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  • CUB 25880

    TRADUCTION

    EN VERTU DE LA Loi sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT À une demande de prestations présentée par
    LISA COLDWELL

    - et -

    RELATIVEMENT À un appel interjeté devant le juge-arbitre par
    la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada à l'encontre
    d'une décision du conseil arbitral rendue à Whitehorse (Yukon)
    le 20 décembre 1993.

    DÉCISION

    Le juge Jerome:

    J'ai entendu cette affaire le 10 mai 1994 à Whitehorse, au Yukon. Il s'agit d'un appel interjeté par la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada à l'encontre d'une décision unanime du conseil arbitral statuant que la prestataire n'avait pas quitté volontairement son emploi sans justification et qu'elle avait donc droit aux prestations réclamées en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage.

    La prestataire, Lisa Coldwell, a travaillé comme caissière pendant 16 ans à la Peninsula Consumer Services Co-operative, à Brentwood Bay (Colombie-Britannique). Le 27 septembre 1993, elle a quitté volontairement son emploi pour déménager à Whitehorse, au Yukon, avec son ami, David Dell (qui est depuis devenu son conjoint de fait). M. Dell a été muté à Whitehorse dans un nouveau poste de direction. Apparemment, la prestataire s'attendait à se faire offrir un emploi par la compagnie de M. Dell dans un autre magasin. Toutefois, le magasin a été vendu et un délai de cinq mois s'est écoulé avant qu'elle se trouve un emploi. Elle travaille pour l'employeur de son conjoint de fait depuis le 6 février 1994.

    La prestataire a demandé des prestations pour la période commençant le 17 octobre 1993. Se fondant sur les renseignements ci-dessus, la Commission a conclu que la prestataire n'avait pas de motif valable pour quitter son emploi et, par conséquent, l'a exclue du bénéfice des prestations pour une période indéfinie. La Commission a fondé cette exclusion sur le fait qu'elle a conclu que la prestataire avait une solution raisonnable autre que celle de quitter son emploi et qu'elle n'était pas visée par l'exception établie à l'alinéa 28(4)b) de la Loi ayant trait au conjoint et au conjoint de fait, étant donné que rien ne démontrait qu'elle et son ami vivaient en union de fait. La prestataire en a appelé de cette conclusion devant le conseil arbitral.

    Dans une décision en date du 20 décembre 1993, le conseil a unanimement renversé la décision de la Commission et accueilli l'appel, statuant que la prestataire avait agi raisonnablement en quittant son emploi. La décision se fondait en partie sur la conclusion selon laquelle elle pouvait raisonnablement s'attendre à trouver de l'emploi au Yukon, que sa décision de déménager n'avait pas été prise à la légère et qu'elle avait sérieusement songé à la possibilité de se trouver un emploi rémunérateur avant son départ.

    La Commission conteste maintenant cette décision. Elle prétend essentiellement qu'aucune circonstance admissible en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage ne s'applique à la prestataire. Elle fait valoir que celle-ci n'était pas mariée et qu'elle ne vivait pas en union de fait au moment où elle a déménagé et que le fait de suivre son ami ne constitue pas une « justification » au sens de l'alinéa 28(4)b) de la Loi. Elle allègue également que la prestataire n'avait pas non plus l'assurance raisonnable d'un autre emploi quand elle a quitté son emploi et que, par conséquent, l'alinéa 28(4)f) ne s'applique pas non plus à sa demande.

    La seule question à trancher en l'espèce est de savoir s'il était raisonnable dans les circonstances, pour la prestataire, de quitter son emploi pour déménager. Quand une personne déménage pour des raisons personnelles et qu'un mariage légitime ou une relation de fait existe, il n'y a pas de problème puisque l'alinéa 28(4)b) s'applique manifestement. Toutefois, lorsque la relation n'est pas exactement celle qui est visée par les dispositions de l'alinéa 28(4)b), la Commission ou le conseil doit examiner les autres motifs invoqués par le prestataire pour quitter l'emploi « compte tenu de toutes les circonstances ».

    En l'espèce, le conseil a manifestement examiné les circonstances particulières de la prestataire et conclu, d'après la preuve, que celle-ci avait toutes les raisons de croire qu'elle serait embauchée à son arrivée au Yukon. D'après l'ensemble de la preuve, le conseil a déduit qu'elle a quitté son emploi en ayant l'assurance raisonnable d'un autre emploi dans un avenir immédiat. Ce critère constitue clairement une « justification » aux termes de la Loi.

    De façon générale, la question de savoir si un prestataire a volontairement quitté son emploi sans justification est une question de fait qui doit être décidée d'après les circonstances de chaque cas. La composition du conseil arbitral et la nature de la procédure qui se déroule devant ses membres font en sorte que ceux-ci sont dans une meilleure position que le juge-arbitre pour parvenir à ce genre de conclusion. En l'espèce, il est manifeste que le conseil a statué que la prestataire était fondée à quitter son emploi en prévision d'un emploi semblable que pouvait lui offrir l'employeur de son conjoint à leur nouveau lieu de résidence. Le conseil avait suffisamment d'éléments de preuve pour en arriver raisonnablement à cette conclusion et, par conséquent, je ne dois pas modifier sa décision.

    L'appel de la Commission est donc rejeté.

    James A. Jerome

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA
    le 21 octobre 1994

    2011-01-16