TRADUCTION
(Bureau de la traduction Canada)
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE
- et -
d'une demande de prestations présentée par
CAROL MARCHAND
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par la prestataire
à l'encontre d'une décision du conseil arbitral
rendue à Windsor (Ontario) le 7 septembre 1995.
DÉCISION
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME
La prestataire interjette appel de la décision du conseil arbitral qui a conclu qu'elle avait perdu son emploi en raison d'un conflit de travail et qu'elle était exclue du bénéfice des prestations d'assurance-chômage.
La demande de prestations de Mme Marchand est entrée en vigueur le 1er janvier 1995. Elle a par la suite obtenu un contrat de six semaines au casino de Windsor. Le 9 mars 1995, pendant son contrat, il y a eu un arrêt de travail attribuable à un conflit collectif au casino. Le contrat de la prestataire a pris fin le 31 mars 1995. La grève, elle, a pris fin le 4 avril 1995.
La Commission a exclu la prestataire du bénéfice des prestations du 9 mars au 4 avril 1995 parce qu'elle a perdu son emploi au casino à la suite d'un conflit collectif.
La prestataire a interjeté appel devant le juge-arbitre au motif que son contrat a pris fin pendant la grève et qu'elle ne faisait pas partie d'une unité de négociation au moment de la grève. De plus, la prestataire et son employeur avaient déjà convenu que son contrat ne serait pas renouvelé de toute façon car Mme Marchand n'était pas capable d'assumer ses fonctions en raison de son état de santé. Elle a soutenu que puisqu'elle n'a retiré aucun avantage de la grève, elle devrait être admissible aux prestations.
Le conseil a rejeté l'appel pour les raisons suivantes :
La question porte sur la signification du terme intérêt. Le représentant de la prestataire affirme que, comme elle ne tirait aucun avantage du syndicat ou de l'emploi au casino, elle n'avait pas un «intérêt direct» dans le conflit collectif. Le conseil n'est pas d'accord avec cette définition. Au moment du conflit collectif, le syndicat négociait les salaires et les avantages sociaux des employés, y compris les caissiers. La prestataire a donc un intérêt direct dans le conflit et est exclue du bénéfice des prestations.
La prestataire interjette maintenant appel devant le juge-arbitre au motif que le conseil a rendu une décision entachée d'une erreur de fait et de droit.
En vertu de l'article 31 de Loi sur l'assurance-chômage, le prestataire qui a perdu un emploi du fait d'un arrêt de travail dû à un conflit collectif n'est pas admissible au bénéfice des prestations avant la fin de l'arrêt de travail ou le jour où il a commencé à exercer ailleurs un emploi. L'article ne s'applique pas si le prestataire prouve qu'il ne participe pas au conflit collectif, qu'il ne le finance pas et qu'il n'y est pas directement intéressé.
Dans l'affaire Procureur général du Canadac. Hurren (1986), 69 N.R. 117, le prestataire avait pris sa retraite pendant une grève. Il n'était plus membre du syndicat, ne participait pas au conflit de travail ni n'y était pas directement intéressé. La Cour d'appel a indiqué ce qui suit à la page 119 :
L'employé qui prend sa retraite (volontairement ou en y étant forcé, peu importe) rompt les liens qui l'unissent à son employeur. Il n'a plus rien à tirer ni à perdre de l'issue d'un conflit collectif. Il est désormais libre. La cause de la perte de son emploi, facteur décisif à la détermination de l'admissibilité visée au paragraphe 44(1), n'importe plus car il a volontairement renoncé à la possibilité de jamais reprendre son emploi.
On ne conteste pas ici que le contrat de la prestataire a pris fin le 31 mars 1995, avant la fin de la grève, ni le fait que son contrat ne devait pas être renouvelé. Si l'on applique la décision Hurren, on ne peut dire que Mme Marchand était directement intéressée par le conflit collectif après le 31 mars 1995 puisque la relation d'emploi prenait clairement fin après cette date. Elle a donc droit à des prestations le jour suivant la date d'expiration de son contrat, soit le 1er avril 1995.
Toutefois, je ne suis pas d'accord avec l'avocat de la prestataire, qui prétend que cette dernière était admissible aux prestations à partir du 9 mars 1995, date à laquelle la grève a commencé. Pendant la période allant du début de la grève à la fin de son contrat, elle était directement intéressée par la grève car le syndicat négociait les salaires et les avantages sociaux des employés occupant le même genre de poste qu'elle. Pour qu'elle soit admissible aux prestations à compter du 9 mars 1995, il aurait fallu qu'elle prouve que son contrat avait déjà pris fin et que le lien d'emploi était rompu. De toute évidence, ce n'est pas le cas.
Pour ces motifs, l'appel de la prestataire est accueilli dans la mesure où elle est admissible aux prestations à compter du jour suivant l'expiration de son contrat.
JAMES A. JEROME
Juge-arbitre
OTTAWA (Ontario)
Le 3 octobre 1996