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  • CUB 29423

    TRADUCTION

    Entendu à Vancouver le 10 mai 1995.

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    HOSSEIN FAKHARI

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la Commission
    à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Vancouver (Colombie-Britannique) le 14 janvier 1994.



    CUB CORRESPONDANTE : 29423A

    DÉCISION DE LA COUR D'APPEL FÉDÉRALE CORRESPONDANTE : A-732-95


    DÉCISION

    LE JUGE W.J. HADDAD

    La Commission en appelle de la décision du conseil arbitral; celui-ci a accueilli l'appel à l'encontre d'une décision de la Commission selon laquelle le prestataire avait perdu son emploi auprès de la North Vancouver Recreation Commission, le 22 octobre 1993, en raison de sa propre inconduite.

    Les motifs d'appel de la Commission sont les suivants : d'abord, le conseil arbitral a commis une erreur de droit; ensuite, le conseil a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées et a par conséquent excédé sa compétence.

    Le prestataire a présenté une demande initiale de prestations d'assurance-chômage entrée en vigueur le 24 octobre 1993.

    Les faits indiquent que le prestataire, avant son arrivée au Canada, était un champion de volley-ball dans son pays natal.

    Selon la preuve versée au dossier, fournie par le prestataire le 22 octobre 1993, celui-ci était entré au service de la North Vancouver Recreation Commission trois ans plus tôt. Son contrat stipulait qu'il devait diriger une séance de volley-ball tous les mercredis soir au Capilano College entre 19 h et 23 h, moyennant une rémunération horaire de 13,50 $.

    Entre-temps, à l'insu de l'employeur, le prestataire a conclu un contrat avec le West Vancouver Recreational Centre pour y mettre sur pied une ligue de volley-ball, des séances d'entraînement devant avoir lieu le mercredi soir du 29 septembre 1993 au 15 décembre 1993, entre 20 h 30 et 23 h 30, ce qui occasionnait un empiètement sur ses fonctions au Capilano College.

    Un participant au programme de volley-ball du collège s'est plaint du fait que le prestataire avait été absent à une occasion. La coordonnatrice des loisirs de l'employeur, Diane Reddy, a rencontré le prestataire le 20 octobre 1993 pour lui demander des explications sur le fond de la plainte. Il a nié avoir été absent. Il a affirmé à la coordinatrice des loisirs qu'il était présent au collège pour surveiller le programme de volley-ball en tout temps les mercredis 29 septembre, 6 octobre et 13 octobre 1993, entre 19 h et 23 h. De plus, il a nié avoir conclu un contrat visant l'exercice de fonctions de moniteur de sport au West Vancouver Recreational Centre.

    Des enquêtes menées ultérieurement par l'employeur ont révélé que les dénégations du prestataire étaient mensongères. Il avait effectivement quitté le Capilano College avant l'heure prévue en chacune de ces trois occasions, et, en même temps, s'était présenté en retard au travail au West Vancouver Recreation Centre. Il s'était présenté à 20 h 50 le 29 septembre, à 21 h 50 le 26 octobre et à 21 h 35 le 13 octobre 1993. De plus, il avait signé la feuille de paie à ce centre de loisirs pour chacun des trois soirs.

    Le prestataire n'avait d'autre choix que de finir par admettre avoir quitté avant l'heure les trois soirs en question au Capilano College et avoir conclu les deux contrats.

    Pour chacun de ces soirs, il a été payé par l'employeur pour le nombre total d'heures qu'il aurait dû travailler.

    L'employeur a mis un terme à l'emploi du prestataire par une lettre datée du 22 octobre 1993, dans laquelle l'auteur énumérait des faits analogues à ceux auxquels j'ai fait allusion. La lettre se terminait comme suit :

    Il s'agit d'une violation des conditions de votre contrat, et elle est particulièrement inacceptable du fait que vous m'avez affirmé, le 20 octobre, que vous aviez été présent en tout temps au programme du Capilano College.
    Notre commission ne peut absolument pas réaliser des programmes dans de telles conditions. À la lumière de ce qui précède, votre contrat avec la North Vancouver Recreation Commission est résilié et cette résiliation entre en vigueur immédiatement.

