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  • CUB 35986

    EN VERTU de la LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    et

    RELATIVEMENT à une demande de prestations par
    ALFREDO D'ASTOLI

    et

    RELATIVEMENT à un appel interjeté auprès d'un juge-arbitre
    par le prestataire de trois décisions d'un conseil arbitral rendues
    le 27 janvier 1994, à Montréal, province de Québec

    DÉCISION

    LE JUGE NOËL:

    Le prestataire en appelle de trois décisions du conseil arbitral confirmant qu'il n'est pas éligible aux prestations au motif qu'il exploitait, au moment pertinent, une entreprise à son compte ou à titre d'associé, et que de ce fait, il est réputé ne pas avoir été en chômage.

    Les faits sous-jacents à ces trois appels sont identiques mis à part les périodes de prestations en cause. Le prestataire a déposé trois demandes de prestations le 20 décembre 1989, le 14 janvier 1991 et le 16 mars 1992 respectivement. Ces demandes furent initialement accordées pour être subséquemment refusées en date du 15 novembre 1993. Les faits qui menèrent à ces refus sont les suivants.

    Dans le cadre de son enquête, la Commission a appris que le prestataire détient 25% de l'entreprise Tuiles, Terrazzo, Marbre A. D'Astoli Inc. Depuis quelques années il en est le seul administrateur. Il travaille aux fins de mener à bien l'entreprise douze mois par année. Le chiffre d'affaire de la compagnie ne laisse aucun doute quant à l'exploitation continue de la compagnie et son haut degré d'activité.

    À la lumière de ces faits, la Commission a conclu que le prestataire exerçait une entreprise à son propre compte au moment pertinent et que de ce fait il était réputé travailler une semaine entière en vertu de l'article 43(1)(a) du Règlement de l'assurance-chômage. Une décision fut émise à cet effet en date du 15 novembre 1993 à l'égard des trois demandes de prestations logées par le prestataire.

    Le prestataire en appela de ces trois décisions devant le conseil arbitral. Au soutien de son appel, le prestataire produisit une décision de la Division des Appels de Revenu Canada rendue en date du 22 juillet 1993 qui se lit comme suit:

    "La présente lettre concerne la demande de décision que vous avez présenté (ne) sur l'assurabilité, pour lu fins de l'assurance-chômage, de votre emploi chez Tuiles, Terrazzo, Marbre A. D'Astoli Inc., du 14 février 1989 au 22 décembre 1989, du 15 janvier 1990 au 7 décembre 1990, et du 25 mars 1991 au 13 mars 1992.
    Il a été déterminé que cet emploi était assurable pour la raison suivante: il existait une relation employée/employeur entre vous et Tuiles, Terrazzo, Marbre A. D'Agtoli Inc.
    En cas de désaccord, vous pouvez en appeler de cette décision à la Cour canadienne de l'impôt dans les 90 jours de la date d'envoi de la présente lettre. "La formule ci-jointe, intitulée "Les appels à la Cour canadienne de l'impôt", fournit de plus amples renseignements à ce sujet."
    La décision dans cette lettre a été rendue en vertu l'alinéa 61(3)a) de la Loi sur l'assurance-chômage et elle s'appuie sur l'alinéa 3(1)a) de la Loi.
    Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de mes sentiments respectueux.
    Pour le ministre du Revenu national"

    Le prestataire a prétendu devant le conseil arbitral que cette décision était déterminante quant au fait qu'il exerçait un emploi assurable auprès de son entreprise pour chacune des périodes visées par la décision. Il ajoute que la Commission ne pouvait, au moment de la cessation de cet emploi assurable prétendre que cette occupation n'existait pas du fait qu'il exploitait sa propre entreprise. Selon le prestataire, la décision du ministre lie la Commission de sorte que cette, dernière ne pouvait refuser sa demande de prestations au motif qu'il n'exerçait pas un emploi assurable.

    La Commission pour sa part prétend que la décision du ministre porte sur l'assurabilité de l'emploi alors que ce qui est en cause ici est l'admissibilité aux prestations. Elle conclut qu'elle n'est aucunement liée par la décision du ministre.

    Le conseil arbitral, sans avancer de motifs précis à cet égard, refusa l'appel du prestataire et confirma les trois décisions de la Commission. Le prestataire en appelle de ces décisions devant le juge-arbitre.

    Comme il le fit devant le conseil arbitral, le prestataire se fonde sur la décision du ministre rendue en date du 22 juillet 1993 en vertu de l'article 61(3)(a) de la Loi. Il ajoute que la question soulevée par cette décision dans le contexte du présent appel fut déjà considérée et décidée par là Cour d'appel dans Procureur général du Canada et Louis Venditelli (A-800-81) (1er juin 1982). Dans cette affaire, le Juge Urie au nom de la Cour exprima l'opinion suivante:

    "La Commission d'assurance-chômage, conformément au paragraphe 75(3) de la Loi sur l'assurance-chômage, a demandé au ministre du Revenu national de régler la question de savoir si l'intimé exerçait un emploi assurable. L'avocat du requérant a admis que la décision a été que tel était le cm. Le règlement de cette question contenait implicitement la conclusion que l'intimé "exerçait un emploi" ce qui signifie qu'il était un "employé". En conséquence on ne pouvait conclure qu'il était engagé dans lu affaires pour son propre compte."

    Je ne peux déceler de faits distinctifs dans la présente instance. Contrairement à ce qu'a laissé entendre l'avocate de la Commission en début d'instance, la distinction entre l'assurabilité et l'admissibilité fut clairement soulevée devant le juge-arbitre dans l'affaire Venditelli. C'est donc avec cette distinction à l'esprit que la Cour d'appel a rendu sa décision. Comme ce fut le cas ici, le statut de l'emploi du prestataire fut déterminé par le ministre en vertu de l'article 61(3)(a) de la Loi. Cette décision ne fut pas portée en appel. Elle est donc finale. Selon la Cour d'appel, cette décision du ministre emporte implicitement la conclusion voulant que le prestataire exerçait au moment pertinent un emploi ce qui exclut la possibilité qu'il ait été au même moment entrepreneur indépendant. Reconnaissant que ce raisonnement est susceptible de donner lieu à des difficultés administratives,1 je ne peux conclure que celles-ci ont échappé à l'attention de la Cour d'appel. Étant lié par la décision de la Cour d'appel, je me dois de conclure qu'il n'était pas loisible à la Commission et partant, au conseil arbitral, de conclure que le prestataire était entrepreneur indépendant au moment pertinent.

    L'appel est donc accordé dans chacun des trois dossiers.

    Marc Noël
    juge-arbitre

    Ottawa (Ontario)
    le 9 août 1996



    1 Selon ce raisonnement ce n'est que suite à une autre décision du ministre renversant la première quant à l'assurabilité, d'un emploi que la Commission pourrait exclure un prestataire du bénéfice des prestations au motif qu'il n'est pas en état de chômage du fait qu'il exerce une entreprise. 2011-01-16