EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE
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RELATIVEMENT à une demande de prestations par
CHRISTINE DUNHAM
- et -
RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre
par le prestataire de la décision d'un conseil arbitral
rendue le 18 juin 1993 à Sherbrooke, Québec
DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-708-95
DÉCISION
LE JUGE ROULEAU
La prestataire en appelle de la décision du Conseil arbitral qui a maintenu la détermination de l'agent de la Commission à l'effet qu'elle avait sciemment fait 18 déclarations fausses ou trompeuses relativement à ses gains.
Mme Dunham a produit une demande de prestations initiale le 8 avril 1991 qui fut établie à compter du 21 avril. La Commission a subséquemment découvert que la prestataire avait travaillé pour différents employeurs au cours de sa période de prestations. Une vérification des registres de paie des employeurs en question et des cartes de chômage de la prestataire a révélé que cette dernière n'avait déclaré aucun revenu. Lorsque questionné par un agent de la Commission, Mme Dunham. a tout simplement répondu qu'elle ne savait pas ce qui s'était produit.
La Commission a déterminé que la prestataire avait sciemment fait 18 déclarations fausses ou trompeuses et a imposé une pénalité de $3,762.00. La situation a également causé un trop-payé de $5,145.00.
La prestataire a comparu devant le Conseil arbitral accompagnée de son représentant. Ce dernier a signalé aux membres du Conseil qu'une erreur s'était glissée dans le nombre de fausses déclarations, la prestataire ayant déclaré ses gains pour les semaines du 19 et du 26 janvier 1992. Le Conseil a accepté de réduire la pénalité à $3,553.00 relativement aux 17 fausses déclarations. À tout autre égard l'appel fut rejeté.
Le procureur de la prestataire porte la décision du Conseil arbitral en appel au motif que ce dernier aurait refusé d'entendre le témoignage de sa cliente en indiquant que ce témoignage ne changerait rien et que, quelles que soient les circonstances où des fausses déclarations avaient été faites, il n'appartenait qu'à la Commission d'imposer les pénalités. Le procureur soumet également que le Conseil aurait erronément déclaré qu'il n'avait aucune juridiction pour réviser le montant des pénalités imposées.
Lors de l'audience devant le juge-arbitre à Sherbrooke le 28 juin 1995, le procureur a confirmé qu'il ne contestait pas le trop-payé mais seulement la pénalité imposée. Il soumet deux arguments et attaque principalement la discrétion accordée à la Commission en vertu de l'article 33 de la Loi sur l'assurance-chômage lui permettant l'autorisation d'imposer des pénalités pour des déclarations fausses ou trompeuses. Il attaque également la directive de la Commission à l'endroit de ses officiers. On retrouve cette directive dans une décision du juge Joyal, soit le CUB 21413:
La politique de la Commission lors de l'imposition de pénalités est de réclamer 100% du taux de prestations par infraction commise pour une première offense. La pénalité imposée en cas de récidive est de 200% du taux par infraction. Le prestataire avait déjà reçu une pénalité de 100% du taux pour des infractions qui lui avaient été signalées le il juillet 1990.
Les deux arguments principaux sont tout d'abord à l'effet que depuis que la Cour d'appel fédérale nous a récemment retiré la discrétion des pénalités imposées par la Commission, il en résulte une décision administrative qui n'est aucunement assujettie à un contrôle judiciaire. Ceci va directement à l'encontre du principe que toute décision fondamentale prise par un tribunal ou une commission administrative doit faire l'objet d'un contrôle judiciaire.
Ensuite, le procureur de la prestataire soumet que le Parlement, en rédigeant la législation tel qu'il l'a fait, a décidé que la pénalité ne pouvait pas excéder 300% de la valeur des prestations. Cependant, aucun minimum n'a été imposé; la pénalité pourrait donc être 5% ou 10%. En utilisant cette directive, on enlève encore une fois la discrétion et ceci peut entacher l'erreur d'une décision qui devrait être prise d'une façon judiciaire.
On m'a référé à la décision de la Cour fédérale d'appel dans l'affaire Procureur général dit Canada v. Stephen Smyth, en date du 9 février 1994. Les motifs sont très brefs. Dans cette affaire, tel qu'en l'espèce, la Commission a imposé une pénalité en appliquant le paragraphe 33(l) de la Loi. Il est évident que dans l'affaire Smith, le juge a réduit les pénalités. Le juge Décary souligne à l'article 33(l):
... elle ne peut infliger au prestataire une pénalité dont le montant ne dépasse pas le triple de son taux de prestations hebdomadaires.