    La circonstance « particulièrement inacceptable » dont il est question dans cette lettre est celle des déclarations mensongères du prestataire.

    Les conclusions sur lesquelles le conseil arbitral a fondé sa décision se lisent comme suit :

    Le représentant du prestataire a présenté au conseil les pièces 18.1 et 18.2 et a affirmé qu'à son avis, il ne s'agissait pas d'inconduite.
    Le prestataire a été embauché par le programme moyennant des honoraires fixes et non une rémunération horaire. Il est à noter que pour les fins des dossiers de l'employeur, la rémunération est sans nul doute consignée sous forme de salaire horaire. Le prestataire n'était pas dans ces cas un moniteur, mais plutôt un entrepreneur indépendant qui assurait la surveillance de la pratique du sport.
    Le prestataire est un sportif professionnel qui a été à une certaine époque le champion national de volley-ball de l'Iran.
    Il semblerait que, lors de l'entrevue initiale avec Mme Reddy, ses déclarations aient été occasionnées par une « réaction de panique » et faites sous l'impulsion du moment, plutôt que d'être des mensonges.
    Le conseil arbitral note que le prestataire n'avait jamais été averti avant son congédiement, oralement ou par écrit, du fait que ses absences compromettaient le programme de volley-ball de West Vancouver.
    Le prestataire a déclaré qu'il s'était rendu compte de l'impression qu'avaient pu faire ses remarques, mais qu'il n'était pas parvenu à amener l'employeur à l'écouter.
    Le conseil conclut que cet incident à lui seul ne constitue pas une inconduite aux termes de la Loi.

    Les pièces 18.1 et 18.2 qui, semble-t-il, ont impressionné le conseil arbitral, n'ont aucune valeur probante dans la résolution du point litigieux. Il s'agit de deux lettres, l'une provenant d'une personne qui a participé au programme du Capilano College et l'autre, d'une personne à qui le prestataire a demandé de l'aider à surveiller le programme de West Vancouver. Les lettres ne font rien d'autre que vanter les qualités du prestataire à titre de moniteur de sport.

    La conclusion du conseil arbitral voulant que le prestataire ait été embauché moyennant des honoraires fixes en qualité d'entrepreneur indépendant va à l'encontre de l'ensemble de la preuve et, pour ce motif, cette conclusion de fait est erronée. Le conseil n'a pas tenu compte des éléments portés à sa connaissance.

    Pour justifier le fait qu'il quittait son travail avant l'heure prévue, le prestataire a soutenu qu'il était entrepreneur indépendant. Lorsque j'ai examiné le dossier en vue de me préparer pour cet appel, il m'est venu à l'esprit que, si le prestataire était un entrepreneur indépendant, il ne serait pas admissible aux prestations puisque ce statut nierait l'existence d'une relation employeur-employé. Quoi qu'il en soit, je ne vois dans les éléments portés à ma connaissance aucune preuve solide venant corroborer le statut d'entrepreneur indépendant du prestataire ni justifier la conclusion du versement d'honoraires fixes.

    Selon la preuve produite par l'employeur, le prestataire était un moniteur de sport embauché moyennant un salaire horaire. De plus, la preuve produite par le prestataire confirme ce fait. Lorsqu'il a présenté sa demande de prestations, il a affirmé qu'il gagnait 13,50 $ l'heure et il a fait la même déclaration sous la rubrique « taux de rémunération » dans une « plainte et accusation » présentée par écrit au ministère du Travail et des Services à la consommation. Dans ce même document, il déclarait qu'il avait été employé à titre de moniteur, même s'il a prétendu ultérieurement qu'il n'était pas un moniteur.

    La conclusion du conseil selon laquelle les déclarations du prestataire à Mme Reddy, lorsque celle-ci lui a demandé des explications, ont été « occasionnées par une 'réaction de panique', et faites sous l'impulsion du moment, plutôt que d'être des mensonges » est hors de propos. Le raisonnement qui la sous-tend est sans fondement et dénaturé. Il est illogique de dire que la dénégation par un prestataire d'un fait véridique n'est pas un mensonge. Il est illogique de dire qu'un « mensonge » n'est pas un « mensonge ».

