu'elle aurait pu l'amener à conclure ainsi, il n'incombe pas au juge-arbitre de dire que le conseil a eu tort d'en arriver à cette conclusion, laquelle ne constitue pas une erreur que devrait corriger le juge-arbitre en vertu de l'alinéa 80(1)c) de la Loi.
Maintenant, il s'agit de savoir s'il était fondé à quitter son emploi au sens des paragraphes 28(1) et 28(4) de la Loi. Le conseil s'est dit d'avis que « bien que le conseil soit d'avis que le prestataire, à son avis, avait une bonne raison de quitter son emploi, il n'était pas fondé à le faire au sens de la Loi. Le conseil estime qu'une personne prudente, dans les circonstances, aurait conservé son emploi jusqu'à ce qu'elle en trouve un autre ». Je ne suis pas du tout certain que la deuxième phrase, dans cette citation, découle nécessairement de la précédente et je ne crois pas que cela ait de l'importance dans les circonstances de l'espèce. À mon avis, que le prestataire ait voulu ou non le résultat découlant de sa menace de démission, le conseil a conclu qu'il avait menacé de démissionner et qu'il avait reconnu avoir quitté son emploi, bien qu'il ait dit l'avoir fait en raison de conditions intolérables. Selon moi, ces circonstances ne contredisent pas la conclusion du conseil selon laquelle le prestataire avait menacé de démissionner et, que le résultat ait été voulu ou non, l'employeur l'a pris de court et a, de façon inattendue aux dires du prestataire, accepté sa démission. Si c'est le cas, on ne l'a pas congédié, avec ou sans motif valable. Selon les conclusions du conseil, appuyées par la preuve, il a quitté son emploi volontairement, quoique de façon inattendue, et la raison n'a pas été établie. Comme c'est le cas, le prestataire ne peut avoir gain de cause et son appel est par conséquent rejeté.
FAIT à Toronto (Ontario), ce 3e jour de novembre 1994.
JUGE-ARBITRE
2011-01-16