Ce qui est important se retrouve à la page 4. Je cite:
Nous aimerions ajouter que, de toute manière, l'arbitre n'était pas habilité à réduire la pénalité infligée par la Commission. Lorsqu'il s'agit de décisions nécessitant l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission en vertu du paragraphe 33(l), l'arbitre outrepasse sa compétence lorsqu'il substitue son point de vue à celui de la Commission.
La Cour d'appel ajoutait ce qui suit en bas de page
Nous appliquerions ici le même raisonnement adopté par la Cour relativement au paragraphe 55(10) [aujourd'hui le paragraphe 41(10)] de la Loi. Voir les arrêts Procureur général du Canada c. Desjardins, [1981] 1 C.F. 220 (C.A.F.); Procureur général dit Canada c. Findenigg, [1984] 1 C.F. 65 (C.A.F.); Harbour v. Unemployment Insurance Commission (1986), 64 N.R. 267 (C.A.F.).
Le procureur soumet que les décisions auxquelles fait référence la Cour d'appel dans l'arrêt Smith, soit les arrêts Desjardins, Findenigg et Harbour, sont relatives au paragraphe 41(10) de la Loi.
L'affaire Desjardins traite d'une situation où la Commission avait décidé que la prestataire n'avait pas droit au bénéfice des prestations qu'elle réclamait. À la page 221, la Cour écrivait:
En décidant ainsi, le juge-arbitre paraît avoir commis une erreur de droit. Le pouvoir extraordinaire dont parle le pargraphe 55(10) est accordé à la seule Commission qui peut l'exercer lorsque, "à son avis", les circonstances le justifient. Le juge-arbitre a donc excédé sa compétence lorsqu'il a exercé lui-même ce pouvoir parce que, à son avis, la Commission aurait dû l'exercer.
Le même thème est repris dans la décision Findennig où le juge Thurlow, écrivant pour la Cour, s'exprimait comme suit à la page 70:
... De plus, comme le conseil ne pouvait exercer le pouvoir de la Commission prévu au paragraphe 55(10), il aurait dû renvoyer l'affaire devant la Commission pour qu'elle exerce les fonctions qu’elle tient de ce paragraphe.
Dans la décision Harbour, encore une fois le même thème est repris. On réfère de nouveau à l'article 55(10) [maintenant 41(10)] dans ce cas où le prestataire n'avait pas soumis sa demande à temps et on a déterminé que la Commission avait refusé d'exercer sa discrétion en mettant de côté les conditions requises pour avoir droit aux prestations.
Le procureur de la prestataire m'avoue être convaincu que la Cour d'appel, en interprétant la discrétion accordée à la Commission en vertu de l'article 33, et en la comparant à la même discrétion accordée en vertu de l'article 41(10), n'a pas analysé l'affaire suffisamment à fond. En vertu de l'article 41(10), on accorde la discrétion à la Commission dans une situation où un prestataire ne se qualifie pas pour obtenir des prestations parce qu'il ne rencontre pas l'une ou l'autre des conditions essentielles; la Commission a la discrétion de suspendre ou modifier les conditions et d'accorder les bénéfices. Il s'agit d'une discrétion que la Commission exerce en faveur du prestataire. Cependant, la discrétion accordée en vertu de l'article 33 constitue une imposition de pénalité qui n'est assujettie à aucun contrôle judiciaire. Il y a une énorme différence entre un privilège qu'on peut accorder et une pénalité que l'on impose suite à laquelle un prestataire n'a aucun recours. Qu'un officier de la Commission puisse décider unilatéralement du taux de la pénalité, soit de 100%, 200% ou 300% semble injustifié puisque cette décision ne fait l'objet d'aucun contrôle judiciaire.
