EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE
- et -
Richard GAUTHIER, de St-Viateur,
Appelant
C.
LA COMMISSION DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION
Intimée
DÉCISION
L'hon. NOËL BARBÈS C. R.
Le présent appel fut entendu le l5 janvier 1996, à Joliette.
M. Richard Gauthier travailla durant 20 ans comme agent sanitaire des grains, à la Commission canadienne des grains, à Montréal et ailleurs, comme à Sorel, Trois-Rivières, etc.
Il quitta son poste le 8 septembre 1993 et demanda des prestations; mais il essuya un refus de la Commission de l'emploi, le 8 octobre parce qu'il aurait quitté volontairement son emploi, et sans justification.
L'employeur avait rapporté que l'intéressé avait manqué de travail parce que son poste fut aboli, et qu'alors, il avait choisi de demander la retraite. Il reçut une indemnité de départ et les allocations de retraite.
Il aurait pu rester comme employé excédentaire pour un temps limité pendant lequel on aurait pu lui offrir un autre travail; mais il a renoncé.
Il allégua ensuite, en s'adressant à un conseil arbitral que le vrai motif de sa décision de renoncer fut le harcèlement auquel il fut soumis depuis environ 2 ans de la part des travailleurs avec qui il devait entrer en communication. Il fut ignoré, laissé de côté, et harcelé depuis qu'il omit de prendre part à une grève.
Le prestataire a subi l'épreuve constante avec l'espoir d'améliorer la situation pénible où il se trouvait; il entreprit des démarches auprès de son supérieur, M. Gordon Stuart, qui s'efforça de promouvoir meilleure entente dans le milieu.
L'employé éprouvé affirme que ce fut peine perdue, qu'il était affecté de plus en plus, qu'il souffrit d'insomnie, et qu'il fut dans la crainte constante de subir des sévices de ceux qui refusaient de le traiter humainement. Un de ses supérieurs, M. Jim Laberge, contribuait malheureusement à aggraver les difficultés.
La discrimination intense devint unsupportable, et le travailleur était rejeté du milieu où il devait accomplir ses tâches.
M. Gauthier prétend avoir quitté son emploi en toute justification, au sens légal, vu les termes de l'article 28.(4)a) de la Loi sur l'assurance-chômage.
Tel fut le véritable motif de départ sans lequel, l'assuré Gauthier n'aurait pas renoncé définitivement à l'emploi.
Il invoque énergiquement devant le conseil arbitral que dans les circonstances dont il prétend faire la preuve, il est fondé d'avoir allégué manque de travail et que son départ immédiat constituait la seule solution raisonnable dans les circonstances.
Autrement dit, l'employé dont le poste fut aboli, mais qui aurait pu rester en attente, a renoncé à son emploi définitivement à cause du harcèlement dont il fut victime, et qu'il à vainement tenté de faire cesser, même avec l'aide du patron.
LE PROBLÈME LÉGAL.
Il fallait voir si, dans les circonstances de faits, le départ définitif fut la seule solution raisonnable, Et l'intéressé a-t-il vraiment par contrainte, et par nécessité démissionné?
Le Conseil arbitral décida, après avoir entendu l'appelant et son patron, M. Gordon Stuart, le 17 novembre 1993, que faute de preuves détaillées sur des faits qualifiés de harcèlement, il fallait considérer l'appel non fondé.
Et l'on m'a remis une cassette portant l'enregistrement de la séance du Conseil arbitral pour me permettre d'apprécier la question.
J'ai pris soin de reviser le tout, d'étudier le dossier en tous détails; et j'ai constaté que l'appelant en témoignant devant le Conseil arbitral a cerné clairement la difficulté dont il avait eu motifs de se plaindre.
Son supérieur, M. Gordon Stuart; confirma avoir reçu des plaintes à raison des difficultés répétées rendant la vie insupportable à son protégé.
On a fait des démarches louables pour tenter d'améliorer le climat défavorable auquel devait faire face d'employé malheureux.
Et le travail de l'employé visé était, de l'avis de ce patron, tel qu'il aurait souhaité le garder en poste, ou autrement, en disponibilité.
Il est à mon sens inacceptable qu'on veuille ignorer ou tenir pour peu importants les gestes constants de harcèlement qui sont propres à rendre la vie insupportable quand il sont prolongés dans le temps, comme ce fut le cas.
L'appelant actuel décida de partir quand son poste fut aboli; et je suis convaincu que cette décision fut raisonnable, et pleinement justifiée.
Faudrait-il imposer indéfiniment à un travailleur qui a porté plaintes, et fait tous les efforts pour améliorer la situation, de supporter indéfiniment les pressions du milieu pour le décourager?
Je crois que d'après la preuve soumise aux arbitres, il y avait des contraintes quasi-insupportables depuis longtemps, et la seule décision raisonnable disponible à l'assuré fut le départ définitif.
A mon sens, d'après l'ensemble des documents au dossier et de la preuve fournie devant les arbitres, ce fut non seulement raisonnable, mais nécessaire pour l'appelant de partir quand son poste fut aboli, et qu'il n'y avait à l'horizon aucune solution raisonnable pour corriger et supprimer l'épreuve du harcèlement constant.
Donc, l'employé a renoncé à l'emploi éventuel et incertain dont on lui a fait part par une lettre (pièce 9) du gestionnaire Gordon Stuart le 27 juillet 1993, - à cause d'une des circonstances décrites dans le paragraphe 28.(4) de la Loi sur l'assurance-chômage.
(Voir à ce sujet: C.E.I.C. c. Denise Landry, sous numéro A-1210-92 en Cour d'appel fédérale, ou la décision première CUB 21349A.)
La Cour d'appel s'exprima ainsi:
Depuis l'adoption du nouvel article 28 de la Loi sur l'assurance-chômage, ... le conseil arbitral n'a pas à se demander s'il trouve raisonnable la conduite du prestataire; il doit plutôt se demander si le prestataire a quitté son emploi dans l'une ou l'autre des circonstances décrites aux alinéas a) à n) du paragraphe 28(4) de la Loi et, dans la négative, si le départ immédiat du prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas.
J'ai lu également la décision de l'hon. P. Rouleau, dans CUB 27610, re Elizabeth H. CAMERON, qui rappelle l'affaire LANDRY et qui répète qu'un travailleur serait fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, le départ fut la seule solution raisonnable dans son cas.
Il y eut erreur dans l'appréciation des éléments de preuve, dans le présent dossier, et particulièrement dans l'appréciation de ce qui fut prouvé à l'audience du 17 novembre 1993 par l'appelant et par Mr. Gordon Stuart.
Ainsi le Conseil arbitral a-t-il commis erreur en fait, et en droit.
Le présent appel est déclaré justement fondé; Le travailleur dont il s'agit quitta l'emploi définitivement parce qu'il était bien fondé de le faire puisque compte tenu de toutes les circonstances, ce fut la seule solution raisonnable dans son cas.
Enfin, la décision défavorable de l'agent de la Commission de l'emploi, en dates des 7 et 22 octobre 1993, est annulée.
NOEL BARBES
Hon. Noel Barbès, c.r.
Juge-arbitre
AMOS,
12 mars 1996