EN VERTU DE la Loi sur l'assurance-chômage
- et -
RELATIVEMENT À une demande de prestations par
JEAN-PIERRE DANIEL
- et -
RELATIVEMENT À un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
le prestataire à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
rendue le 9 août 1991, à Montréal, Québec
DÉCISION
LE JUGE ROULEAU
Le prestataire en appelle de la décision majoritaire du Conseil arbitral qui a maintenu celle de l'agent de la Commission à l'effet qu'il avait volontairement quitté son emploi sans motif valable au sens des articles 28 et 30 de la Loi.
M. Daniel a produit une demande de prestations le 14 juin 1991. Il a été à l'emploi de l'École Secondaire St-Joseph de Ste-Hyacinthe à titre d'enseignant du 1er septembre 1973 au 9 avril 1991. Il a expliqué avoir quitté principalement pour s'occuper de sa mère qui souffrait du cancer et qui était en phase terminale. Il a de même ajouté qu'il avait l'intention de se chercher un autre emploi pour l'année scolaire subséquente. Lors d'une entrevue avec un agent de la Commission, il a déclaré qu'il existait certaines frictions entre lui et la direction et que son employeur était déçu parce qu'il s'impliquait moins dans la vie scolaire qu'auparavant. La Commission a communiqué avec la direction de l'école mais cette dernière a préféré ne faire aucune déclaration.
La Commission a avisé le prestataire qu'il avait volontairement quitté son emploi, qu'il serait exclu du bénéfice des prestations à compter du 14 avril 1991 pour une durée de 8 semaines et que son taux de prestations serait réduit de 60% à 50%.
M. Daniel a porté cette décision en appel devant le Conseil arbitral. Il a comparu à l'audience accompagné de sa représentante, Me Barabé, qui a produit certains documents en liasse comme pièce 12 au dossier. Il a déclaré qu'il n'était pas le seul enfant dans la famille mais que son frère était incapable de s'occuper de leur mère. Il a également expliqué qu'il n'a pas demandé l'aide du C.L.S.C. avant le mois de mai parce que sa mère refusait. Il a admis ne pas avoir demandé de congé sans solde mais a affirmé que depuis environ deux ans, la situation au travail et ses problèmes familiaux lui imposaient une charge trop lourde, ce qui l'a conduit à quitter son emploi. La majorité du Conseil arbitral a rejeté l'argument de la représentante du prestataire à l'effet que la mère de ce dernier devrait être assimilé à un enfant au sens du paragraphe 28(4)(e) de la Loi. De plus, le Conseil a indiqué que le prestataire avait omis de demander un congé sans solde. Dans les circonstances, la majorité du Conseil a réduit l'exclusion de 8 à 7 semaines. Le membre dissident a conclu que le prestataire avait un motif valable pour quitter son emploi étant donné que la santé de sa mère constituait une situation urgente.
Lors de l'audience, la représentante du prestataire a réitéré que celui-ci avait quitté son emploi afin de s'occuper de sa mère mourante et que cela constituait une justification au sens de la Loi.
De son côté, le procureur de la Commission a allégué que la décision du prestataire de quitter son emploi ne constituait pas "la seule solution raisonnable dans son cas" selon le critère établi par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire La Procureure générale du Canada v. Landry, (24 novembre 1993), A-1210-92, (F.C.A.).
Après avoir révisé la preuve au dossier, je suis d'avis que le prestataire était justifié de quitter son emploi au sens de l'article 28 de la Loi. En effet, dans le cas présent, Monsieur Daniel a quitté son emploi le 9 avril 1991 afin de prendre soin de sa mère atteinte d'un cancer en phase terminale. Celle-ci est d'ailleurs décédée le 1 juillet 1991. Dans les circonstances, la situation particulière du prestataire justifiait son départ. Le législateur est d'ailleurs venu modifier, par la suite, le paragraphe 28(4) de la Loi afin de prévoir la situation dans laquelle s'est retrouvée le prestataire.
28.(4) Pour l'application du présent article, le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi si, compte-tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ constituait la sculc solution raisonnable dans son cas:
e) nécessité de prendre soin d'un enfant ou d'un proche parent;
En conséquence, je suis convaincu que le Conseil arbitral a erré en droit en interprétant trop restrictivement l'expression "seule solution raisonnable" retrouvée au paragraphe 28(4) de la Loi.
Pour ces motifs, l'appel est accueilli.
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
le 8 mars 1995