Le procureur revient ensuite sur l'aspect de la directive en ce qui concerne le taux des pénalités, soit 100%, 200% ou 300%. Il fait référence à la décision du juge Denault dans l'affaire Boulay, CUB 20766, où le juge comparaît les deux articles. Sous 33(l), à son avis, si une personne a sciemment fait une déclaration ou une représentation fausse ou trompeuse, elle peut infliger une pénalité. À l'article 41(10), à son avis, la Commission peut suspendre de modifier les conditions pour accorder les prestations. À la page 7 de sa décision, le juge Denault écrivait:
Je suis par ailleurs d'avis que l'analogie entre les paragraphes 33(l) et 41(10) de la Loi ne doit être faite qu'avec circonspection, les dispositions du paragraphe 41(10) autorisant à Commission à suspendre ou modifier les conditions ou exigences de cet article ou des règlements "pour le bien du prestataire", alors que le paragraphe 33(l), au contraire, vise à le pénaliser pour avoir fait une déclaration fausse ou trompeuse. L'objectif fort différent poursuivi par la Commission dans l'exercice de ces pouvoirs que lui a conférés le Parlement, et les effets qui en découlent sur le prestataire, m'amènent à croire, contrairement à l'avocat de la Commission, que la similarité du langage utilisé dans ces articles ne mérite pas qu'on les interprète d'une façon similaire. J'estime en effet que si, d'une part, le conseil arbitral ne peut exercer en lieu et place de la Commission le pouvoir discrétionnaire d'imposer une pénalité, d'autre part, rien ne l'empêche d'annuler ou de réviser cette pénalité dans la mesure où l'arrêt NIXON lui permet de réviser judiciairement l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire de la Commission, et ce, dans le cadre fixé dans l'arrêt CHARTIER, c'est-à-dire s'il lui apparaît que la Commission a "exercé sa discrétion de façon non judiciaire, en tenant compte de considérations non pertinentes ou sans tenir compte de considérations pertinentes". En dehors de ce cadre, j'estime que le conseil arbitral n'a pas le pouvoir de forcer la Commission à annuler une pénalité ou d'en modifier le montant, quitte à recommander à celle-ci de la modifier, recommandation qu'elle n'est pas tenue de suivre.
À mon avis, le juge Denault s'est posée la bonne question; il aurait peut-être dû retourner à la décision de la Cour d'appel dans l'affaire Findennig où aux pages 70 et 71, le juge Thurlow écrivait:
... Seule la Commission est investie du pouvoir de suspension prévu au paragraphe 55(10), et lorsque ce pouvoir est invoqué par un prestataire, la Commission doit l'exercer. Celle-ci doit l'exercer en tenant compte de toutes les circonstances du cas particulier, et il va sans dire qu'il doit l'exercer équitablement et non arbitrairement.
...
On ne trouve mille part de disposition déterminant quels pouvoirs le conseil peut exercer dans le cadre d'un appel porté devant lui. En particulier, il n'existe pas de disposition semblable à l'article 96 [abrogé et remplacé par S.C. 1976-77, chap. 54, art. 56] qui définit et attribue les divers pouvoirs qu'un juge-arbitre peut exercer dans le cadre d'un appel formé contre la décision du conseil. Toutefois, je ne pense pas que l'absence d'une telle disposition puisse être considérée comme signifiant que le conseil n'a aucun pouvoir à exercer. J'estime qu'il faut tenir pour acquis qu'en prévoyant des appels devant le conseil, le législateur doit avoir voulu conférer un droit d'appel efficace et avoir implicitement autorisé le conseil à rendre toute décision qui s'impose dans les circonstances de l'affaire dont il est saisi afin de s'assurer que le résultat est conforme à la loi.
Le procureur déclare avoir rarement lu des commentaires ou observations de la part de la Commission démontrant clairement si on a tenu compte de toutes les circonstances ou si on a simplement suivi les directives à l'effet que lors d'une première offense la pénalité est de 100%, lors d'une deuxième offense 200% et la troisième fois 300%. Le procureur ajoute que le Parlement lorsqu'il a indiqué "un maximum de trois fois le taux de prestations" n'a imposé aucun minimum.
L'article 33 de la Loi sur l'assurance-chômage confère à la Commission le pouvoir discrétionnaire d'infliger une pénalité à l'égard de chaque déclaration fausse ou trompeuse faite sciemment par un prestataire.
Il existe des principes bien établis régissant l'exercice de ce type de pouvoir discrétionnaire par le détenteur à qui il a été délégué en vertu de la loi; ce dernier doit agir de bonne foi, il doit tenir compte de tous les facteurs pertinents et ne pas se laisser influencer par ceux qui ne le sont pas, il ne doit pas promouvoir des objectifs étrangers à l'esprit de la loi habilitante et il ne peut agir de façon arbitraire ou abusive.
Dans le cas de l'article 33, la Commission a adopté une politique générale suivant laquelle elle inflige une pénalité équivalant à 100 p. 100 du taux des prestations hebdomadaires du prestataire pour la première infraction, à 200 p. 100 pour la deuxième infraction et à 300 p. 100 pour toute infraction subséquente.
