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  • CUB 37351

    TRADUCTION

    DANS L'AFFAIRE de la LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    - et -

    d'une demande présentée par
    EUGENE PRPIC

    - et -

    d'un appel interjeté devant un juge-arbitre par le prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral rendue à London (Ontario), le 8 décembre 1995

    DÉCISION

    Le juge R.J. Marin

    Le présent appel a été entendu par vidéoconférence depuis Ottawa, le 10 janvier 1997.

    La nature de cet appel n'est peut-être pas si inhabituelle, bien que les questions qu'il soulève différent de celles que l'on rencontre normalement. Le prestataire, qui était étudiant en droit, a fait un stage dans un cabinet d'avocats à Thunder Bay en Ontario. Après son stage, et avant de suivre le cours de préparation au barreau qui commençait en septembre 1995 à London, en Ontario, il a reçu une lettre du cabinet indiquant que s'il réussissait le cours, il serait embauché comme collaborateur dans ce cabinet. Par la suite, le prestataire a présenté une demande de prestations (pièce 2.1 du dossier d'appel). Dans son relevé d'emploi, à la question 20, il est écrit que la date de reprise du travail prévue n'est pas encore fixée, mais ce n'est pas tout à fait vrai.

    À la pièce 4.1, question 11, le prestataire déclare qu'il entend consacrer tout son temps à ses études plutôt qu'à la recherche d'un emploi, mais indique également qu'il serait disposé à accepter un emploi qui corresponde à son expérience, à ses études et à sa formation et qui offre un salaire convenu, et qu'il est disponible tous les jours de la semaine, entre 14 h et 22 h. Je remarque aussi, à la pièce 4.2, qu'il y a un intervalle de cinq semaines entre la date de la fin de son emploi et celle du début de sa formation. S'appuyant sur ces renseignements, un agent de la Commission a établi, le 23 octobre 1995, que le prestataire n'était pas admissible aux prestations au titre de l'alinéa 14a) et du paragraphe 40(l) de la Loi.

    Dans une longue lettre envoyée au conseil arbitral, le prestataire s'appuie sur une décision antérieure rendue par le juge Walsh dans l'affaire St. Onge (décision CUB 5370) et sur une décision rendue par le juge Mahoney dans l'affaire Kellar (décision CUB 5085) pour démontrer qu'il est admissible aux prestations.

    Je remarque que le juge Walsh, dans l'arrêt St. Onge, a tranché des questions qui devraient être examinées en l'espèce. Je cite un extrait de sa décision, plus précisément aux pages 2 et 3 :

    Il a été décidé un grand nombre de fois que, lorsqu'un prestataire a des motifs raisonnables de croire qu'il sera rappelé au travail par son ancien employeur, un délai raisonnable doit lui être accordé avant qu'on le prive du bénéfice de ses prestations au motif qu'il n'a pas cherché un autre emploi. Or, non seulement ses chances de se trouver un autre emploi seraient-elles considérablement diminuées si un employeur éventuel à qui il adresserait une demande d'emploi savait qu'il ne se cherche du travail qu'en attendant d'être rappelé par son ex-employeur, et s'il ne lui révélait pas cette intention le prestataire serait injuste envers lui.

    Dans le cas qui nous occupe, il ne s'est écoulé que six semaines avant que l'appelante n'ait été réengagée.

    La jurisprudence est constante à l'effet qu'une décision unanime d'un conseil arbitral ne devrait pas être attaquée à moins qu'il ne s'agisse d'une décision telle que le conseil n'aurait pas pu normalement la rendre en se fondant sur les faits qui lui ont été présentés. Or, si la décision du conseil arbitral est basée sur une stricte interprétation de la Loi, il appert qu'une grande partie de la jurisprudence qui aurait été pertinente n'a pas été présentée au conseil arbitral. Si cette décision était maintenue, elle irait à l'encontre de la jurisprudence existante sur la question de la disponibilité d'un prestataire qui ne se cherche pas un autre emploi durant la courte période de temps où il s'attend à être rappelé au travail par son ex-employeur. Cette décision serait également contraire à la jurisprudence qui a consacré le principe qu'un prestataire n'est pas obligé de demeurer oisif et ne rien faire, afin d'établir sa disponibilité en autant qu'il est prêt à abandonner toute autre activité occasionnelle qu'il a pu entreprendre (en l'occurrence, un cours d'anglais dans un État américain limitrophe) si une offre d'emploi permanent se présente.

    Je remarque que les circonstances entourant l'affaire St. Onge, hormis le fait qu'on doive accorder un délai raisonnable au prestataire qui prévoit retourner travailler pour le compte d'un ancien employeur (rappel au travail), ne s'appliquent pas nécessairement à l'appel dont je suis saisi. Sans entrer dans les détails techniques, je ne donnerais certainement pas autant de poids à cette décision que le prestataire semble vouloir lui donner, bien que je souscrive aux principes formulés par le juge Walsh.

