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    CUB 35428

    TRADUCTION

    (Bureau de la traduction Canada)

    DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    - et -

    d'une demande de prestations présentée par
    ROBERT LESLIE

    - et -

    d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la Commission à
    l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à
    Longueuil (Québec) le 19 avril 1994

    DÉCISION

    LA JUGE TREMBLAY-LAMER

    La Commission demande l'annulation de la décision rendue le 19 avril 1994 par le conseil arbitral dans l'affaire de Robert Leslie, prestataire. Les arbitres ont infirmé la décision de la Commission et accueilli unanimement l'appel du prestataire.

    Le prestataire a été constable à la police municipale de Saint-Hubert du 26 mars 1973 jusqu'à sa suspension et son licenciement ultérieur le 3 décembre 1993. Le prestataire a présenté une demande initiale de prestations le 8 décembre 1993. La Commission a rejeté la demande du prestataire parce qu'il avait été suspendu et licencié en raison de sa propre inconduite. Le prestataire avait été arrêté pour possession de stupéfiants dans le but d'en faire le trafic alors qu'il n'était pas en service. La décision de la Commission a été appuyée par le directeur de la police qui a déclaré que même si le prestataire regrettait son geste, il était impossible pour lui de réintégrer les forces policières. Le prestataire a porté cette décision en appel devant le conseil arbitral, qui a déterminé qu'une résolution du conseil municipal contredisait la déclaration du directeur de police en révélant que le prestataire avait été suspendu sans solde et non congédié. Comme il ne disposait d'aucun renseignement supplémentaire concernant un rapport confidentiel, les arbitres ont accueilli l'appel et infirmer la décision de la Commission.

    La Commission soutient que les arbitres ont commis une erreur, car leur décision n'est pas conforme à la jurisprudence.

    Avant l'entrée en vigueur de l'article 28.1 de la Loi sur l'assurance-chômage, on considérait généralement qu'une suspension pour motif d'inconduite équivalait à un congédiement pour inconduite (CUB 26001, 22270 et 21645). Toutefois, l'inconduite doit être délibérée ou du moins témoigner d'un mépris délibéré des conséquences de ses actes sur le rendement au travail (Canada (A.G.) c. Tucker, [1986] 2 F.C. 329 (F.C.A.)). La Cour d'appel a aussi récemment déterminé qu'une inconduite à l'extérieur du lieu de travail peut être suffisante pour justifier un congédiement pour inconduite lorsqu'elle contrevient à une condition d'emploi essentielle. Comme l'a souligné le juge Létourneau dans l'affaire Canada (A.G.) c. Brissette 1:

    Qui plus est, nous pouvons conclure sans hésitation qu'en se rendant coupable d'une infraction sommaire ou d'un acte criminel qui lui a valu une déclaration de culpabilité en vertu du Code criminel, le prestataire en l'espèce a commis une inconduite au sens du paragraphe 28(1) de la Loi. L'inconduite dont il est question dans ledit paragraphe peut prendre la forme d'une violation de la loi, d'un règlement ou d'une règle d'éthique, et peut faire en sorte qu'une condition d'emploi essentielle n'est plus respectée, ce qui entraîne un licenciement. Il peut s'agir d'une condition explicite ou implicite, qui se rattache à une exigence plus ou moins concrète.

    La décision rendue par les arbitres est pour le moins superficielle et ne fournit en fait aucune indication, outre la perception de preuves contradictoires, sur le motif de l'annulation de la décision de la Commission.

    Qu'il ait été congédié ou suspendu sans solde ne change rien au fait que c'est sa propre conduite qui l'a placé dans une position ne lui permettant pas de s'acquitter de ses tâches.

    Comme l'indiquait le juge Mahoney dans le CUB 7469A :

    [...] Le prestataire semble croire que parce qu'il a été suspendu et non renvoyé, il n'a pas perdu son emploi. Il a tort sur ce point. Selon la Loi, le droit aux prestations intervient lorsqu'il y a arrêt de rémunération dérivée d'un emploi. Il s'ensuit qu'une suspension d'emploi sans rémunération équivaut à une perte d'emploi, aux fins de l'article 41 de la Loi. [...] Lorsque la Loi parle de perte d'emploi en fonction de l'admissibilité aux prestations, elle parle en réalité de l'arrêt de la rémunération dérivée d'un emploi. Que ce soit à la suite d'une cessation d'emploi complète, d'un licenciement temporaire, d'une suspension - peu importe le terme qu'on emploie ou les raisons invoquées - l'essence de la perte d'emploi aux fins de la Loi sur l'assurance-chômage est un arrêt de la rémunération tirée d'un emploi.

    Selon la jurisprudence, il semble bien que le prestataire ait peu de chances de gagner sa cause. Si le fait d'être reconnu coupable d'infractions criminelles ne prouve pas nécessairement qu'il y a eu inconduite, le rejet de telles accusations n'est pas davantage la preuve qu'il n'y a pas eu inconduite. À mon avis, toutefois, la nature de l'inconduite en l'espèce est à ce point néfaste à l'occupation du prestataire que la Commission s'est acquittée du fardeau de la preuve. La population doit pouvoir se fier à ses policiers. Le directeur de la police n'avait d'autre choix que de suspendre le prestataire.

    Non seulement la décision du conseil arbitral a-t-elle été rendue sans égard à la jusrisprudence, mais elle ne tenait en outre aucunement compte des faits. L'appel de la Commission est donc accueilli et sa décision initiale est rétablie.

    Danièle Tremblay-Lamer

    JUGE-ARBITRE

    MONTRÉAL (Québec)
    Le 24e jour de septembre 1996



    1[1994] 1 F.C. 684 (F.C.A.). 2011-01-16