TRADUCTION
EN VERTU DE la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage
- et -
RELATIVEMENT à une demanded de prestations par
Paulette PARK
- et -
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre
par la Commission de la décision d'un conseil arbitral rendue à
Corner Brook, (Terre-Neuve), le 10 septembre 1992
DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-706-94
La Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada en appelle d'une décision du conseil arbitral autorisant la prestataire à antidater sa demande de prestations au motif qu'elle a établi un motif justifiant son retard.
Les motifs invoqués par la Commission dans cet appel sont les suivants : premièrement, la décision du conseil est entachée d'une erreur de droit et se fonde sur une conclusion de fait erronée; deuxièmement, le conseil n'a pas respecté les conditions du paragraphe 79(2) de la Loi sur l'assurance-chômage puisqu'il a omis d'exposer les faits essentiels sur lesquels il a fondé sa décision; troisièmement, le conseil n'a pas indiqué que « pendant toute la période », la prestataire avait un motif justifiant son retard à présenter sa demande.
J'admets sans peine, après avoir examiné la décision du conseil arbitral d'un oeil critique, que les motifs avancés par la Commission ont un certain fondement. Le « motif » justifiant le retard à présenter une demande de prestations n'est pas facile à établir, d'autant plus qu'il doit s'appliquer à l'ensemble de la période du retard.
De même, le paragraphe 79(2) de la Loi impose au conseil arbitral l'obligation d'inclure dans sa décision un exposé des conclusions qu'il a tirées sur les questions de fait essentielles. Cela signifie que si, à la lecture d'une décision du conseil, celle-ci ne dit rien des motifs sur lesquels il s'est appuyé, la décision peut être annulée.
Traitant tout d'abord de l'exigence prévue au paragraphe 79(2), je suis d'avis qu'il faut éviter d'examiner une décision au microscope pour essayer d'y trouver une ou plusieurs lacunes. Comme la Cour suprême du Canada l'a souvent répété, les personnes nommées à des tribunaux quasi judiciaires ne sont pas nécessairement des experts en rédaction, et il ne faut pas s'attendre à ce qu'elles soient parfaitement conscientes de toutes les subtilités d'interprétation qui peuvent découler d'un mot ou d'une expression en particulier. Si telle est la règle, il s'ensuit qu'une décision doit être lue dans son ensemble et que, lorsqu'un point est ambigu ou vague, il convient de se référer à l'ensemble du dossier pour donner au raisonnement du conseil l'interprétation la plus appropriée ou la plus logique.
Après avoir lu la décision du conseil, je conclus qu'il y a suffisamment de références aux faits essentiels en cause pour pallier les lacunes que l'on pourrait autrement trouver dans ses conclusions. Dans les circonstances, le conseil s'est suffisamment conformé aux exigences du paragraphe 79(2) pour que je ne modifie pas sa décision.
La question de l'erreur de droit alléguée par la Commission est, dans un certain sens, le corollaire de l'autre question. Il est évident, d'après les autorités jurisprudentielles, que le motif justifiant un retard doit être établi et que l'ignorance de la loi n'est pas un critère déterminant à cet égard. D'après la preuve, toutefois, il est clair que les retards de la prestataire à présenter sa demande n'ont pas été causés par son ignorance de la loi, mais plutôt par sa conviction, aussi erronée soit-elle, qu'en vertu de la Loi elle n'avait pas suffisamment de semaines d'emploi assurables pour être admissible aux prestations. Si le critère applicable à ces questions consiste à se demander ce qu'aurait fait une personne raisonnable, il est manifeste que quiconque, se fondant sur une conviction aussi erronée et vivant dans une famille qui n'a jamais eu recours aux prestations d'assurance-chômage, peut être considéré comme ayant agi de façon raisonnable en ne présentant sa demande qu'une fois informé de son erreur. Comme mon collège le juge Muldoon l'a déjà indiqué, les responsables du programme d'assurance-chômage ne doivent pas présumer que des prestataires éventuels se lèvent tous les matins en passant en revue toutes les échappatoires que la Loi peut contenir.
De toute évidence, la preuve d'un motif justifiant le retard est toujours une question difficile et il est à peu près impossible de maintenir une parfaite cohérence lorsque la Loi est appliquée à des cas particuliers. Tout ce que je peux suggérer dans le cas dont je suis saisi, c'est qu'en examinant les faits et les motifs allégués par la prestataire, le conseil a conclu que le motif avait été établi. Je ne vois pas quel genre d'erreur le conseil aurait pu commettre pour justifier mon intervention.
Finalement, l'allégation selon laquelle la décision du conseil ne mentionne pas si la justification a été établie pour toute la période du retard est sans fondement aucun. Les motifs du retard sont tels qu'il est manifeste qu'ils s'appliquent à toute la période en cause.
L'appel de la Commission doit donc être rejeté.
L-Marcel Joyal
JUGE-ARBITRE
OTTAWA (Ontario)
le 31 août 1994