CUB 35793
TRADUCTION
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE,
L.R.C. 1985, c. U-1
- et -
d'une demande de prestations présentée par
GREGORY CHATKANA
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le
prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral
rendue à Winnipeg (Manitoba)
le 4 octobre 1995
Appel entendu à Winnipeg (Manitoba) le 16 septembre 1996.
D É C I S I O N
LE JUGE STEVENSON
La Commission a décidé que M. Chatkana n'était pas admissible au bénéfice des prestations parce qu'il avait volontairement quitté son emploi sans justification. Il a interjeté appel auprès du conseil arbitral, sans succès, et il interjette maintenant appel auprès du juge-arbitre.
M. Chatkana a quitté son emploi de conseiller en réhabilitation à Winnipeg afin de déménager sur la réserve d'Oak Lake pour que lui et son épouse puissent s'occuper de sa mère âgée, qui souffrait de maux multiples.
Le paragraphe 28(4) de la Loi sur l'assurance-chômage prévoit qu'un travailleur est justifié de quitter volontairement un emploi quand, compte tenu de toutes les circonstances, y compris l'obligation de prendre soin d'un membre de sa famille immédiate, il n'a pas d'autre choix raisonnable que de quitter son emploi. La Loi reconnaît alors l'obligation, morale ou autre, qu'a une personne de s'occuper d'un membre de sa famille immédiate.
Il ne fait aucun doute qu'un parent fait partie de la famille immédiate.
L'agent d'assurance qui a examiné la demande de M. Chatkana a discuté d'autres solutions de rechange avec ce dernier, notamment de déménager sa mère à Winnipeg (elle a toujours vécu dans la réserve et ne parle pas anglais); de faire en sorte que d'autres membres de la famille s'occupent de leur mère (les soeurs de M. Chatkana sont mariées et vivent dans d'autres réserves); de confier sa mère à un foyer d'accueil (elle ne veut pas aller dans un foyer d'accueil, et il est de tradition, chez les Autochtones, de s'occuper de leurs parents); d'organiser des soins à domicile supérieurs aux soins limités que fournit le conseil de bande (le prestataire a affirmé qu'il ne pouvait pas se le permettre).
Avant de déménager, M. Chatkana a examiné des débouchés d'emploi dans la réserve et dans la région de Brandon.
Le conseil arbitral a examiné trois options que le prestataire aurait pu choisir. Il semble avoir accepté ses motifs quant à savoir pourquoi aucune de ses soeurs ne pouvait s'occuper de sa mère et pourquoi il n'a pas déménagé sa mère à Winnipeg. En ce qui concerne l'option consistant à maintenir la situation existante dans laquelle sa mère recevait quelques soins à domicile pendant qu'il continuait sa recherche d'emploi, le conseil arbitral semble avoir conclu qu'il s'agissait d'une solution de rechange raisonnable. Ce dernier affirme «qu'en ne cherchant pas d'autres options, le prestataire n'a pas démontré qu'il était justifié de quitter son emploi».
M. Chatkana n'a pas pris sa décision à l'improviste ni sans avoir d'abord exploré le marché du travail. Comme je l'ai déjà mentionné, l'obligation qu'a une personne de s'occuper d'un parent est une circonstance dont il faut tenir compte quand il s'agit de trancher la question de la justification. Dans une autre décision (CUB 29760 -- McLean), j'ai affirmé que l'on fait preuve d'insensibilité quand on affirme que l'achat de soins à l'intention d'un parent est une solution de rechange raisonnable pour une personne qui est le seul membre de la famille à pouvoir assumer la responsabilité personnelle des soins.
Après avoir soigneusement examiné la documentation versée au dossier, je suis convaincu que M. Chatkana a étudié toutes les options avant d'abandonner son emploi. La conclusion du conseil arbitral selon laquelle il n'avait pas étudié toutes les options est une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. À mon avis, les éléments de preuve font en sorte que le cas de M. Chatkana correspond clairement à l'alinéa 28(4)e) de la Loi. Il s'agit d'un cas semblable à Canada (Procureur général) c. Chafe [ 1996] , Cour fédérale, no 972 (QL); appel no A-734-95, où une décision semblable a été confirmée.
L'appel est accueilli, et la décision de la Commission d'exclure le prestataire est annulée.
RONALD C. STEVENSON
Juge-arbitre
FREDERICTON (Nouveau-Brunswick)
Le 11 octobre 1996
2011-01-16