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  • CUB 35551

    EN VERTU DE la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage

    - et -

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    Christian CORRIVEAU

    - et -

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre par
    la Commission à l'encontre de la décision d'un conseil arbitral
    rendue à Lévis (Québec) le 28 mars, 1995.

    DÉCISION

    LE JUGE JOYAL

    En date du 28 décembre 1994, le prestataire perdait son emploi parce qu'il avait perdu son permis de conduire en raison de contraventions d'une valeur de 300, 00$ qui demeuraient en souffrance.

    En date du 8 février 1995, la Commission de l'emploi et de l'immigration refusait la demande de prestations d'assurance-chômage du prestataire parce que ce dernier avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

    Le 22 mars 1995, le conseil arbitral accueillait l'appel du prestataire. Le conseil déclarait que le prestataire avait été pris en défaut ne portant pas sa ceinture de sécurité, qu'il travaillait à salaire minimum, qu'il éprouvait des difficultés à payer ses amendes, qu'il avait fait diligence pour les payer, que la municipalité lui avait remis son permis, mais que le Ministère plus tard lui imposait une suspension de trois mois en raison d'un retard de 24 heures pour payer les amendes. Le tout poussait le conseil arbitral à conclure qu'en telles circonstances, le prestataire n'avait pas commis d'inconduite.

    À première vue, en respectant la doctrine exprimée par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Brissette, [1994] 1 R.C.F. 684, j'aurais avec beaucoup de réticence accueilli l'appel de la Commission. Cependant, il faut d'autre part lire bien attentivement les motifs de la décision du conseil arbitral pour en tirer le raisonnement. À mon avis, le conseil reconnaissait que la perte par le prestataire de son permis de conduire était une sanction administrative et non pénale, et que cette perte découlait de circonstances qui vraisemblablement n'étaient aucunement liées à une infraction ou un délit routier, à une mauvaise conduite ou un acte répréhensible de la part du prestataire.

    Je crois la décision arbitrale tout à fait juste et conforme à la Loi sur l'assurance-chômage. La sanction que la Loi impose maintenant sur tout prestataire en cas d'inconduite ne permet aucune discrétion, flexibilité ou considération des circonstances atténuantes. C'est tout ou rien. C'est l'exclusion totale pour toute une période de prestations, laquelle de nos jours peut être de plus en plus longue. Certains seraient portés à croire que ce n'est pas le genre de sanction que l'on s'attend de rencontrer dans un système juridique et statutaire qui se dit aussi réparateur que le nôtre. Mieux un système qui permet l'exercice du bon jugement qu'un système fondé sur des règles sévères et inflexibles.

    À mon humble point de vue, la gravité du châtiment doit, dans la mesure du possible, découler de la gravité de l'offense. Un débiteur délinquant n'est pas criminel. Un retard à payer une dette n'est pas en soi de l'inconduite. La jurisprudence impose déjà sa doctrine à une conduite qui n'a rien à voir directement avec l'emploi d'un prestataire ou qui survient en dehors de ses heures de travail. Il me semble que cette doctrine ne doit s'appliquer qu'en cas d'un acte ou d'une conduite répréhensible.

    L'appel de la Commission est rejetée.

    L-Marcel Joyal

    Juge - arbitre

    OTTAWA (Ontario)
    le 30 août 1996.

    2011-01-16