    La réaction de panique subie par le prestataire, si tel a été le cas, de même que les déclarations faites sous l'impulsion du moment sont, selon toute vraisemblance, survenues lorsqu'il a appris que son employeur était au courant de ses contrats qui empiétaient l'un sur l'autre et de son absentéisme.

    La panique n'excuse ni n'efface le mensonge et son stigmate.

    L'alibi de la « réaction de panique » ne peut être appliqué aux dénégations qu'a répétées le prestataire lorsqu'il a été interrogé par un agent de la Commission le 23 novembre. Voici un extrait du rapport de l'agent :

    Il a été difficile d'amener le prestataire à admettre la vérité dans ses déclarations. Il a tout d'abord nié à plusieurs reprises avoir quitté North Vancouver (le Capilano College) avant l'heure prévue.

    Le représentant de la Commission m'a signalé la récente décision de la Cour d'appel fédérale prononcée à l'audience le 6 février 1995 dans l'affaire Procureur général du Canada c. Secours, A-352-94, ainsi que l'arrêt Procureur général du Canada c. Keith Summers, A-225-94. Dans chaque cas, la Cour a jugé que le juge-arbitre ne s'était pas posé la bonne question lorsqu'il s'était penché sur le caractère raisonnable de la décision de l'employeur. À mon avis, dans le cas qui nous occupe, le conseil arbitral a en fait commis une erreur analogue. Dans l'arrêt Summers, la Cour souscrivait à l'affirmation suivante tirée de l'arrêt non publié dans l'affaire Procureur général du Canada c. Jewell, A-235-94.

    [...] l'article 28 s'applique dans la mesure où l'employeur estime que l'inconduite reprochée justifiait le congédiement et ce, même si cette évaluation subjective ne pourrait être invoquée comme moyen de défense dans le cadre d'une action pour congédiement injustifié.

    On m'a aussi signalé l'affaire CUB 11823, Dalgleish, où le prestataire exerçait des emplois qui empiétaient l'un sur l'autre et avait à plusieurs reprises quitté son emploi principal avant l'heure pour se présenter à son autre lieu d'emploi. Il avait été congédié de son premier emploi. La Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations parce qu'il avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Cette décision a été confirmée en appel par un conseil arbitral, puis par le juge-arbitre. Je ne vois aucun fondement dans les facteurs invoqués par le représentant du prestataire pour distinguer l'affaire Dalgleish de celle qui nous occupe.

    L'aspect le plus déterminant de la conduite du prestataire en l'espèce, à mon avis, est le fait qu'il n'a pas dit la vérité. Je crois, d'après les éléments portés à ma connaissance, que c'est ce qui a conduit à son congédiement. J'adopte le raisonnement qui sous-tend la décision de la juge Reed dans l'affaire CUB 15255, Belan, où un employé s'était absenté de son travail sans le consentement de son employeur, puis avait menti pour couvrir son absence. La juge Reed affirme :

    [...] je note que certaines violations de la relation employeur-employé sont traditionnellement considérées comme plus graves que d'autres. Pour certaines d'entre elles, comme l'absentéisme ou le manque de ponctualité, il faut que le comportement soit habituel pour qu'il y ait inconduite. Les fausses déclarations ou la malhonnêteté, toutefois, parce qu'elles touchent au coeur même de la relation de confiance qui doit exister entre l'employé et l'employeur, sont beaucoup plus graves. Dans bien des circonstances, un seul incident justifie l'interruption de la relation employeur-employé.

    À mon avis, les conclusions du conseil arbitral ne peuvent être appuyées. De plus, le conseil a commis une erreur de droit en omettant de conclure à l'inconduite de la part du prestataire. Il est bien établi que l'inconduite est une question de droit.

    J'accueille l'appel, j'annule la décision du conseil arbitral et je rétablis la décision de la Commission.

    W.J. Haddad

    W.J. Haddad, juge-arbitre

    Pour le prestataire : Barbara Carbonell

    Pour la Commission : Anne Beveridge

    FAIT à Edmonton (Alberta), ce 12e jour de juin 1995.

    2011-01-16