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  • CUB 26596

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    - et -

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    ROBERT EDWARD et MICHEL LANGLOIS

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre
    par la Commission de l'emploi et de l'immigration de la décision
    d'un conseil arbitral rendue le 15 février 1994 à Sept-Iles, Québec


    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-94-95

    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-96-95


    DÉCISION

    LE JUGE ROULEAU

    La Commission en appelle de la décision unanime du Conseil arbitral qui a renversé la décision de l'agent d'assurance à l'effet que les prestataires ont perdu leur emploi en raison de leur inconduite aux termes des articles 28 et 30.1 de la Loi et 59.1(1) du Règlement.

    Monsieur Robert Edward, employé à titre de boucher depuis le 8 août 1988 et Monsieur Michel Langlois, employé au département de la boulangerie depuis 12 ans, ont déposé une demande de prestations suite à leur suspension sans solde pour fins d'enquête le 20 novembre 1993 qui s'est ensuite transformé en congédiement le 15 décembre 1993.

    Les prestataires ont été accusé par leur employeur d'avoir comploté pour dénigrer le département des viandes de son entreprise. Les faits entourant cette accusation peuvent être exprimés ainsi. Par le passé, Monsieur Edward et Monsieur Langlois se sont plaints à plusieurs reprises du manque de fraîcheur du département des viandes dans l'entreprise. Ils se plaignaient entre autre du fait que les viandes passées date n'étaient pas enlevées du comptoir. Après une rencontre avec le gérant du magasin pendant laquelle celui-ci a confié à Monsieur Edward avoir déjà reçu des plaintes de la part des clients contre un employé qui avait travaillé le dimanche et qui n'avait pas jeté les viandes, que c'était la responsabilité de chaque employé qui s'occupe du comptoir le matin de jeter dans le broyeur du magasin les viandes passées la date d'échéance. Constatant que l'assistant-gérant des viandes n'avait pas jeté les viandes passées date comme il le devait le lundi matin, 15 novembre 1993, Monsieur Edward, avec l'aide de Monsieur Langlois a alors décidé de prendre les choses en mains.

    Monsieur Edward a pris les paquets de viandes de la veille et les a remis à Monsieur Langlois qui les a placés dans un frigidaire de la pâtisserie-boulangerie pour les montrer au gérant. Les prestataires décidèrent toutefois de les remettre à un client pensant que cela aurait plus de poids et que leur employeur agirait plus rapidement. En recevant le morceau de viande gardée à la boulangerie, le client, qui s'était déjà plaint auparavant de la qualité des produits vendus, s'est alors mis à crier devant les clients et employés que l'entreprise vendait de la viande avariée et passée date. Les prestataires ont alors été suspendus pour fins d'enquête et ensuite congédiés au motif qu'ils avaient agi de manière à discréditer leur employeur.

    La Commission a avisé les prestataires qu'ils avaient perdu leur emploi en raison de leur propre inconduite et qu'en conséquence, ils étaient exclus du bénéfice des prestations ordinaires pour toute la durée de leur période de prestations.

    Les prestataires en ont appelé de cette décision au Conseil arbitral qui leur a donné raison dans les termes suivants:

    Le Conseil arbitral n'approuve pas le geste que Monsieur Edward a posé en se servant d'un client pour faire comprendre à l'entreprise qu'il y avait un problème au département des viandes. Cependant, le Conseil arbitral est d'avis que l'employé étant à l'emploi de Provigo depuis cinq ans, en posant ce geste donnait matière à son employeur de lui imposer une mesure disciplinaire.
    Le prestataire n'a pas agi en croyant être accusé d'inconduite mais plutôt en ne trouvant plus de moyen pour faire comprendre à son employeur que les règles n'étaient pas suivies correctement.
    Après avoir étudié le dossier et entendu le prestataire, le Conseil arbitral est d’avis que l'employé n'avait pas perdu son emploi par sa propre inconduite et ne pouvant mettre en doute la parole du prestataire, le Conseil arbitral accueille l'appel.