    À cet égard, je dois reconnaître que la citation extraite de la décision rendue par le juge Mahoney m'interpelle. Chaque affaire doit être jugée à la lumière des circonstances qui la caractérisent et, comme le mentionne le juge-arbitre en chef dans la décision CUB 24972, à la lumière des faits qui lui sont propres. Le conseil arbitral a rendu une longue décision, dans laquelle il examine toutes les questions en détail avant de rejeter l'appel à l'unanimité, jugeant que le prestataire n'avait pas établi qu'il était disponible pour travailler. Voici donc la conclusion tirée par le conseil, à l'intention du lecteur :

    Le prestataire n'a pas démontré qu'il était disponible pour travailler.

    Le prestataire suit un cours qui ne lui a pas été recommandé par la Commission. Pour évaluer sa disponibilité pendant la période en question, le conseil a tenu compte des faits suivants :

    1. Le prestataire a dépensé une somme appréciable pour prendre ce cours et ne souhaite pas l'abandonner pour occuper un emploi.

    2. Le prestataire n'a présenté aucun élément de preuve indiquant qu'il aurait récemment travaillé parallèlement à ses études (en l'espèce, ses études en droit).

    3. Le prestataire n'est pas disposé à modifier son horaire de cours pour accepter un emploi et par conséquent, n'est pas disponible pour travailler dans un cabiner d'avocats pendant les heures normales de travail.

    4. Le prestataire n'a pas réussi à démontrer qu'il avait tenté de trouver un emploi. Il a déclaré qu'il avait l'intention de se consacrer à ses études. Cette déclaration est étayée par le fait qu'il n'a pas cherché d'emploi.

    Décision

    Dans une décision unanime, le conseil rejette l'appel et confirme la décision de l'agent de l'assurance-emploi.

    [Traduction]

    Dans l'appel dont je suis saisi, le prestataire dément habilement les allégations selon lesquelles il aurait été licencié, et fait valoir qu'il était justifié de compter sur une promesse de rappel au travail. Il n'a donc pas cherché activement d'emploi; toutefois, la recherche d'emploi active constitue habituellement un critère d'admissibilité au sens de la Loi. Selon ses dires, il devait seulement suivre le cours de préparation au barreau, puis un emploi assuré l'attendait. Subsidiairement, le prestataire me demande de conclure qu'on aurait dû lui accorder un délai raisonnable pour trouver un autre emploi, si je n'en viens pas à la conclusion qu'il s'agissait d'un cas de rappel au travail.

    La Commission est d'avis que sa situation n'est pas vraiment différente de celle des autres étudiants suivant le cours de préparation au barreau; ils doivent étudier à temps plein, leur disponibilité pour travailler est restreinte et, par conséquent, tout simplement inacceptable. Le prestataire a allégué qu'il devait être rappelé au travail, mais la Commission soutient que cet argument n'a pas beaucoup de poids venant d'une personne à qui l'on a promis un emploi à Thunder Bay et qui poursuit ses études à London. L'avocat conclut également en disant que l'offre d'emploi était conditionnelle et non définitive.

    À mon grand regret, je ne crois pas qu'une intervention de ma part dans cette affaire soit justifiée en droit. Pour annuler la décision rendue à l'unanimité par un conseil arbitral, je dois découvrir des erreurs de droit ou de fait. Pour affirmer que le conseil a commis une erreur de droit, je devrais ignorer un nombre, à mon avis, assez important de décisions rendues par ce tribunal en la matière.

    Dans l'affaire Watrich (décision CUB-16505), la Cour déclare, toutefois, qu'on devrait accorder un délai raisonnable au prestataire qui, à tort ou à bon droit, compte sur une promesse de rappel au travail. Dans cette mesure, et seulement dans cette mesure, je propose qu'on accorde un certain allègement au prestataire. Je reprends les termes employés par le juge Mahoney dans la décision CUB-5085 : il est surprenant qu'une « période d'exclusion soit imposée immédiatement après le licenciement ». En effet, le prestataire aurait dû disposer de trois semaines en août pour chercher un autre emploi.

    Je suis d'avis que la Commission a peut-être conseillé au prestataire, avant qu'il ne suive le cours de préparation au barreau à London, de chercher un emploi ou d'assumer les conséquences de ses actes. Comme la décision a été rendue pendant que le prestataire suivait le cours de préparation au barreau, elle est fondée en fait et en droit, et j'y souscris.

    L'appel est partiellement accueilli, comme il est indiqué plus haut.

    R.J. MARIN

    JUGE-ARBITRE

    OTTAWA (Ontario)
    Le 31 janvier 1997

    2011-01-16