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  • CUB 39868

    TRADUCTION

    DANS L’AFFAIRE DE LA LOI SUR L’ASSURANCE-CHÔMAGE

    - et -

    d’une demande de prestations présentée par G. LYNN SIEMENS

    - et -

    d’un appel interjeté devant le juge-arbitre par l’employeur à l’encontre d’une décision du conseil arbitral rendue à New Westminster (Colombie-Britannique) le 25 juillet 1996.

    DÉCISION

    LE JUGE MACKAY

    Voici un appel interjeté par l’employeur d’une décision du conseil arbitral rendue le 25 juillet 1996. L’employeur demande une révision de cette décision, en vertu de l’alinéa 80a) de la Loi sur l’assurance-chômage, L.R.C. 1985, ch. U-1, telle que modifiée (ci-après appelée « la Loi »), appliquée à tous les moments pertinents.

    Historique

    Le prestataire travaillait à plein temps chez Renascent Automotive Ltd. du 24 mars au 27 octobre 1995, et sur une base périodique par la suite jusqu’au 16 avril 1996. La question en litige à ce moment-ci est de savoir si la rupture des relations de travail en avril 1996 découlait de ce que le prestataire avait été congédié ou qu’il avait quitté son emploi. D’après le prestataire, un des employeurs-propriétaires lui aurait dit qu’il ne travaillait pas assez vite; le prestataire a répondu que si, de l’avis de l’employeur, il ne suffisait pas à la tâche, qu’il le mette à pied. L’employeur apparemment aurait alors congédié le prestataire. Par la suite, lorsque le prestataire a demandé son indemnité de départ, un second employeur-propriétaire lui aurait refusée, parce que la prestataire avait quitté son emploi et qu’il n’avait pas été congédié.

    Le premier employeur, lui, dit que le prestataire n’a pas été congédié, mais simplement menacé de renvoi si son rendement ne s’améliorait pas. Le prestataire alors a quitté sans parler au second propriétaire qui était ailleurs sur les lieux. Lorsque le prestataire a téléphoné à propos de l’indemnité de départ, le second employeur lui a répondu qu’il n’y avait pas droit parce qu’il avait quitté. Le premier employeur a parlé plus tard au prestataire pour lui réitérer qu’il n’avait pas droit à l’indemnité de départ et qu’il pouvait reprendre son travail s’il le désirait.

    Après que le prestataire eût fait une demande de prestations en vertu de la Loi, la Commission a demandé de l’information et en a reçu de son ancien employeur. Le 17 juin 1996, la Commission a exclu le prestataire du bénéfice des prestations à compter du 15 avril 1996, parce qu’il avait quitté sans justification. Le prestataire en a appelé de cette décision du conseil arbitral et l’audience a eu lieu le 25 juillet 1996. Le conseil devait déterminer si le prestataire avait quitté son emploi volontairement au sens de l’article 28 de la Loi. En accueillant l’appel du prestataire, le conseil a dit ce qui suit :

    Le prestataire et l’employeur semblent tous les deux crédibles mais, à partir de l’information présentée au cours de l’audience, le bénéfice du doute s’applique, et le conseil accueille cet appel à partir du bénéfice du douteSur la question du départ volontaire ou de l’inconduite, l’employeur et le prestataire ont tous deux adopté un point de vue contraire quant à savoir s’il s’agissait d’un renvoi ou d’un congédiementEn ce qui a trait au bénéfice du doute, l’employeur a déclaré au conseil que jamais au cours des 13 mois le prestataire n’avait reçu un avertissement écrit ou oral. [TRADUCTION]

    Le 26 septembre 1996, l’employeur interjetait appel de la décision du conseil devant le juge-arbitre, alléguant, entre autres, que le prestataire aurait dû parler au second employeur s’il ne s’entendait pas avec le premier employeur, que les employeurs offraient un environnement de travail stable, que la demande pour les personnes qualifiées était forte dans l’industrie du débosselage, et que le prestataire, à plusieurs reprises dans le passé, avait refusé un emploi pour continuer à recevoir des prestations d’assurance-chômage.

    Analyse

    Un juge-arbitre ne peut infirmer la conclusion de fait d’un conseil que lorsqu’il n’y a pas de preuve appuyant la conclusion du conseil, ou lorsque le conseil a nettement ignoré une preuve importante ou sérieusement dénaturé la preuve CUB 18993 ou fondé sa décision sur une conclusion de faits absurde Marchand c. C.E.I.C. (21 juillet 1989), No du doc. A-148-88 (C.A.F.).. Un juge-arbitre doit voir si, à partir de la preuve devant lui, un conseil avait pu raisonnablement tiré la conclusion à la quelle il est arrivé, même si le juge-arbitre avait pu en tirer une différente Canada (Procureur général) c. Feere (23 janvier 1995), No A-87-94, [1995] C.F.J. No 109 (C.A.F.).. Un juge-arbitre excéderait sa compétence s’il renversait la conclusion de fait d’un conseil ou s’il y substituait la sienne, simplement parce qu’il voyait la preuve différemment. Canada (Procureur général) c. Verreault (1986), 86 N.R. 389, [1986] N.R. No 657 (C.F.J.); Canada (Procureur général) c. Ash (1994), 178 N.R. 73, [1994] C.F.J. No 1716 (C.A.F.).

    Dans le cas présent, j’estime qu’il n’y a pas de motif pour modifier la décision du conseil. Alors que le conseil a trouvé l’employeur et le prestataire crédibles, il conclut que dans les circonstances il faut accorder le bénéfice du doute au prestataire. Le conseil a mentionné particulièrement l’affirmation de l’employeur lors de l’audience, selon laquelle le prestataire n’avait jamais reçu d’avertissement oral ou écrit à propos de son travail, tout le temps de son séjour chez Renascent Automotive. Implicitement, cela semble avoir été interprété comme une opposition aux préoccupations de l’employeur au moment de l’incident, relativement au manque de vitesse ou de productivité dans le travail du prestataire. Cela a semblé sous-tendre sa conclusion selon laquelle le prestataire, dont le travail semble avoir été satisfaisant pendant plus d’un an, avait le droit d’être cru, et qu’il a été congédié, en l’absence de preuve appuyant la version de l’employeur qu’il avait quitté volontairement. Je suis incapable de conclure que le conseil a fondé sa décision sur une « conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Le conseil avait le droit de conclure que l’affirmation de l’employeur appuyait la version des événements du prestataire et a pris sa décision en conséquence. De plus, invoquer « le bénéfice du doute » dans ce cas-ci n’était pas une erreur de droit, car le pouvoir légal particulier du conseil, de se fier sur le « bénéfice du doute » pour peser des prétentions contraires, à savoir que le prestataire a quitté volontairement son emploi, est expliqué au paragraphe 40(1.1), qui se lit comme il suit :

    40 (1.1) Malgré l'alinéa (1)b), la Commission accorde le bénéfice du doute au prestataire dans la détermination de l'existence de circonstances ou de conditions ayant pour effet de le rendre inadmissible au bénéfice des prestations aux termes des articles 28.1, 28.2 ou 28.3, ou de l'en exclure aux termes de l'article 28, si les éléments de preuve présentés de part et d'autre à cet égard sont équivalents.

    Pour les raisons énoncées, je rejette l’appel de l’employeur.

    W. ANDREW MACKAY

    Juge-arbitre

    Ottawa (Ontario)
    Le 5 décembre 1997

    2011-01-16