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    CUB 35407

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par

    LYNDA RIDER

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le
    prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral
    rendue à Vancouver (Colombie-Britannique) le 12 décembre 1994

    D É C I S I O N

    LE JUGE ROULEAU

    La Commission interjette appel à l'encontre de la décision unanime du conseil arbitral selon laquelle la prestataire n'avait pas volontairement quitté son emploi sans justification au sens où l'entendent les articles 28 et 30.1 de la Loi - et le paragraphe 59.1(1) du Règlement.

    Le 23 septembre 1994, la prestataire a déposé une demande de prestations. Elle avait travaillé à titre de coordonnatrice des ventes chez The Coast Plaza de Stanley Park, du 9 septembre 1991 au 16 septembre 1994, date à laquelle elle a volontairement quitté son emploi. Elle a affirmé avoir démissionné en raison d'une dépression et d'anxiété causées par le stress. Elle avait rencontré son supérieur pour l'informer que sa charge de travail devenait trop lourde pour qu'elle puisse s'en acquitter de manière efficace. Selon ce dernier, cela était normal dans le domaine de l'hôtellerie.

    Avant de quitter son emploi, elle a pris trois semaines de congé dans l'espoir de voir son état s'améliorer. Elle est ensuite retournée au travail, mais après sept semaines, elle a senti qu'elle ne pourrait pas continuer et a démissionné. Le 21 septembre 1994, la prestataire a obtenu un certificat de son médecin, qui lui recommandait de prendre un congé d'une durée indéterminée en raison de son stress. La Commission a téléphoné à l'employeur. Celui-ci a précisé qu'elle avait droit à 17 semaines de congé payé, mais n'en avait pas fait la demande.

    Dans une lettre du 24 octobre 1994, la Commission a informé la prestataire de son exclusion du bénéfice des prestations ordinaires à compter du 18 septembre 1994, et pour le reste de sa demande, au motif que, le 16 septembre 1994, elle avait volontairement quitté son emploi auprès de la Coast Plaza, sans justification.

    La prestataire a alors interjeté appel devant le conseil arbitral, alléguant qu'au cours des trois années où elle était à l'emploi de l'hôtel, elle avait régulièrement travaillé de 45 à 50 heures par semaine. Selon ses dires, les employés n'étaient pas rémunérés pour les heures supplémentaires. De plus, en raison du manque de personnel, l'employeur leur demandait de faire le travail de deux personnes, de travailler durant deux quarts consécutifs et de remplacer d'autres employés lorsque cela était nécessaire. L'employeur avait dit à Mme Rider que ses efforts seraient récompensés, mais ses promesses ne se sont pas concrétisées. Selon les explications présentées au conseil par la prestataire, elle effectuait le même travail au même salaire depuis le début, n'avait aucune chance d'avancement ni de promotion et travaillait toujours durant de longues heures dans une situation très stressante. De plus, en raison de ses longues journées de travail, il lui était très difficile de chercher un autre emploi. Elle a donc pris un congé dans l'espoir de régler ses problèmes de stress. Toutefois, deux semaines après son retour au travail, les symptômes sont réapparus. Après avoir consulté son médecin, elle a décidé de démissionner, jugeant qu'il était peu probable qu'elle puisse un jour retourner au travail dans des conditions aussi stressantes.

    Le conseil a conclu que la prestataire était un témoin très crédible. Il a fait droit à son appel, jugeant qu'elle n'avait pas volontairement quitté son emploi sans justification et qu'elle était donc admissible aux prestations.

    La Commission interjette maintenant appel à l'encontre de la décision du conseil au motif que ce dernier a commis une erreur de droit et n'a pas appliqué la jurisprudence. D'après elle, le conseil n'a pas appliqué le critère réglementaire prescrit au paragraphe 28(4) de la Loi, selon lequel le départ de la prestataire devait constituer la seule solution raisonnable dans son cas. De plus, la prestataire aurait dû conserver son emploi jusqu'à ce qu'elle ait la certitude d'en obtenir un autre, et aurait pu se prévaloir d'un congé de maladie payé.

    Dans les cas de départ volontaire, la question consiste à déterminer si le départ du prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances entourant l'affaire, y compris celles qui sont énumérées à l'article 28 de la Loi sur l'assurance-chômage. Dans la présente affaire, je suis convaincu que la prestataire s'est acquittée du fardeau de la preuve et que le conseil n'a pas commis d'erreur de droit ni de fait en tirant la conclusion à laquelle il est arrivé.

    Un certain nombre de circonstances démontrent que le départ de la prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas. En effet, elle a présenté un certificat médical qui confirmait qu'elle vivait un stress intense imputable à une charge de travail très lourde, ce qui a donné lieu à une dépression et à de l'anxiété, elle avait pris un congé afin d'essayer de remédier à la situation, mais lorsqu'elle est retournée au travail les symptômes sont réapparus, elle n'a jamais reçu d'indemnisation pour ses heures supplémentaires et elle n'avait aucune chance d'être promue, même si, au dire de son employeur, ses efforts allaient être récompensés.

    Je ne suis pas non plus convaincu par l'argumentation de la Commission selon laquelle Mme Rider aurait pu se prévaloir d'un congé payé. La seule preuve qui puisse appuyer cette allégation est une courte note portée au dossier et écrite par l'agent d'assurance à la suite d'une conversation téléphonique avec l'employeur. À la lumière des autres preuves, cela ne constitue pas une raison suffisante de conclure que la prestataire aurait pu trouver une solution raisonnable avant de quitter son emploi.

    Par conséquent, je suis convaincu du fait que le conseil a tenu compte de l'ensemble de la preuve portée à sa connaissance, et que sa conclusion était tout à fait raisonnable. À titre de juge-arbitre, je n'ai donc aucune raison d'infirmer sa décision.

    Par conséquent, l'appel interjeté par la Commission est rejeté.

    P. ROULEAU

    Juge-arbitre

    OTTAWA (Ontario)
    Le 16 septembre 1996

    2011-01-16