CUB 37589
TRADUCTION
(Bureau de la traduction Canada)
DANS L'AFFAIRE DE LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE
- et -
d'une demande de prestations présentée par
DAVID MILNE
- et -
d'un appel interjeté devant le juge-arbitre par le
prestataire à l'encontre d'une décision du
conseil arbitral rendue à Mississauga (Ontario)
le 29 avril 1996
DÉCISION
LE JUGE ROULEAU
Il s'agit d'un appel interjeté par le prestataire à l'encontre d'une décision du conseil arbitral qui a conclu que sa demande de prestations ne pouvait pas être antidatée parce qu'il n'avait pas établi qu'il avait un motif justifiant son retard à présenter sa demande. Une audience n'a pas été demandée et, en conséquence, l'affaire sera jugée d'après le dossier.
M. Milne a travaillé comme vendeur chez Base Electronics du 14 novembre 1994 au 14 octobre 1995. Il a présenté une demande de prestations d'assurance-chômage le 27 février 1996, environ quatre mois et demi après son dernier jour de travail. Au moment où il a présenté sa demande, il a indiqué qu'il souhaitait que celle-ci soit antidatée au 16 octobre 1995. Le prestataire a soutenu qu'il avait communiqué avec la Commission en octobre 1995, après sa cessation d'emploi, et qu'on lui avait dit que sa demande de prestations pouvait être antidatée. Il a donc supposé qu'il pouvait présenter sa demande plus tard.
Dans un avis daté du 14 mars 1996, la Commission a informé M. Milne que sa demande ne pouvait pas être antidatée au 16 octobre 1995 parce qu'il n'avait pas prouvé qu'entre le 16 octobre 1995 et le 28 février 1996 il avait un motif justifiant le retard de sa demande.
Le prestataire a interjeté appel devant un conseil arbitral qui a rejeté son appel pour les motifs suivants :
Le prestataire a indiqué au conseil qu'il avait téléphoné pour obtenir des renseignements peu de temps après son licenciement en octobre 1995. Le prestataire a affirmé qu'on lui avait dit que sa demande pouvait être antidatée. On a également dit au prestataire qu'il pouvait recevoir ses versements à une date ultérieure. Le prestataire a décidé de ne présenter sa demande que le 27 février 1996. Le conseil a constaté que la pièce 3, le relevé d'emploi du prestataire, est datée du 20 février 1996. Le prestataire n'a pas pu fournir un motif valable pour expliquer pourquoi il avait attendu quatre mois et demi avant de présenter sa demande.
Le conseil a remarqué que le prestataire a allégué dans la pièce 4 qu'il avait touché des prestations d'assurance-chômage en 1992 et qu'il ne s'était pas rendu compte que la demande devait être présentée immédiatement. Le prestataire n'a pas pu expliquer au conseil pourquoi il avait tardé si longtemps à présenter sa demande. La seule excuse qu'il a pu donner était qu'il s'était entretenu avec quelqu'un par téléphone en octobre 1995 et qu'il s'était fait dire qu'il pourrait recevoir ses prestations rétroactivement. Le prestataire a ajouté qu'il n'avait pas alors besoin de l'argent parce qu'il en avait suffisamment pour subvenir à ses besoins pendant quatre mois et demi.
Le conseil convient à l'unanimité que le prestataire n'a pas pu fournir un motif valable pour expliquer pourquoi il n'avait pas présenté sa demande le 14 octobre 1995 et avait attendu jusqu'au 27 février 1996 pour le faire.
M. Milne interjette appel maintenant devant un juge-arbitre au motif que le conseil a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, à savoir qu'un représentant de la Commission l'avait mal renseigné en lui disant que sa demande pouvait être antidatée. C'est ce renseignement qui, d'après le prestataire, l'a conduit à retarder la présentation de sa demande de prestations.