La Commission a le droit d'adopter des lignes directrices de cette nature, mais elle ne peut appliquer automatiquement ces pourcentages dans tous les cas. Dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire d'infliger une pénalité en vertu de l'article 33, elle doit se conformer aux principes énoncés ci-dessus, c'est-à-dire tenir compte de tous les facteurs pertinents et faire abstraction de ceux qui ne le sont pas, et elle ne peut agir de façon arbitraire ou abusive. Il peut fort bien exister des circonstances atténuantes dont elle devrait tenir compte lorsqu'un prestataire a fait une déclaration fausse ou trompeuse, et il lui incombe d'examiner les circonstances particulières de chaque cas afin de déterminer avec certitude s'il y a de telles circonstances. Les circonstances atténuantes prennent diverses formes, et elles peuvent varier considérablement d'un prestataire à l'autre.
Quoi qu'il en soit, chaque fois que le détenteur d'un pouvoir discrétionnaire délégué en vertu de la loi exerce ce pouvoir, ses actes peuvent faire l'objet d'un contrôle afin de garantir qu'il n'en a pas abusé et qu'il a respecté les principes susmentionnés. Dans certains cas, l'enquête prend la forme d'un contrôle judiciaire. Souvent, le législateur cherche à réprimer les abus en conférant un droit d'appel.
Le pouvoir discrétionnaire de la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada d'infliger une pénalité sous le régime du paragraphe 33(l) de la Loi sur l’assurance-chômage peut être examiné par voie d'appel, d'abord devant un conseil arbitral puis devant un juge-arbitre. Ces juridictions d'appel ont le droit d'examiner les faits établis par la preuve. S'il existe suffisamment de preuves pour étayer la conclusion de la Commission, le conseil et le juge-arbitre ne peuvent l'annuler simplement parce qu'ils en seraient venus à une conclusion différente s'ils s'étaient prononcés sur la question en premier lieu.
Cependant, si le conseil arbitral ou le juge-arbitre estime que les faits ne sont pas suffisants en droit pour appuyer la conclusion de la Commission, la décision de cette dernière ne peut tenir. Si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon erronée, en ce qu'elle a infligé une pénalité sans tenir compte des facteurs pertinents ou en se fondant sur ceux qui ne l'étaient pas, le conseil arbitral ou le juge-arbitre ont le droit d'annuler sa décision.
Ce principe est bien établi par la jurisprudence. L'arrêt Wrights' Canadian Ropes Ltd. v. Minister of National Revenue, [1947] 1 D.L.R. 721 (C.P.) porte sur le pouvoir discrétionnaire de ce ministre de refuser une déduction au titre de dépenses. Dans l'appel interjeté relativement à l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, lord Green a formulé les commentaires suivants (p. 730-731) :
[TRADUCTION] [...] À moins qu'il ne puisse être prouvé que le Ministre a agi contrairement à un principe de droit, la Cour, de l'avis des lords, ne peut intervenir : aux termes de l'article, le Ministre est l'unique juge du caractère raisonnable ou normal, et la Cour ne peut substituer sa propre opinion à celle du Ministre [...]
De l'avis des lords, la Cour a toujours le droit d'examiner les faits dont le Ministre, selon la preuve, a été saisi lorsqu'il a pris sa décision. Si, selon la Cour, ces faits ne sont pas suffisants en droit pour appuyer cette décision, celle-ci ne peut tenir. Dans un tel cas, il ne peut s'agir que d'une décision arbitraire. Par ailleurs, si les faits dont le Ministre, selon la preuve, a été saisi contiennent suffisamment de renseignements pour appuyer sa décision, la Cour ne peut infirmer celle-ci simplement parce que, en se fondant sur les mêmes faits, elle en aurait conclu autrement. Comme nous l'avons déjà dit, aux termes du paragraphe, le Ministre est l'unique juge du caractère raisonnable ou normal, mais comme dans le cas de tout autre juge des faits, il doit avoir, en droit, suffisamment de renseignements pour étayer sa décision.
(Non souligné dans l'original.)