    La Commission en appelle maintenant de cette décision devant le juge-arbitre au motif que le Conseil arbitral, en reconnaissant que les prestataires auraient pu se voir décerner une mesure disciplinaire au lieu d'être congédiés, admet implicitement que le délit reproché aux prestataires dans le cas présent est de l'inconduite. La Commission soutient également que bien que les prestataires prétendent n'avoir eu que le bien-être des clients en tête lors de leur intervention, il n'en demeure pas moins qu'en agissant ainsi, les prestataires ont discrédité leur employeur vis-à-vis la clientèle et les autres employés.

    La procureure de la Commission soumet qu'il y a eu en l'instance une erreur de droit; que le Conseil arbitral s'est posé la mauvaise question. L'interprétation de la décision du Conseil arbitral par la Commission est à l'effet que le Conseil admet qu'il y a eu inconduite mais juge qu'une sanction aurait été plus appropriée qu'un congédiement. La procureure de la Commission déclare que le Conseil arbitral n'a pas compétence lorsqu'il s'agit de décider de la sévérité des sanctions.

    Les procureurs des prestataires ont questionné à savoir si on doit fonder une décision sur l'inconduite; s'il y a eu inconduite, ils sont d'avis que le fardeau de la preuve repose sur la Commission. Dans la lettre informant les prestataires de leur congédiement, l'employeur faisait mention d'une conduite inacceptable face à la clientèle. Il est toutefois à noter qu'aucun client ne s'est présenté pour témoigner devant le Conseil arbitral et que le geste posé par les prestataires visait justement à protéger les intérêts des clients. La lettre faisait également état que les deux employés concernés avaient agi de façon à discréditer l'employeur à l'égard de la clientèle ainsi qu'à l'égard de leurs compagnons de travail. Le dossier ne présente cependant aucune preuve à cet effet.

    Les procureurs soumettent de plus qu’enfin de prouver qu'il y a inconduite, on doit se référer aux éléments de preuve énumérés dans la décision du juge Strayer au CUB 19859, George Holditch.

    La preuve au dossier révèle que les deux prestataires tenaient énormément à ce que leur employeur, le marché Provigo de Port-Cartier, suivent les normes de qualité dont Provigo Distrubition Inc. se vantait et qu'ils s'étaient déjà plaint par le passé sans résultat. La preuve démontre que M. Langlois et M. Edward ont retiré de la viande passée date du comptoir et l'ont mise de côté dans un réfrigérateur au département de la pâtisseri-boulangerie afin de la montrer au gérant plus tard. Il n'y a aucune preuve de complot de leur part contre l'employeur. En fait, il appert plutôt que les prestataires tentaient de rectifier une situation.

    Les prestataires ont-ils fait preuve de mauvaise volonté à l'endroit de l'employeur ou de leurs collègues de travail? Je ne crois pas. À mon avis, leurs agissements ont tout simplement causé un inconvénient à l'employeur. Je ne peux pas conclure que les prestataires ont perdu leur emploi pour cause d'inconduite.

    La Commission, dans ses observations au juge-arbitre, mentionnait ce qui suit:

    Selon la jurisprudence, définir spécifiquement l'inconduite en termes relatifs à un méfait relié aux seules fonctions de l'assuré lui donnerait un sens trop limité; l'inconduite réfère généralement à quelque action malveillante touchant la relation employeur-employé et se présente incompatible avec l'exercice fidèle et convenable des fonctions pour lesquelles un employé a été congédié.
    De plus, la Commission soutient que la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt C. Nolet (A-517-91) a déterminé que l'inconduite visée à l'article 28(l) de la Loi est celle lui constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement d'un contrat de travail.

    Je ne suis pas convaincu que les prestataires en l'espèce ont manqué à une obligation comprise dans leur contrat de travail. Selon moi, leur sens du devoir a dicté leur conduite.

    En conséquence, l'appel de la Commission est rejeté.

    "P. ROULEAU"

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA, Ontario
    Le 14 novembre 1994

    2011-01-16