Le critère pour savoir si un prestataire a prouvé qu'il avait un « motif valable » pour n'avoir pas présenté sa demande à temps est exposé dans l'arrêt Le procureur général du Canada c. Caron (1986), 69 NR 132. À la page 134, on lit ce qui suit :
[...] c'est en principe uniquement en démontrant qu'il a fait ce qu'une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les mêmes circonstances, soit pour faire clarifier sa situation par rapport à son emploi, soit pour s'enquérir de ses droits et obligations en vertu des dispositions de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, qu'un réclamant, qui omet de faire sa réclamation au moment où il cesse d'exercer son emploi et ne touche plus de rémunération, pourra obtenir que son retard soit excusé et que sa demande soit prise en considération rétroactivement.
Chaque cas doit être examiné en fonction des faits qui lui sont propres, au moyen d'une appréciation partiellement subjective des circonstances. Dans Hamilton c. Le procureur général du Canada (1988), 91 NR 145, la Cour d'appel a soutenu que ce qui constitue un motif valable est toujours une question de fait. Dans cet arrêt, la Cour, citant une décision qu'elle avait rendue dans Le procureur général du Canada c. Gauthier (A-1789-83, 9 octobre 1984) s'est prononcée en ces termes :
À tout le moins, à notre avis, les circonstances dans lesquelles il est raisonnable pour un prestataire de retarder délibérément la présentation de sa demande doivent-elles également constituer des motifs justifiant un retard. Les tribunaux ne devraient pas, par des obstacles artificiels, nuire aux démarches louables d'un prestataire qui, pour des motifs raisonnables, retarde la présentation de sa demande de prestations.
Lorsque la Commission donne des renseignements erronés ou lorsqu'elle omet de fournir l'information requise, il en résulte manifestement des situations qui peuvent compromettre l'admissibilité aux prestations du prestataire. Un prestataire qui a fait toutes les démarches requises pour s'informer de son droit aux prestations sera perçu comme ayant établi un « motif valable » de retard lorsque son défaut de présenter sa demande de prestations plus tôt résulte directement d'un renseignement erroné de la part de la Commission. Dans le CUB 11100, le juge-arbitre a considéré ce à quoi il faut raisonnablement s'attendre de la part d'un prestataire à qui un représentant de la Commission a donné un renseignement qui l'a conduit à ne pas présenter sa demande de prestations dans le délai prescrit par la Loi :
Si, comme il le prétend, il a effectivement accepté les avis de cette personne, alors le prestataire a « agi comme l'aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s'assurer des droits et obligations que lui impose la Loi » [...]
Une personne raisonnable, justifiée au premier abord d'accepter des avis qui font apparemment autorité, continue naturellement à les accepter jusqu'à ce qu'on attire son attention sur leur caractère erroné et peu digne de foi.
À mon avis, c'est exactement ce qui s'est passé en l'espèce. M. Milne a communiqué avec la Commission après la cessation de son emploi et a demandé s'il pouvait antidater sa demande. La Commission ne conteste pas ce fait. Elle ne conteste pas non plus qu'on a dit au prestataire que l'antidatation était possible. Au contraire, la Commission soutient que cela ne constitue pas un renseignement erroné puisque la réponse à la question du prestataire était manifestement « oui ». Toutefois, ce que la Commission a omis de dire à M. Milne, c'était qu'il devrait établir qu'il avait un motif valable pour chaque jour de retard sans exception pour que sa demande soit prise en considération rétroactivement.
Dans ces circonstances, je ne peux pas conclure que le prestataire n'a pas agi comme une personne raisonnable et prudente. Lorsqu'un représentant de la Commission lui a dit que sa demande pouvait être antidatée, il s'est fié à cette information et il avait tout à fait raison de le faire. Il ne devrait pas subir les conséquences d'un conseil erroné que la Commission lui a donné.
Le conseil arbitral a rendu sa décision sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Sa décision est donc annulée et l'appel du prestataire est accueilli.
Rouleau
Juge-arbitre
FAIT à Ottawa (Ontario), ce 14e jour d'avril 1997.
2011-01-16