Le même principe a été énoncé par le vicomte Simon, lord chancelier, dans Charles Osenton & Co. c. Johnston, [1942] A.C. 130, 138, que le juge La Forest a cité, en l'approuvant, dans l'arrêt Friends of the Oldman River Society c. Canada (ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, 76-77
[TRADUCTION] La règle relative à l'annulation par une cour d'appel d'une ordonnance rendue par un juge d'une instance inférieure dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire est bien établie, et tous les problèmes qui se présentent résultent seulement de l'application de principes déterminés à un cas particulier. Le tribunal d'appel n'a pas la liberté de simplement substituer l'exercice de son propre pouvoir discrétionnaire à celui déjà exercé par le juge. En d'autres termes, les juridictions d'appel ne devraient pas annuler une ordonnance pour la simple raison qu'elles auraient exercé le pouvoir discrétionnaire original, s'il leur avait appartenu, d'une manière différente. Toutefois, si le tribunal d'appel conclut que le pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon erronée, parce qu'on n'a pas accordé suffisamment d'importance, ou qu'on en n'a pas accordé du tout, à des considérations pertinentes comme celles que l'appelante a fait valoir (levant nous, il est alors possible de justifier l'annulation de l'ordonnance.
(Non souligné dans l'original.)
Par conséquent, il est évident que les juridictions d'appel doivent s'abstenir à l'égard de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire par le détenteur à qui il a été délégué en vertu de la loi, sauf si la conclusion est déraisonnable ou qu'elle résulte de l'examen de facteurs non pertinents ou erronés, ou d'un principe erroné, ou parce qu'on n'a pas accordé suffisamment d'importance ou qu'on n'en a pas accordé du tout à un facteur pertinent.
Cela ne répond toutefois pas à la question de savoir ce qu'un juge-arbitre est habilité à faire une fois qu'il a statué que la Commission a exercé de façon irrégulière le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par le paragraphe 33(l). La Cour d'appel a formulé sa position sur cette question dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Smith (A-330-93, 9 février 1994), où elle dit à la page 3 :
Nous aimerions ajouter que, de toute manière, l'arbitre n'était pas habilité à réduire la pénalité infligée par la Commission. Lorsqu'il s'agit de décisions nécessitant l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission en vertu du paragraphe 33(l), l'arbitre outrepasse sa compétence lorsqu'il substitue son point de vue à celui de la Commission. Au mieux, si l'arbitre avait conclu à juste titre que le conseil arbitral avait commis une erreur susceptible de contrôle judiciaire en n'infirmant pas la décision de la Commission, son seul pouvoir aurait été de renvoyer l'affaire devant le conseil arbitral en lui indiquant les motifs pour lesquels la décision de la Commission devait être reprise.
Avec égards, je ne pense pas qu'il s'agisse d'une formulation correcte du droit applicable. La portée d'un appel dépend de divers facteurs : le texte de la disposition conférant le pouvoir discrétionnaire examiné, l'objet du pouvoir discrétionnaire et la raison pour laquelle il est accordé ainsi que les circonstances particulières dans lequel il a été exercé. En fait, la portée du contrôle qu'une juridiction d'appel peut effectuer quant à l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire dépend de l'interprétation de chaque texte législatif. Dans certains cas, on peut à juste titre considérer que le texte de la disposition législative qui confère le droit d'appel habilite la juridiction d'appel à substituer son point de vue à celui de l'autorité compétente qui a rendu la décision si elle est convaincue que la décision était erronée, bien qu'elle doive toutefois faire preuve de déférence à l'égard du détenteur du pouvoir délégué en vertu de la loi en arrivant à sa décision initiale.
Les pouvoirs d'un juge-arbitre siégeant en appel sont énoncés à l'article 81 de la Loi sur l'assurance-chômage :
81. Le juge-arbitre peut trancher toute question de droit ou de fait pour statuer sur un appel interjeté en vertu de l'article 80; il petit rejeter l'appel, rendre la décision que le conseil arbitral attrait dû rendre, renvoyer l'affaire ait conseil arbitral pour nouvelle audition et nouvelle décision conformément aux directives qu'il juge appropriées, confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision du conseil arbitral.
(Italiques ajoutés.)
Il est indubitable qu'en adoptant cette disposition, le législateur a conféré un très large pouvoir d'appel aux juges-arbitres. À mon avis, une fois qu'un juge-arbitre est convaincu que la décision d'un conseil arbitral qui a confirmé une pénalité infligée par la Commission en application du paragraphe 33(l) ne peut être maintenue, le pouvoir de «modifier totalement ou partiellement la décision du conseil arbitral» qui lui est conféré par l'article 81 signifie qu'il est habilité à examiner la preuve et à trancher la question d'après les faits prouvés.
En fait, l'arrêt de la Cour d'appel Tignish Auto Parts Inc. c. Ministre du Revenu national (1994), 25 Admin. L.R. (2d) 1, renforce ce point de vue. Dans cet arrêt, il s'agissait de déterminer l'étendue de la compétence de la Cour canadienne de l'impôt dans son contrôle de l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par le sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi sur l'assurance-chômage. Le ministre a soutenu devant la Cour d'appel qu'étant donné que la décision qu'il devait rendre était discrétionnaire, la compétence de la Cour canadienne de l'impôt était rigoureusement circonscrite.
La Cour d'appel a analysé le paragraphe 70(2) de la Loi sur l'assurance-chômage, en vertu duquel la Cour canadienne de l'impôt exerçait sa compétence, afin de déterminer le genre de décision qu'elle pouvait rendre. Ce paragraphe prévoit ce qui suit :
70.(2) Sur appel interjeté en vertu du présent article, la Cour canadienne de l'impôt peut infirmer, confirmer ou modifier le règlement de la question, peut annuler, confirmer ou modifier l'évaluation ou peut renvoyer l'affaire au ministre pour qu'il l'étudie de nouveau et fasse une nouvelle évaluation; dès lors, elle est tenue de notifier par écrit sa décision et ses motifs aux parties à l'appel.
(Italiques ajoutés.)
S'exprimant au nom de la Cour, le juge Desjardins a dit à la P. 11
Une fois que la Cour de l'impôt a statué que le règlement du ministre ne peut être confirmé, le pouvoir de «modification» qu'il tire du paragraphe 70(2) de la Loi implique qu'il petit exercer pleinement les pouvoirs qui sont conférés au ministre par la Loi. À mon avis, il n'y a pas de raison d'établir ici une distinction entre une décision quasi-judiciaire rendue par le ministre, comme la décision se fondant sur l'alinéa 3(1)a) par exemple, et une décision discrétionnaire se fondant sur le sous-alinéa 3(2)c)(ii). La Cour de l'impôt, à cette étape, se trouve dans une situation de novo. Elle est habilitée à analyser et à évaluer de nouveau la preuve en tenant compte (les critères énoncés au sous-alinéa 3(2)c)(ii) et elle doit donc trancher la question d'après les faits prouvés.
(Non souligné dans l'original.)
Je ne vois pas pourquoi le même raisonnement ne s'applique pas aux pouvoirs conférés à un juge-arbitre par l'article 81 de la Loi. Les termes utilisés dans les deux articles indiquent clairement l'intention du législateur de conférer un pouvoir d'appel large aux juridictions d'appel concernées. En fait, le texte de l'article 81 confère expressément à un juge-arbitre le pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue.
De toute façon, si le terme «modifier» au paragraphe 70(2) de la Loi sur l'assurance-chômage signifie que la Cour canadienne de l'impôt se trouve dans une situation de novo, peu importe que ce soit une décision discrétionnaire du ministre qui fasse l'objet du contrôle, il ne peut y avoir aucune raison d'attribuer un sens différent à ce terme à l'article 81 de la Loi. Suivant le raisonnement de la Cour d'appel dans l'arrêt Tignish Auto Parts, il est clair qu'un juge-arbitre siégeant en appel de l'exercice par la Commission du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l'article 33 de la Loi se trouve aussi dans une situation de novo et, par conséquent, qu'il est «habilité à analyser et à évaluer de nouveau la preuve» et à trancher la question d'après les faits prouvés.
Par conséquent, comme je ne suis pas convaincu que la Commission a tenu compte de toutes les circonstances de l'espèce pour déterminer le montant de la pénalité infligée en vertu de l'article 33, j'ai l'intention d'exercer les pouvoirs conférés à un juge-arbitre par l'article 81 et de rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre. La preuve indique clairement l'existence de circonstances atténuantes qui justifient la réduction du montant de la pénalité et dont la Commission n'a pas tenu compte dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.
Pour ces motifs, la décision du conseil portant que la demanderesse a fait une déclaration fausse et trompeuse est confirmée, mais sa décision relative à la pénalité est infirmée. La pénalité sera fixée à $850.00. L'appel de la demanderesse est rejeté à tout autre égard.
"P. ROULEAU"
JUGE-ARBITRE
OTTAWA, Ontario
Le 22 septembre 1995